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La maîtresse est-elle un monstre ? Journal d’un professeur des écoles, par Magali André-Soulié, Dunod éditeur, sept. 2020 (Le Café)

23 septembre 2021

Magali André-Soulié : La maîtresse est-elle un monstre ?, le livre pour faire un pas de côté
« L’enseignement est une rencontre, c’est aussi une histoire de dons. Donner, recevoir, donner à son tour, l’échange se réalise dans le sens de l’enrichissement de tous ». « La maîtresse est-elle un monstre ? » invite à se questionner sur le métier de professeur des écoles. C’est un livre pour faire un pas de côté, mais c’est aussi, et surtout un livre, pour se déculpabiliser en prenant conscience que oui, l’enseignant a un rôle prépondérant mais qu’il ne peut pas tout, « que chacun doit prendre sa part » comme l’explique Magali André-Soulié, l’autrice. C’est un livre « pour devenir un peu moins monstre, pour prendre le temps d’écouter les élèves, pour les accompagner tout en conservant une certaine exigence liée à l’acquisition des savoirs ». « La maîtresse est-elle un monstre ? » peut sembler être un récit autobiographique car Magali s’appuie sur son vécu de professeure des écoles en Seine-Maritime. Principalement l’expérience de ses dix dernières années d’enseignement. Elle raconte ses questionnements, ses inquiétudes mais pas que. En s’appuyant sur son expérience personnelle, elle donne des pistes bien pratiques aux jeunes, et aux moins jeunes, professeurs des écoles. C’est surtout la possibilité de réfléchir à sa pratique et de se saisir de nouvelles pistes.

Trois groupes d’enseignants

Docteure en sciences de l’éducation, Magali a questionné, dans un travail de recherche, les difficultés psychoaffectives des élèves et les représentations des enseignants quant à l’impact de ces difficultés sur l’apprentissage. « J’ai aussi demandé aux élèves ce qu’ils attendaient de leurs enseignants pour surmonter leurs difficultés scolaires, et je l’ai confronté aux représentations de ces derniers ». C’est ainsi qu’elle a fait émerger trois groupes d’enseignants qu’elle présente dans l’ouvrage : les enseignants centrés sur les savoirs scolaires et la façon d’atteindre les objectifs institutionnels, ceux qui sont centrés sur les besoins et aspirations des élèves en tenant compte de façon très forte du vécu personnel de chaque élève et un dernier groupe qui réussit à conjuguer les deux, à emmener chaque élève en fonction de ce qu’il est vers les attendus scolaires. Dans le premier groupe, il manque le pas de côté nécessaire à une meilleure prise en charge de chaque élève. Dans le second, les élèves qui ne bénéficient pas d’une aide psychologique se trouvent dans une situation doublement inégalitaire car les enseignants de ce groupe submergés d’empathie pour les difficultés personnelles de l’enfant, ont moins d’exigences. Ils considèrent la résolution des difficultés psychoaffectives comme une condition de l’apprentissage scolaire. Dans le dernier groupe, aucun cas d’échec scolaire n’est relevé même si la réussite scolaire subit des perturbations.

Cinq étapes pour continuer à enseigner « avec passion et joie »

« La maîtresse est-elle un monstre ? » aborde les cinq étapes qui ont conduit Magali à appartenir à ce dernier groupe, qui selon elle, « est celui qui permet aux mieux la réussite des élèves mais aussi de ne pas céder à la violence, violence qui apparaît lorsque l’école ne tient pas compte des difficultés, des besoins et aspirations personnelles des élèves ». Et c’est la rencontre avec un élève, Maximin qui lui a permis de continuer à se renouveler professionnellement. Maximin a dû quitter son école, sa classe adaptée ainsi que sa famille d’accueil pour rejoindre la ville où enseigne Magali et dans laquelle se trouve un foyer de la protection de l’enfance. « Maximin a été scolarisé dans mon CM2, en raison de son âge ,10 ans, alors qu’il ne maîtrisait pas l’apprentissage de la lecture. Il était évident que je devais prendre en compte ses difficultés dont son acceptation difficile de la vie au foyer ». Un travail qu’elle n’aurait pu mener si elle n’appartenait pas à une communauté éducative comme elle l’explique, « l’école primaire est un collectif avant tout, il nourrit la professionnalité et la salle des maîtres et maîtresses, un haut lieu d’échanges et de nourrissage professionnel. » C’est ce qu’elle raconte dans la cinquième grande étape de son cheminement.

Première étape décisive, celle du travail sur soi. « Je sentais que je perdais pied, que toutes les injonctions, parfois paradoxales, tous les changements de programme, les élèves de plus en plus différents que l’on devait intégrer coûte que coûte – sans formation, sans accompagnement bien souvent…, menaçaient de plus en plus mon plaisir d’enseigner. Alors j’ai commencé à tenir un journal qui m’a permis de mettre à distance mes difficultés à la recherche de quelques repères incontournables pour enseigner. »

Deuxième étape, revenir à l’essentiel : « Je me suis demandé ce qui était primordial dans cette profusion de savoirs, quels étaient les savoirs nécessaires comme les épicuriens parlent de plaisirs nécessaires et je me suis attachée à ce qui dépendait de moi à l’image de ce que nous enseignent les stoïciens. On ne peut pas tout faire, il s’agit de faire au mieux ce qui est de notre ressort. Et ça cela permet de déculpabiliser, de remettre les choses à leur dimension. Cela m’a beaucoup aidé de penser de la sorte, ça signifiait que j’acceptais de prendre ma part avec calme. Changer mes représentations. J’ai, par exemple, compris que l’hétérogénéité était une force, qu’elle ne devait pas faire peur ».

Troisième et quatrième étapes, exiger oui, mais pas de dérive de l’exigence. Accepter les différences des élèves, les difficultés de certains, mais pour autant ne pas baisser le niveau d’exigence. Accepter l’idée qu’un enfant qui par exemple ne veut pas apprendre, qui nous bouscule, ne s’oppose pas à nous. Apprendre plus largement à considérer et à comprendre ce que signifie un comportement qui semble inadapté.

Dix comportements à instruire

La deuxième partie du livre propose dix comportements à instruire pour « une école apaisée et créative », une école où il fait bon vivre avec l’autre, ou le collectif regagne ses lettres de noblesse. Dix comportements, tels dix commandements accompagnés de dessins, de gestes et paroles utiles, de textes à méditer. Certains comportements semblent si évidents, comme se saluer ou avoir son matériel, d’autres sont plus complexes comme la nécessaire disponibilité des élèves pour l’entrée dans les apprentissages. « Le contexte de vie mais aussi les aptitudes de chaque élève sont autant d’éléments à prendre en compte dans son parcours d’apprentissage. La seule solution, c’est le dialogue, l’enseignant doit lui permettre de prendre conscience de ces difficultés tout en lui proposant des solutions pour les surmonter, pas à pas et souvent avec l’aide de la famille. Je crois beaucoup à la force du savoir, à l’estime de soi que cela permet de construire. Un tel accompagnement au plus proche, mais avec toujours un haut niveau d’exigence, permet à l’élève en difficulté de se rendre compte qu’il est capable. Je crois en la capabilité de tous. Les enfants ont parfois, voir souvent, une mauvaise estime d’eux-mêmes, ils pensent ne rien savoir. On doit valoriser tout ce qu’ils savent, même lorsque c’est éloigné des savoirs scolaires. A partir de cela, on peut construire quelque chose, chacun apprendra à sa manière. Il faut que les choses prennent sens pour eux. »

Un des comportements correspond à la construction collective des leçons : « Lorsque l’on construit ensemble par exemple la trace écrite d’une leçon, chaque élève est un maillon de la chaîne : un élève dit une chose, un autre la complète, un autre la précise car il a un mot plus adapté. Tout cela s’inscrit dans une chaîne de transmission. Là encore le collectif est fondamental ». Le livre se termine par un éloge du théâtre qui met en exergue ce cheminement collectif dans la conquête des savoirs. Dix comportements à instruire, ce sont dix pistes de réflexion pour arriver à ce fameux pas de côté pour enseigner sans trop de culpabilité, pour accompagner au mieux chaque élève.

« La maîtresse est-elle un monstre ? » n’est pas qu’un témoignage de prof. Magali se sert de son expérience, de ses réussites, de ses difficultés, de ses lectures philosophiques, psychologiques, sociologiques et pédagogiques pour donner des pistes concrètes pour mieux penser le métier de professeur.

Lilia Ben Hamouda

Magali André-Soulié, La maîtresse est-elle un monstre ? Journal d’un professeur des écoles, Dunod éditeur, ISBN 9782100812226, 21.50e

Extrait de cafepedagogique.net du 23.09.21

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