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L’école au prisme d’un libéralisme radical (P. Nemo, ouvrage)
Il faut "repenser l’enseignement" puisque nous devons faire face à un "désastre scolaire" estime Philippe Nemo. Le philosophe, qui ne cache pas ses orientations politiques pour le moins libérales, détaille et justifie sur près de 300 pages le programme de "l’École professorale de Paris", qu’il a créée et qu’il dirige avec l’ambition de "recréer les conditions d’existence d’un enseignement secondaire d’excellence en France", où sera rétablie "la continuité de l’enseignement secondaire de la 6ème au baccalauréat" comme cela a été le cas "depuis l’Antiquité", au Moyen-âge, dans les collèges de Jésuites et avant la réforme Haby...
Pour lui, qui "a vu sans cesse décliner le niveau" des étudiants à l’ESCP ou à HEC où il enseignait, le constat ne fait aucun doute, à preuves les tests internationaux, mais surtout une quantité d’auteurs, de Jean-Paul Brighelli à Xavier Bellamy en passant par Jean-Claude Milner, Maurice Maschino, René Chiche, Nathalie Bulle "et des dizaines d’autres". Les causes : la "soviétisation" d’une institution qui a enlevé à tous les fonctionnaires de l’Education nationale, du professeur au recteur, "à peu près tout moyen de régler véritablement quelque problème que ce soit", et la coupure en deux, avec la création du collège unique, de l’enseignement secondaire. "Le collège unique est un anti-enseignement secondaire". Il faudrait que, "dès l’entrée en 6ème, les élèves aient quelque aptitude à la pensée théorique", "les autres, ceux qui en sont encore au stade de la pensée concrète (...) ne peuvent que mal recevoir un enseignement véritablement secondaire (...). Qu’un professeur parle devant trente ou quarante élèves n’a en effet de sens que si tous ses auditeurs peuvent à peu près comprendre (...) ce qu’il enseigne."
Dès lors, il fallait renoncer à ce que l’auteur considère comme un véritable enseignement. "Cet abandon du professorat au sens classique a été officialisé par le ministère qui a décidé de ne plus demander aux candidats aux concours de l’enseignement que des compétences dites ’professionnelles’ (...), on les somme d’abjurer solennellement tout goût trop marqué pour la littérature" ou pour toute autre discipline.
Le raisonnement est également politique. Le financement de l’éducation par la collectivité est justifié, "même d’un point de vue strictement libéral", puisque tout un chacun bénéficie de l’éducation de ceux dont il croise la route, sauf en ce qui concerne l’enseignement professionnel qui procure aux élèves "une qualification ayant de la valeur sur le marché du travail". Il en va de même pour l’enseignement supérieur.
Hors ces deux secteurs, sur lesquels l’auteur ne dit rien de plus, les écoles dispensent sur fonds publics "un enseignement général de base" mais elles peuvent percevoir d’autres sources de financement pour "certains enseignements complémentaires" qu’elles décideraient de prodiguer. Des établissements publics "dérogatoires" seraient libres "de définir leurs programmes et leurs méthodes, d’inscrire leurs élèves (...), de recruter leurs professeurs". Des établissements privés pourraient "décerner librement leurs propres diplômes sous leurs seuls labels". En vrai libéral, l’auteur compte sur le marché pour réguler ces écoles, publiques ou privées, et éviter qu’elles ne se lancent dans des "expériences aberrantes". "Quels parents voudront envoyer leurs enfants dans des écoles ne débouchant pas sur une vie sociale normale et sur un emploi ?" Les employeurs seraient d’ailleurs juges de la qualité des diplômes qu’elles délivreraient.
Philippe Némo ne suggère pourtant pas "de tout bouleverser", "les écoles, collèges, lycées, universités actuels ont encore suffisamment de mérites pour que nombre de parents et d’enseignants s’en accommodent", mais les écoles élémentaires doivent "revenir grosso modo aux programmes et méthodes pratiquées avec succès avant les années 1960" tandis que le lycée s’adresserait à la minorité d’enfants qui, "à l’âge d’entrer en 6ème, sont capable d’entrer dans une démarche intellectuelle de type scientifique" car "la tâche la plus importante et urgente" est "de faire renaître un véritable enseignement secondaire".
Philippe Némo, Repenser l’enseignement, PUF, 294 p., 23€