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Ces ZEP qui ont créé leur site Internet (Rencontre OZP, juin 1999)

juin 1999

-----LES RENCONTRES DE L’OZP-----

Observatoire des zones prioritaires
www.ozp.fr

n° 14 - juin 1999

Ces ZEP qui ont créé leur site Internet

Compte rendu de la réunion publique du 23 juin 1999

En janvier 1998, le ministère de l’Education nationale décidait une priorité d’accès à Internet pour les
ZEP, manifestant ainsi l’importance accordée à ce lien dans le plan de relance des ZEP.
Simultanément ou antérieurement, des ZEP ont pris l’initiative de créer leur propre site et sont apparues sur le réseau, donnant une image dynamique et positive de zones souvent présentées par ailleurs négativement : Montataire, Roanne, les ZEP de l’Allier et quelques autres furent précurseurs, permettant de mettre en valeur aussi bien le travail des élèves que celui des équipes pédagogiques et même les quartiers d’implantation. D’autres sites remarquables sont apparus en 1998 et 1999.
Laissant de côté les questions techniques et se centrant sur le sens donné à ces initiatives et à ses effets, Thierry Balandreau, de Vichy, Jean Lacotte, de Joué-lès-Tours, et Jean-Pierre Siron, de Trappes, ont donné leur témoignage avant que ne s’engage un débat.

Premier témoignage : "le web et la plume"

http://perso.wanadoo.fr/zep.allier

Thierry Balandreau, coordonnateur d’une ZEP répartie sur trois communes du bassin de Vichy dans l’Allier explique qu’en 1997 les coordonnateurs des six ZEP de l’académie de Clermont-Ferrand se sont constitués en groupe de travail pour échanger, s’informer et mutualiser les actions. Dans ce but, un lien chronique et simple devait être installé. Toutes ces ZEP avaient trois objectifs communs : la maîtrise des langages, l’éducation à la citoyenneté et les TICE.
Pour que ces axes ne soient pas de simples déclarations d’intention, il fallait mobiliser élèves et enseignants. "Le web et la plume" a donc été imaginé puis créé afin de publier un journal, à la fois sur le réseau Internet et sur papier, avec parution pendant la Semaine de la presse à l’école.
La maîtrise de la langue est évidemment d’abord un travail quotidien dans chaque classe, mais ce travail de longue haleine a tout intérêt à trouver des supports motivants dans les échanges, particulièrement entre écoles et collèges, dans les reportages, les enquêtes et les articles divers, à lire, à commenter ou, mieux encore, à créer.

Pour l’objectif "citoyenneté", un travail à long terme a été préféré à la "journée citoyenne". Chaque établissement a choisi son mode d’intervention sur le thème "Être élève et citoyen".
Enfin, pour les TICE, technologies de l’information et de la communication éducatives, il s’agissait à la fois
de former les enseignants et de mett
re à la disposition des élèves un moyen de production et de communication.
Douze établissements ou écoles ont été impliqués en 97-98, autant l’année suivante. Chacun a fixé son sujet et l’a proposé au comité de rédaction situé dans une école. De novembre à mars, on travaille. Des exemples : "Morale et citoyenneté", "Philippe Arbos propre/Philippe Arbos sale" (il s’agit du nom d’une école), "Dans les bus". Parmi les problèmes rencontrés, il y a bien entendu celui de la censure : toute production d’élèves de collège connaît cela un jour ou l’autre. Les élèves constatent le nombre de consultations du site. L’intérêt est vif. Des extensions ont été constatées : des boîtes à lettres ont été ouvertes et quatre écoles ont même créé leur propre site.

L’aspect formation des enseignants a été efficace : ceux qui s’y sont mis se sont trouvés devant une obligation d’agir et, finalement, de réussir. La satisfaction est nette.
Enfin, "Le web et la plume" est aussi devenu le point de rencontre des ZEP de l’académie, le lien permanent entre responsables, coordonnateurs, enseignants et administrateurs. Lien pratique, immédiat et public.

Second témoignage : école Blotterie à Joué-lès-Tours

http://www.univ-tours.fr/blotterie/...

Jean Lacotte, après une mission informatique de douze ans auprès de la ZEP de l’lUFM des Fondettes, dirige une école élémentaire en ZEP, à Joué-lès-Tours.
La volonté de créer un site Internet n’était pas préexistante à son arrivée dans l’école : il avait prévu de faire un CD-rom avec des élèves de CM2, et puis, Internet se généralisant, les productions des élèves, affichées dans le couloir de l’école, ont semblé pouvoir être mises sur un site.
La participation des élèves à deux concours - celui de la presse, organisé par l’académie de Créteil, auquel cinq cours moyens ont participé, et le concours "Citoyenneté à la une" - les ont amenés à travailler énormément sur le thème de la citoyenneté. L’alimentation du site, dès lors, devenait possible de façon chronique : la semaine du goût, celle de là calligraphie, les événements "école et cinéma", etc., sont des occasions d’approfondissement d’un sujet, avec toutes les connaissances nécessaires à acquérir et toutes les compétences de communication à développer.
Des liens se sont organisés avec d’autres sites, par exemple "Ciné-Gamins" de l’académie voisine de Poitiers.
Enfin une rubrique particulière raconte le fonctionnement du conseil d’enfants qui, avec deux représentants par classe, a permis de gérer les récréations, quelques moments de la vie de l’école, ainsi que de trouver un logo pour l’année scolaire.

Troisième témoignage : école Pergaud, ZEP de Trappes

http://www.ac-versailles.fr/pergaud...

Jean-Pierre Siron, lui aussi, est un "ancien" d’Internet. Coordonnateur d’une ZEP de 8 000 élèves avec trente-six écoles, trois collèges et trois lycées, le problème principal qu’il rencontrait était la formation des enseignants et la liaison entre les écoles et établissements.
Son témoignage est donc plus bref : il ne s’agit pas, pour lui, d’utiliser Internet à des fins pédagogiques (tout au moins pour le moment) mais dans un but de gestion de la ZEP.
Le site présente la ZEP : données chiffrées, histoire des ZEP, informations sur les ZEP des Yvelines, actions pédagogiques et partenariales de la ZEP de Trappes. La grande difficulté technique est le manque de temps car il se trouve seul pour assurer la maintenance du site Internet et la coordination de cette immense ZEP, assurée avec d’autres, impose d’autres priorités.
Outre la liaison entre les écoles et établissements de la ZEP, les enseignants utilisent le site pour demander des documents sur les sujets les plus divers à son responsable. Celui-ci "aspire" alors avec un moteur de recherches sur Internet ce qui correspond aux demandes et l’envoie directement.
Pour l’année scolaire 1999-2000, une cellule départementale d’aide aux coordonnateurs de ZEP et de REP doit se mettre en place et un site départemental Internet pour les ZEP doit être créé, dans le cadre de l’organisation nationale du site "éducation prioritaire" du ministère.
Ce moyen de liaison, d’information, de formation aussi parfois, à l’usage des enseignants de la ZEP pourra ainsi se développer.

Un débat qui pose la question de la démocratisation

D’entrée de jeu, la question de la démocratisation est posée par les participants : quel est le taux réel d’élèves qui participent au travail pour et sur Internet ? Quels sont ces élèves ? Ne seraient-ils pas ceux qui, justement, ont déjà cet outil chez eux ? L’école, alors, renforcerait des inégalités sociales. En revanche, sachant qu’une partie des élèves, particulièrement en ZEP, n’auront pas accès avant fort longtemps, au sein de leur famille, à Internet, l’école peut-elle être le lieu où ils apprendront à s’en servir, réduisant ainsi les inégalités ?
• Dans l’Allier, certaines écoles de ZEP possèdent vingt-cinq ordinateurs. L’accès est donc possible pour tous. On y constate, de plus, que les élèves relevant de l’AIS (adaptation et intégration scolaire) ont la possibilité d’utiliser le matériel informatique jusqu’à dix heures par semaine. Par ailleurs, les accès à Internet sont ouverts régulièrement aux parents des élèves de la ZEP, avec formation prévue.
• A Joué-lès-Tours, la municipalité construit en ce moment une salle pour Internet. La question des locaux sera donc réglée. L’équipement informatique existe déjà et quatre aides-éducateurs sont en poste. Leurs compétences dans ce domaine sont largement utilisées. Il s’agit bien que tous les élèves sans exception soient concernés.
• Un coordonnateur de ZEP de la banlieue parisienne cite sa ville qui équipe de façon sérieuse les écoles en ordinateurs mais a annoncé clairement que jamais il n’y aurait d’accès à Internet. Il estime donc qu’avant de discuter les utilisations pédagogiques possibles les aspects financiers doivent être abordés.
• Une coordonnatrice souligne l’intérêt des "Journées Internet" internationales, chaque année, auxquelles le CDDP de son département, celui des Hauts-de-Seine, participe activement : un mercredi de 12 h à 24 h, tous les postes Internet du CDDP ont été mis à disposition des enseignants intéressés, avec aides techniques permanentes.

À quoi peut servir Internet pour des élèves ? Sans créer de site particulier, on peut très bien se limiter à utiliser Internet comme moyen de recherches documentaires. C’est une fonction fort riche, mais des précautions doivent être prises par les enseignants : toute information trouvée sur Internet n’est pas forcément vraie, comme les élèves auront tendance à croire.
• Plusieurs réseaux d’enseignants sur Internet sont alors cités : ils permettent de mutualiser les expériences, de développer les capacités et d’échanger sur les moyens d’empêcher les dérives. Dans ce domaine encore plus que pour la pédagogie ordinaire quotidienne, le travail en équipe est nécessaire. Sur Internet, il est simple de participer à un forum et d’être inscrit sur une liste. Chaque niveau scolaire a son réseau, chaque discipline du secondaire également. Des réseaux généralistes existent aussi. Il pourrait s’en créer un entre enseignants de ZEP et REP. Mais est-ce souhaitable ?
• L’option de création de son propre site a un grand avantage, aux yeux du responsable de l’Allier : on peut ainsi exposer ses savoirs, les faire partager à d’autres, les faire reconnaître, parfois les défendre. Approfondir un sujet avec une visée de partage public est tout à fait autre chose que de ne le faire que pour soi. Par ailleurs, les élèves de ZEP habitent des quartiers et fréquentent des écoles qui n’ont pas d’images a priori positives. Cette exposition est aussi une mise en valeur.
De plus, cette transmission publique amène les enfants à s’interroger sur les savoirs. Cela est aussi vrai quand on produit un CD-Rom de présentation d’un quartier : que va-t-on dire parmi tout ce que l’on sait ? Comment choisir les informations utiles et pertinentes ? Et que sait-on en fait ? L’indexation des pages amène à réfléchir sur la nature des savoirs.

La question de la démocratisation revient alors à nouveau  : rester passif, c’est laisser ce nouvel outil de connaissances aux seuls élèves favorisés alors que les élèves de ZEP, eux, n’y auront pas accès. La priorité annoncée en janvier 1998 est-elle suivie de faits ? L’accès à Internet dans les ZEP (ou pour les élèves de milieu modeste dans des quartiers aisés) doit être favorisé, sinon l’Éducation nationale sera complice d’un écart grandissant entre les élèves selon leur situation sociale.
• L’intérêt des échanges entre élèves est souligné par une coordonnatrice de Paris ayant travaillé à l’école Viq d’Azir, que les internautes connaissent bien par son superbe site. Il lui est apparu que la découverte d’autres enfants par des échanges d’écrits et de dessins était très motivante dans cette école. Elle a utilisé le réseau "Mômes" avec profit. Le site "Cartable" est également cité.
• La pauvreté de l’environnement dans les ZEP, tout au moins une partie d’entre elles, amène des intervenants à souligner que l’affirmation selon laquelle "les entreprises vont donner des ordinateurs" n’est pas réaliste. En revanche, là où il y a beaucoup de parents d’élèves cadres, on pourra jouer cette carte efficacement. La motivation des enseignants est également mise en question par le témoignage d’une ZEP où des BCD avaient été installées et sont désormais abandonnées, bien que le matériel soit à disposition : qu’en serait-il alors d’Internet ?

Pour conclure ce débat, un membre de la cellule centrale pour Internet au ministère indique qu’on manque d’outils, à ce jour, pour savoir exactement où l’on en est. L’équipement des ZEP n’est pas véritablement encore prioritaire. Il semble même que, lorsque les collèges sont équipés, les écoles sont moins présentes sur le réseau si elles sont en ZEP. Un appel à projets a été fait en direction des ZEP et des écoles rurales.
Ces dernières ont mieux répondu. Les ZEP étant souvent des pôles d’excellence pédagogique, des lieux de créativité, tout le réseau trouverait donc intérêt à ce qu’elles soient présentes en masse sur Internet. La solution aux problèmes de branchements au réseau se trouve plutôt localement, là où il y a une motivation, un projet. Dès lors, des moyens peuvent être dégagés. Construire son site, ou plus simplement utiliser le réseau, doit être possible partout et les ZEP en ont plus besoin que d’autres.

Ci-dessous une version PDF à la mise en page identique à l’original papier

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