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La faillite du système scolaire est-elle soluble dans la mixité sociale ?, par Michèle Coulon, membre du bureau de l’OZP

22 mars 2005

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mars 2005

La faillite du système scolaire est-elle soluble dans la mixité sociale ?

Michèle COULON (*)

(*) responsable du CAREP de Reims, membre du CA de l’OZP

Quelques réflexions à propos de la réflexion entamée au sein du CA de l’OZP sur l’évolution de la situation de l’éducation prioritaire

En premier lieu, quelques observations :

1 - Les ZEP, on le sait, se sont étendues ou multipliées de façon démesurée dévoyant leurs raisons d’être originelles et les vidant petit à petit de ce qui avait fait leur spécificité et leur sens même.

2 - Malgré, ou à cause de, cette extension, de plus en plus d’écoles ou de collèges se réclament de ce dispositif. A entendre les plaintes des enseignants à propos de leurs élèves et le constat qu’ils font de leurs difficultés (les leurs, pour enseigner, et celles de leurs élèves pour s’intégrer au système scolaire), on pourrait croire que les trois quarts des écoles et établissements du territoire national pourraient être classés « ZEP ».
Force est de constater que le système scolaire se massifie mais est aussi plus exigeant que jamais. Dans les quartiers de relégation, la faillite de l’école face à des familles très populaires est manifeste et bien visible (là où les difficultés d’une population sont renforcées par le fait même de leur concentration et là où il est indispensable d’intervenir au niveau scolaire de façon forte et déterminée). Mais cette faillite existe aussi de plus en plus en dehors de ces zones.

Il est certainement un peu court d’expliquer ce malaise de l’institution et de ses enseignants par le seul manque de professionnalisme ou par une gestion insuffisante de l’hétérogénéité. Le problème est plus profond que cela, il interroge la notion même de la difficulté scolaire, de son rapport avec la fracture qui se crée entre une certaine population et son école.

On peut citer le rapport de l’IGEN 2004 :
De l’étude de plusieurs centaines de cas individuels d’élèves en difficulté (difficulté qui, certes, se situe à des degrés variables, mais qui touche environ un élève sur cinq dans chacune des classes de sixième « ordinaires » des collèges visités), il ressort - comme on pouvait s’y attendre - « que les difficultés scolaires, en tant que telles, sont souvent la résultante d’autres
difficultés de nature différente, tenant notamment à l’environnement, la culture, la vie hors temps scolaire, etc., et que la corrélation des difficultés d’apprentissage proprement dit avec des difficultés d’une autre nature est réelle pour de nombreux élèves ».

Or, il n’est pas certain que l’école ou le collège sachent faire l’analyse de cette corrélation, analyse pourtant indispensable au choix et à la mise en oeuvre des remédiations.

Face aux incertitudes du paysage qu’ils ont observé, les auteurs du rapport en viennent à formuler une série de questions qui mettent en cause les notions mêmes d’« élève en difficulté » et de remédiation : « En définitive se pose une question majeure : les élèves désignés “en difficulté” le sont-ils vraiment ? Ces élèves de onze ans, qui arrivent tous en même temps en classe de sixième, sont-ils tous semblables ? Dans cet ensemble (une classe d’âge égale environ 700 000 élèves), n’est-il pas normal et n’est-il pas acceptable que la diversité existe et qu’un certain nombre d’élèves présente des particularités diverses qu’il est abusif de stigmatiser sous le vocable de “difficultés” ou pire d’“illettrisme” ?
Ce marquage négatif, et surtout disqualifiant, fausse d’emblée le regard et, donc, le mode d’accompagnement des élèves qui demandent, dans le système actuel, une attention particulière de la part des enseignants. Il faudrait parvenir à gommer ce qui est une forme de catégorisation, pour introduire la définition d’une démarche pédagogique obligée à l’égard de tous les élèves, et commencer par abandonner les termes de “remédiation”, de “soutien”, d’"aide” qui se réfèrent à un modèle d’apprentissage et, partant, à une démarche d’assistance thérapeutique, pour engager des actions relevant d’un parcours individualisé. »

Une dilution géographique de la pauvreté

Nous constatons que la géographie de la pauvreté est en train de changer dans certaines villes, phénomène qui va certainement s’amplifier dans les années à venir (cf plan Borloo). Les collectivités locales et l’Etat, timidement ou de façon plus volontariste selon les endroits, développent « la mixité sociale » ; on voit alors des quartiers très difficiles et ségrégatifs perdre une partie de leur population (la moins en difficulté le plus souvent) qui va être logée ailleurs. Ces quartiers se vident, sombrent parfois dans les difficultés encore plus grandes ou au contraire évoluent favorablement. La population des exclus socio-économiques et scolaires se déplace, se concentre en d’autres endroits ou se trouve diluée dans le paysage urbain.

Ce phénomène interroge la notion de discrimination positive ou d’éducation prioritaire, la notion aussi de territoire ; ce n’est certainement pas un hasard si, parallèlement à cette évolution de la géographie urbaine, on voit la prise en charge de l’échec scolaire se réduire dans les textes à sa seule dimension individuelle ; on évite ainsi de poser le problème de l’échec scolaire en termes politiques et de fond, à savoir la lutte pour la réussite scolaire des populations les plus démunies ou les plus éloignées de la culture scolaire.

L’échec scolaire massif de certaines populations concentrées dans des secteurs identifiés deviendrait-il acceptable lorsqu’il est dissous dans le tissu urbain ? La seule mixité sociale peut-elle résoudre cette question ?
L’action volontariste pour une meilleure réussite à l’école des populations qui en sont exclus est de plus en plus d’actualité mais de plus en plus complexe dans un paysage qui a tendance à se complexifier.

Plusieurs propositions

Face à cette évolution et aux évolutions rapides à venir, plusieurs propositions pourraient être étudiées :

 resserrer le dispositif ZEP sur des territoires peu nombreux avec des moyens conséquents ;

 réaffirmer le caractère provisoire de ce dispositif exceptionnel qui doit devenir beaucoup plus mobile et s’adapter beaucoup plus aisément aux évolutions du contexte ;

 renforcer un pilotage et un accompagnement fort et de proximité des équipes, condition essentielle de la réussite au moins autant que l’existence même du projet ;

 enfin promouvoir les acquis de la recherche et de la réflexion de ces vingt années d’éducation prioritaire dans toutes les écoles recevant des élèves en risques d’échec scolaire de par leur origine sociale, et cela tant au niveau du pédagogique que du travail d’équipe, du partenariat, de la liaison premier/second degrés, de la prise en compte de l’environnement des élèves sans baisse des exigences, etc.

Réduire la lutte pour une démocratisation de la réussite scolaire aux seules ZEP même resserrées semble désormais insuffisant. Elargir le débat est nécessaire mais la réflexion doit être circonscrite pour ne pas se perdre dans une réflexion trop large : il nous faut définir de quels élèves, de quelles familles nous parlons, interpeller l’institution à tous les niveaux sur les pratiques indispensables à mettre en œuvre pour favoriser les chances de réussite de ces élèves quel que soit leur lieu de scolarisation.

Il y aurait donc un resserrement du dispositif et un élargissement de la réflexion et de l’action à promouvoir simultanément pour permettre à une éthique professionnelle plus démocratique de se développer. Quelle peut être la position et le rôle de l’OZP sur ces questions ?

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