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Que doit-on apprendre à l’école ? Savoirs scolaires et politique éducative, étude d’Agnès Florin et de Roger-François Gauthier sur le site de Terra Nova visant à réduire les inégalités sociales de réussite scolaire

30 juin 2016

Les élèves français apprennent-ils ce qui leur est utile ? Pas toujours. Apprennent-ils de vrais savoirs scientifiques ? Pas sûr. Sont-ils préparés à devenir des citoyens actifs et utiles à leur communauté ? Pas tous. C’est ce constat que dressent Agnès Florin et Roger-François Gauthier dans une nouvelle étude publiée par Terra Nova. Ils invitent à repenser les savoirs enseignés et à sortir d’un ordre disciplinaire figé depuis plus d’un siècle. Et pour cela ils demandent qu’ils s’ouvrent à la vie, au monde et au bien être des élèves. Une étude qui prend à rebrousse poil les identités professionnelles et qui invite à d’autres réformes que les systèmes éducatifs les plus performants ont faites.

Il y a de l’impatience dans la nouvelle étude publiée par Agnès Florin et Roger-François Gauthier sur le site de Terra Nova. C’est que les auteurs connaissent les systèmes éducatifs étrangers et on les sent agacés par l’incapacité de l’école française à réfléchir à ce qu’elle enseigne. Roger François Gauthier a publié en 2014 un ouvrage sur cette même question et siège au Conseil supérieur des programmes. Agnès Florin a mené à la fois des études sur le bien être à l’Ecole et sur l’acquisition des savoirs à l’école primaire en France et dans d’autres pays.

Pourquoi changer les savoirs enseignés ?
"Le temps presse. Les enquêtes internationales le démontrent, le niveau moyen des performances scolaires des élèves est médiocre et n’évolue pas favorablement. En outre, les inégalités sociales de réussite scolaire sont importantes et ne se réduisent pas". Et les auteurs démontrent dans leur étude que cela a à voir avec ce qui est enseigné à l’Ecole.

Pour eux, de nombreuses raisons appellent à revoir les enseignements actuels. D’abord parce que le découpage disciplinaire actuel repose sur des usages du 19ème siècle. "Sans remettre en cause l’existence des disciplines : il est nécessaire d’opérer sur elles et entre elles,... un véritable travail de refondation", écrivent-ils. Ensuite parce que la distance se creuse entre les savoirs savants et ceux de l’école. Ils montrent aussi que dans l’école actuelle on donne moins de savoir à ceux qui en ont le plus besoin : par exemple pas de philosophie en bac professionnel. Les auteurs renvoient aussi à des études qui montrent que le vocabulaire des manuels scolaires reste hermétique à la majorité des élèves. Surtout parce qu’ils ne correspondent plus aux attentes de la société et d’élèves de plus en plus différents, à un moment où le savoir est accessible partout.

"Soit l’Ecole proclamera que son second objectif est de répondre effectivement aux besoins des élèves réels en termes de savoirs, à la fois besoins « communs » à tous et besoins particuliers, liés notamment à des cultures différentes, soit le service public d’éducation n’apparaîtra plus que comme un système de classement et de sélection, indifférent aux savoirs réels. Et, du coup, inefficace et inéquitable. L’objectif n’est en effet pas seulement que l’école enseigne ce qui permet de réussir à des examens ou de réaliser des classements, mais qu’elle puisse aussi assurer de la qualité de ce qu’elle enseigne, face à quantité d’interpellations, venues des sciences, de la société, du contexte international, mais aussi des besoins individuels et collectifs du pays, jusqu’ici repérés et pris en compte de façon insuffisante et aléatoire".

Des besoins ignorés
Les auteurs définissent des besoins ignorés aujourd’hui : comprendre le monde et donc "se penser" au delà du cadre national, acquérir des savoirs utiles à la vie (par exemple les maths de la vie courante ou la santé), comprendre ses propres processus de pensée et ses émotions, traiter des questions complexes. L’étude invite donc à s’ouvrir aux cultures locales ou familiales comme aux apports des sciences cognitives. " Il est surprenant de constater que les enseignements scientifiques n’incluent pas de contenus issus des sciences cognitives, permettant aux enfants et aux adolescents de comprendre quelques aspects au moins de leur propre fonctionnement psychologique et de celui d’autrui : mémoire, motivation, attention, conditions d’apprentissage plus ou moins efficaces, perception et illusions perceptives, personnalité, phénomènes de groupe, etc.", disent-ils.

" La plupart des questions posées à chacun ne peuvent pas trouver une réponse complète dans un cadre national ; il en va de même des études elles-mêmes et de l’accès aux compétences et au marché du travail, qui, pour un nombre croissant de jeunes, s’effectuent désormais à l’étranger", écrivent-ils. Ils insistent aussi que la nécessité de prendre en compte, par exemple dans l’enseignement de l’histoire, l’histoire du monde et pas seulement celle de la construction de la nation.

Au final c’est à un véritable aggiornamento des curricula qu’ils appellent. Ils donnent en exemple les modernisations conduites dans d’autres pays comme la Finlande, l’Espagne ou l’Angleterre.

Donner aux élèves la possibilité de choisir
Parmi les préconisations, les auteurs veulent donner aux élèves de choisir des savoirs, ce qui est le cas dans la plupart des pays au niveau lycée. La notion de choix leur semble être une base psychologique nécessaire à la formation. " La question du choix doit être travaillée différemment dans la scolarité obligatoire, où le choix, vu le « socle commun », reste minoritaire (mais devrait exister, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui), et au lycée où il faudrait passer d’un non choix entre des « filières » totalement formatées à un choix véritable entre des enseignements hors d’une logique de filière. Il s’agirait d’inventer des fonctionnements avec majeures/mineures, mais aussi avec des mélanges innovants, afin d’intégrer l’enseignement professionnel, au sein duquel les élèves devraient aussi pouvoir faire des choix en dehors des référentiels professionnels." Par exemple, ils invitent à "offrir différents types de choix : ceux qui visent un enseignement nouveau (pouvant s’éloigner des intitulés disciplinaires et rejoindre ce qu’acquièrent les enfants de milieux favorisés hors l’école, comme des enseignements instrumentaux), mais aussi ceux qui peuvent viser un approfondissement pour les élèves qui ont telle inclination".

Introduire les compétences pour la vie
Ils souhaitent aussi introduire des savoirs absents aujourd’hui ou peu développés, comme "l’apprendre à apprendre" qui devrait être enseigné à tous les niveaux ou l’expression orale ou encore l’apprentissage du débat.

Ils préconisent aussi "la dignité de la langue maternelle de chacun" et l’utilisation renforcée des langues étrangères à l’école.

Troisième préconisation : ouvrir l’école aux "compétences pour la vie" : " Etablir un programme de compétences ordinaires pour la vie et chercher les modalités pour permettre aux élèves de les acquérir sous forme d’ateliers : il s’agirait de couvrir des domaines aussi variés que la gestion d’un budget, le rapport à la santé et au système de soins, le bricolage et les petits travaux domestiques, les démarches administratives et juridiques et le rapport à la consommation et à l’argent, ou la confection d’un repas."

Cela intégrerait aussi l’apprentissage de la vie sociale : " Développer le bien-être à l’école afin de favoriser les compétences sociales, toutes les activités suscitant la coopération et l’entraide entre les élèves, de même que celles favorisant le sentiment d’appartenance à une communauté éducative, en y associant élèves, professionnels de l’école et parents." On peut y adjoindre la nécessité d’amener les élèves à prendre des responsabilités et cela dès la maternelle. C’est aussi à tous les niveaux une occasion d’apprendre des autres.

Des propositions qui prennent à rebrousse poil la pulsion identitaire
Le rapport d’A Florin et de RF Gauthier invite à repenser l’école non pas en faisant disparaitre les disciplines mais en les mettant au service d’une culture commune et de la réussite des élèves de ce siècle. C’est une très grande ambition. Pas seulement parce qu’elle exige un effort d’ouverture culturelle au moment où le pays semble au contraire se rapetisser dans l’identitaire. Mais aussi parce qu’elle implique une autre organisation de l’Ecole, plus communautaire, plus décentralisée, alors que la France n’a jamais réussi à amorcer une véritable décentralisation de son Ecole. Disons le : il faut du courage pour tenir ce discours dans la France de 2016.
François Jarraud

Le rapport (72 pages)

Extrait de cafepedagogique.net du 08.09.14 RF Gauthier : Ce que l’école devrait enseigner

Extrait de cafepedagogique.net du 30.06.16 : Nouveaux savoirs, vieilles disciplines : Quel aggiornamento ?

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