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L’évaluation dans les Réseaux Ambition Réussite (RAR), avec Anne Armand (IGEN) (Rencontre OZP du 07.10.09)

7 octobre 2009

-----LES RENCONTRES DE L’OZP-----

Observatoire des zones prioritaires

n° 78 - octobre 2009

L’évaluation dans les Réseaux Ambition Réussite (RAR)

Compte rendu de la réunion publique du 7 octobre 2009

 

Anne Armand, inspectrice générale de l’éducation nationale, chargée du groupe RAR, vient de remettre au ministre un rapport sur « L’animation pédagogique des RAR », qui sera prochainement diffusé aux instances académiques et est le résultat d’un travail effectué sur 18 académies.
Dans son exposé, qui n’a concerné que la troisième partie de ce rapport, intitulée « L’évaluation dans les RAR », l’intervenante a accordé une large place à une transformation radicale de son propre métier, l’inspection : ne plus juger l’enseignant mais évaluer des actes d’enseignement et fonder l’évaluation des enseignants et des réseaux sur l’évaluation des acquis des élèves.
Les questions posées par les participants ont amené Anne Armand à développer une des préconisations importantes de son rapport : rééquilibrer le dispositif vers le premier degré et ne pas abandonner les acquis et l’expertise de celui-ci.

Le rapport comprend trois parties :
 1. Quel renouvellement de l’action pédagogique en RAR ?
 2. Quel pilotage ?
 3. L’évaluation dans les RAR.

C’est cette troisième partie seule qu’Anne Armand a traitée lors de cette rencontre.

La culture d’évaluation est peu partagée en RAR où elle est cependant encore plus nécessaire qu’ailleurs, en raison des moyens supplémentaires attribués - la Cour des Comptes estime à 1,2 milliard d’Euros le surcoût de l’éducation prioritaire - mais aussi parce que les RAR ont pour fonction d’augmenter la réussite des élèves.

L’évaluation des RAR est une « question difficile et douloureuse ». C’est une loupe grossissante de la manière dont l’institution, et d’abord les corps d’Inspection, évaluent tout le système éducatif.

1 - L’évaluation des résultats des élèves
Il faut partir de l’évaluation des résultats des élèves parce qu’elle est trop souvent absente ou noyée dans des indicateurs qui sont des moyennes ou parce que l’on se contente de noter la satisfaction des parents sans mesurer les acquis des élèves.
Anne Armand propose en exemple les rapports de l’académie d’Aix-Marseille : l’évaluation intermédiaire des RAR et RRS est décrite en ligne avec les résultats et le guide méthodologique. Le rapport estime que cette démarche constitue une référence et préconise de la généraliser.

Loin de s’arrêter aux indicateurs rectoraux qui donnent des moyennes, l’analyse peut descendre au niveau de la classe et au niveau des items où des différences significatives apparaissent. Les moyennes peuvent être trompeuses : elles peuvent masquer l’absence de progrès des élèves les plus faibles (comme elles peuvent aussi masquer des différences sensibles entre les résultats des écoles d’un même RAR). Des outils d’analyse fine comme ceux d’Aix-Marseille (voir ci-dessus) permettent, eux, de nourrir de vrais projets opérationnels.

2 - L’évaluation des réseaux
Evaluer un RAR, ce n’est pas évaluer un établissement, et on ne sait pas encore le faire. Dans ce cas, il faut le reconnaître et constituer des groupes de travail. Dans l’académie de Rouen, les IPR se sont organisés en 5 groupes de travail dont 4 portent sur les RAR :
 a. l’évaluation des élèves comme levier des pratiques pédagogiques.
 b. l’évaluation interne et externe des RAR et des professeurs référents
 c. l’évaluation des contrats d’objectifs
 d. l’évaluation des expérimentations.

Exemple : l’évaluation des professeurs référents perturbe le système actuel d’évaluation des enseignants : qui les évalue et sur quelle base ? Dans leur discipline ? En classe ? Comment évaluer leur travail spécifique auprès de leurs collègues ? Ils vivent des situations professionnelles nouvelles et ont à inventer des pratiques professionnelles. C’est une évaluation d’accompagnement qu’il faut mettre en place. Accepter de dire, d’écrire ce que l’on fait, de reconnaître ses tâtonnements, de se mettre en danger...
Comment se situent-ils par rapport à leurs collègues ? On constate par exemple qu’ils se disent plus à l’aise dans leur travail quand il ne porte pas sur leur discipline.

Evaluer un réseau, c’est aussi voir si les objectifs fixés au départ par celui-ci ont été atteints. En général, on dispose d’un diagnostic avec des indicateurs en moyenne et en face des noms d’actions, mais pas d’outils d’évaluation pour mesurer l’atteinte des objectifs. Les acteurs de terrain ont donc rarement la possibilité de dire ce qu’ils ont fait et ce qui a réussi ou non.

3 - L’évaluation des enseignements et des enseignants
Comment la nécessité d’évaluer fait apparaître une nouvelle professionnalité chez les enseignants et chez les évaluateurs.

Pour une évaluation des enseignants fondée sur les acquis des élèves.
L’exposé d’Anne Armand accorde une large place à une transformation radicale de son propre métier, l’inspection. Elle cite le cas fréquent de rapports d’inspection très élogieux, "excellent professeur", mais les résultats des élèves sont très mauvais. Pour un enseignant, cette contradiction est désespérante. Il faut un regard extérieur qui dise à la fois ce que l’on attend, les progrès que l’on a constatés et le chemin à parcourir.

Lors de l’inspection, dans l’entretien d’une heure qui suit l’observation en classe, on parle de tout sauf des acquis des élèves. Jamais on ne pose les questions brutales : « Qu’avez-vous voulu faire apprendre à vos élèves dans ce cours ? Quels exercices ? Regardons les cahiers. Avez-vous obtenu ce que vouliez obtenir ? »
L’entretien devrait porter sur l’adaptation des choix de l’enseignant par rapport aux résultats recherchés. Il est difficile d’admettre qu’un enseignement n’est pas forcément adapté à un public donné. C’est douloureux pour un enseignant de ne pas voir ses élèves progresser. Il faut donc accompagner les équipes plutôt que les individus isolés.

Ceci suppose une expertise pédagogique, qui n’est pas nécessairement acquise, du temps, et il faut accepter de parler des actes d’enseignement plutôt que des enseignants.
Cela a-t-il un sens de demander aux enseignants de travailler en équipe et sur un projet, et au final de les évaluer seuls, dans leur classe et seulement pendant une heure ?

On sait que les lignes ont bougé mais les outils de mesure ne peuvent en rendre compte. Le brevet des collèges, qui est l’étalon de la plupart de évaluations des établissements, ne permet de vérifier les acquis que sur un niveau : on n’évalue pas ce qui s’est passé avant. C’est l’ensemble des piliers du socle commun qui permet vraiment de mesurer les acquis.

Il n’y a pas d’évaluation sans autoévaluation et sans regard extérieur. Quand dans le système éducatif, actuellement, on envisage de faire appel à un regard extérieur, il s’agit au maximum d’un enseignant ou d’un chef d’établissement, jamais d’un parent ou d’un libraire..., ou pour un collège jamais d’un personnel du premier degré.

Le « fil rouge » du rapport : rééquilibrer vers le premier degré.
Cette partie de l’exposé provoquera une remarque d’une coordonnatrice du Val-d’Oise pour qui cette description d’une inspection ne s’applique pas aux écoles. La première chose qu’un IEN demande, dit-elle, c’est : « Qu’est-ce que vous avez voulu apprendre à vos élèves ? »
Anne Armand est bien d’accord : Ne pas perdre l’expertise spécifique au premier degré est une des préconisations importantes de son rapport. Parlant des collèges, elle a oublié que cela ne couvrait pas l’ensemble du système : c’est bien là encore l’illustration d’une focalisation générale sur les collèges.

Anne Armand constate que la création des RAR a déséquilibré les réseaux au détriment du premier degré et de ses acquis. Le principal du collège préside le comité exécutif, qui se réunit au collège, où est installé son secrétaire (le coordonnateur). C’est lui qui communique avec le Rectorat et l’IA, avec les corps d’inspection, la presse. Bien souvent, quand on parle des RAR, on parle seulement des collèges. Des rapports académiques ne disent pas un mot sur les écoles.

Les difficultés des élèves commencent à l’école primaire et même souvent au début de la maternelle. La continuité pédagogique est à assurer des débuts de la maternelle à la troisième. L’absence de continuité est le point faible du système. "Je ne suis pas en mesure d’évaluer cette continuité mais je n’ai pas le sentiment qu’elle ait beaucoup progressé".
On s’imagine que « le haut peut piloter le bas », que le second degré doit tirer le premier degré, sans éprouver le besoin de s’interroger sur ce que « le bas » a su développer.

Plusieurs préconisations du rapport vont dans le même sens : que les référents du second degré assistent aux conseils d’école et surtout aux conseils de cycles pour transposer ce savoir faire en collège.
Le groupe d’Inspection générale des RAR devrait être piloté par un IG du premier degré. Le pilotage du RAR devrait associer le principal et l’IPR.

Anne Armand cite également la figure du coordonnateur comme exemple du basculement du premier vers le second degré et de ce qui a été perdu dans ce basculement. Le coordonnateur-secrétaire doit retrouver une nouvelle place entre d’une part l’IEN et le Principal et d’autre part les référents. Actuellement il hésite entre les deux.
Elle remarque cependant que le fait que le premier degré ait une longue histoire indépendante de celle du second degré ne facilite pas toujours les échanges.

Debat

Plusieurs questions et réponses ont été intégrées au corps de l’exposé ci-dessus.

Un membre du CA de l’OZP : Quel est l’apport des professeurs référents ?
A. A. : Généralement, les référents ont fait leurs preuves et en trois ans beaucoup ont trouvé leur place. Même là où ils avaient été mal reçus, ils sont maintenant acceptés et reconnus. Les défauts de départ s’atténuent : il est plus rare qu’ils soient considérés comme de simples moyens supplémentaires ou confinés dans des tâches spécialisées sans impact sur la vie du réseau.
L’amélioration se constate souvent dans le fait que l’on n’extrait plus l’élève de son groupe, que l’on ne rallonge pas son temps scolaire et que, pour arriver à faire face, on se coordonne.

Cependant, on retrouve encore le déséquilibre au détriment du premier degré : les référents sont très majoritairement en collège (dans certaines académies ils le sont tous) et beaucoup ne vont pas dans les écoles, alors qu’ils devraient être - avec le secrétaire du comité exécutif - les chevilles ouvrière de la continuité pédagogique.
Le risque, constaté quelquefois, est qu’ils constituent un corps intermédiaire qui serait le relais du chef d’établissement.

Une coordonnatrice de Seine-Saint-Denis : Avez-vous remarqué que certains dispositifs ont joué un rôle particulier ?
Anne Armand dit sa réticence à utiliser le mot dispositif que les enseignants comprennent souvent comme synonyme de réunions interminables ou de dossiers à remplir. Ceci dit, elle constate un progrès de l’accompagnement éducatif ou de l’aide aux devoirs lorsque l’action de « l’extérieur » est mieux articulée avec celle de l’intérieur. De même, « l’école ouverte » lui paraît souvent très intéressante.
Parmi les changements relevés depuis trois ans, Anne Armand note une plus grande implication de l’ensemble des enseignants dans la vie du réseau. Dans ces cas (elle cite l’exemple du RAR de Cherbourg), on constate une transformation des rapports de l’ensemble des personnels avec l’équipe de direction.

Malgré tout, elle regrette que l’amélioration du climat scolaire soit vue parfois comme un progrès en soi et la seule cause de l’amélioration des résultats. C’est sans doute parce qu’on ne croit pas à l’efficacité de l’action pédagogique qu’on n’évalue pas ses effets.

L’institution se mobilise souvent autour du « slogan du moment ». Aujourd’hui, c’est « l’individualisation », objet de multiples contresens.

Anne Armand cite ce qu’elle a vu dans une réunion d’enseignants du RAR de Cherbourg en présence de l’IA comme la marque d’un progrès collectif de la professionnalité de tous. Dans un atelier sur l’écriture, les enseignants ont présenté des productions d’élèves en début de CM2, en fin de 6ème et à différentes étapes intermédiaires. On "tait en présence d’un vrai travail sur les pratiques professionnelles. Tous les sept ateliers étaient menés en co-animation premier et second degré. Et ce n’était pas des professeurs de français qui animaient l’atelier sur l’écriture !

Une coordonnatrice de Reims pose la question des évaluations en début de 6ème.
A. A. constate qu’elles ont été maintenues dans les RAR ou les académies les plus engagées dans une démarche d’évaluation. Elle ajoute qu’il n’y a pas de corrélation entre le nombre et le poids des RAR dans l’académie et la qualité du pilotage et cite en exemple le travail remarquable de l’académie de Caen dans ses trois RAR.

Gestion du personnel
L’intervenante et des participants s’accordent sur les conséquences de l’instabilité des personnels de toutes catégories. Devant la persistance de cette instabilité, Anne Armand estime qu’il y a un moment où un RAR ne peut plus être traité par la division du personnel comme un établissement comme un autre.

Un coordonnateur de Roubaix : Que se passera-t-il pour les référents à la fin de leur contrat ?
A. A. : Je pense que les professeurs référents ne devraient rien avoir à craindre. S’agissant d’un aussi petit nombre de personnels (1 millier environ), on doit pouvoir trouver une solution adaptée.
Elle note par ailleurs que les quelques enseignants référents qui ont été recrutés dans la précipitation et n’avaient pas les compétences requises pour remplir leur mission ont vu leur contrat se terminer. On note aussi que des référents demandent, lors d’une mutation dans une autre académie, à poursuivre leur mission dans un nouveau RAR.

Un professeur référent dit cependant qu’ils ont eu, eux, le sentiment de s’engager sans que personne ne s’engage en face d’eux. Il rencontre quelque approbation : « Dans l’Education, on doit se débrouiller tout seul, sauf quand il y a de la pression. » On cite ainsi le cas des coordonnateurs dont on n’utilise pas les acquis.
Anne Armand répond que les RAR sont importants pour tout le monde et qu’on ne peut les laisser tomber.

Un participant : Et le rôle des assistants pédagogiques ?
A. A. : Nous n’avons fait aucune préconisation pour les assistants pédagogiques. Car nous avons observé une trop grande diversité selon les académies et même les RAR. Ainsi, dans plusieurs académies, les assistants pédagogiques se destinent à l’enseignement ; dans ce cas, il est normal de les préparer à ce métier en leur en faisant découvrir toutes les facettes. Ailleurs, par exemple, à Créteil, il s’agit parfois d’une source de revenus qui permet de financer d’autres études.

Conclusion : De nouveau, on semble accepter l’idée que les RAR soient un laboratoire des changements, comme on le pensait jadis pour les ZEP.
Ainsi, les professeurs référents sont l’exemple d’une nouvelle définition du métier d’enseignant qui pourra être utilisée dans d’autres domaines.
"La réussite scolaire dans les RAR est l’enjeu de notre démocratie, il doit être assumé par tous".

Compte rendu rédigé par François-Régis Guillaume

 

Ci-dessous une version en PDF à la mise en pages plus élaborée

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