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La grande pauvreté dans un débat à l’Assemblée nationale : deux ministres et trois experts : J.-P. Delahaye, M.-A. Grard et V. Decker (Café pédagogique et Touteduc)

9 février 2018

Additif de mars 2018
Commission des affaires sociales et des affaires culturelles : La Pauvreté à l’école : Table ronde de grands témoins : Mme Véronique Decker dir. d’école , Mme Marie-Aleth Grard vice-pdte ATD Quart Monde , M. Jean-Paul Delahaye insp. Education nationale

La Pauvreté à l’école : Table ronde de grands témoins ; Vidéo 03:04:36

La vidéo complète de la séance->http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5515232_5a7ab8a870a25.commission-des-affaires-sociales-et-des-affaires-culturelles--la-pauvrete-a-l-ecole--table-ronde-d-7-fevrier-2018]

 

Ecole et pauvreté : Deux ministres, zéro politique ?
Grand moment à l’Assemblée nationale le 7 février. Deux commissions, celle des affaires sociales et celle des affaires culturelles, sont réunies pour une journée entière de travail sur l’école et la pauvreté. Si les interventions des experts, le matin, ont été brillantes, le déplacement de deux ministres, JM Blanquer et A Buzyn, n’a donné lieu à aucune annonce si ce n’est des interrogations sur l’avenir de la scolarisation avant 3 ans et des Rased. Trois ans après la publication du rapport de JP Delahaye, l’effort pour faire réussir les enfants pauvres ne s’incarne que dans les dédoublements des CP et Ce1 de Rep+.

Trois experts
De la journée de débats sur l’école et la pauvreté, l’élément le plus intéressant est sans doute les 3 heures d’interventions des 3 experts invités par les commissions : JP Delahaye, MA Grard et V Decker.

"Notre élitisme n’est pas républicain mais social". JP Delahaye, auteur d’un rapport très remarqué, n’a pas de mal à montrer que le système éducatif fonctionne au bénéfice des enfants favorisés. Il en donne des exemples marquants. Ainsi les bourses collège dont le montant maximum vient d’être augmenté pour atteindre royalement 450 euros par an. Ou encore le retour à la semaine de 4 jours qui risque de "réduire à néant" le bénéfice des CP dédoublés. Ou encore les dispositifs d’aide aux devoirs dont les crédits varient fortement et sont sans comparaison avec l’accompagnement éducatif des CPGE : 70 millions pour 85 000 élèves. "Une solidarité à l’envers" pour JP Delahaye.

MA Grard, vice présidente d’ATD Quart Monde et auteure d’un rapport pour le CESE, a livré des témoignages touchants.

Les députés en marche
Le troisième personnage de la journée ce sont les députés et particulièrement ceux de la majorité. Bruno Studer et Brigitte Bourguignon, présidents des deux commissions, ont vivement défendu l’action gouvernementale estimant que "personne n’a de leçon à donner" (B Bourguignon) car "on a dédoublé les CP" (B Studer).

Dans les débats les propos les plus surprenants ont fusé. Ainsi B Descamps, auteure du rapport sur école et parents, a fait part de son émotion devant l’avalanche de critiques venues du monde enseignant. Mais ses interventions commencent par "il ne s’agit pas de faire des généralités mais..." pour finir par "il ne s’agit pas de stigmatiser les mamans et les enseignants, mais..."

Géraldine Bannier, députée Modem, se soucie que l’on donne des produits d’hygiène aux enfants pauvres. Elle propose que les écoles distribuent des uniformes pour remplacer les vêtements usagers des élèves pauvres.

Fallait pas l’inviter...
Mais c’est la personnalité de Véronique Decker, directrice d’école à Bobigny (93) qui se dégage de cette journée. Directrice d’une école Rep+ dans une cité de Bobigny elle a vu au fil des années la situation se dégrader. Toute la matinée elle va apporter des faits en réponse aux questions des députés, recadrant souvent leurs propositions ou leurs déclarations.

Véronique Decker ouvre les yeux des députés. Pour elle c’est al précarité qui coule les familles et elle en donne des exemples saisissants. "Les enfants pauvres peuvent réussir mais pas ceux de la grande pauvreté. S’agglutinent les désordres sociaux, mentaux, affectifs qui font qu’il n’y a plus de disponibilité pour l’enfant. C’ets ca qui détruit l’enfance de beaucoup d’enfants de la grande précarité". Elle montre que les communes, comme Bobigny, refusent des scolarisations faute de logement.

Elle évoque la pauvreté de son école. "Il n’y a pas de bourse à l’école élémentaire et on a supprimé les crédits Baranger au profit de crédits ZEP supprimés eux aussi. On n’a plus de crédit contrat de ville". Elle parle du "zig zag" des emplois aidés , accordés et repris sans avertissement. Ainsi à cette rentrée elle a appris le 31 aout le départ de 5 contrats aidés. "A chaque fois on a du désorganiser ce qu’on avait organisé".

La mixité sociale ? "Ca se construit. Quand un collège a de l’évitement c’est qu’il n’a pas les moyens de rejoindre les autres. Peut être qu’il faut moins d’élèves ou plus de fonds sociaux. Mai sc’est jamais ce qu’on fait".

Elle évoque les problèmes de santé des enfants et les temps d’attente pour accéder à une orthophoniste ou au CMP. "On a divisé par 2 ou 4 le nombre de rased et on a accueilli les enfants handicapés, on a donc multiplié leur travail par 2 ou 4. La prévention n’est plus faite".

Au député Le Bohec (en marche) qui annonce qu’il va déposer une proposition de loi pou rla gratuité de la cantine, elle peut répondre que la cantine est déjà gratuite à Bobigny mais que ca ne régle rien. "Le jours où la cantine est en grève les enfants travaillent mieux l’après midi". Il ne suffit aps de rendre la cantine gratuite il faut fixer des seuils d’encadrement.

Elle demande qu’on arrête les destructions de logements sociaux et qu’on rétablisse l’obligation pour les communes de déclarer les enfants vivant sur le territoire communal.

A la députée AC Lang, en marche, qui estime que les Rased sont inefficaces, elle rappelle que les dédoublements ne règleront pas les difficultés des enfants.

Des ministres sans grande politique
Jean-Michel Blanquer et Agnès Buzyn sont intervenus l’après midi et n’ont donc ni croisé ni écouté les 3 experts de la matinée. JM Blanquer a vanté les mesures gouvernementales principalement les dédoublements en rep+ ("les familles disent que c’ets la première fois qu’un politique publique est à leur avantage"). Autre mesure les "devoirs faits".

Les deux ministres ont abordé la question de la santé scolaire. JM Blanquer a annoncé qu’uen solution interministérielle permettra de trouver une solution pour la visite à 6 ans , théoriquement obligatoire mais que le nombre de médecins scolaires ne permet plus d’organiser partout. "On va promouvoir la pluriprofessionalité et le travail en réseau", affirme A Buzyn. Elle a aussi annoncé qu’elle envisage de donner un petit déjeuner à l’école.

On retiendra encore "l’évaluation mitigée" des Rased selon JM Blanquer, "parfois contre productifs" et l’abandon de tout volontarisme en matière de mixité sociale. " La mixité sociale ça ne se décrète pas " affirme le ministre. "Ca s’encourage avec l’attractivité des établissements défavorisés". Et le ministre évoque les classes bilangues ou latin grec. Un peu maigre pour un débat sur la grande pauvreté.
François Jarraud

Ecole et grande pauvreté : dossier du Café pédagogique

Extrait de cafepedagogique.net du 08.02.18 : Ecole et pauvreté : Deux ministres, zéro politique ?

 

Lutte contre la pauvreté à l’école : les orientations de Jean-Michel Blanquer et Agnès Buzyn (ToutEduc)

La lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes sera une priorité du quinquennat, a annoncé hier mercredi 7 février 2018 la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn. Celle-ci était auditionnée avec le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, par la commission des affaires culturelles et de l’éducation et la commission des affaires sociales, à l’occasion d’une journée consacrée au thème de la pauvreté à l’école. Une priorité légitime selon elle, alors qu’elle dit avoir été "frappée", à son arrivée au ministère, "par le changement de visage de la pauvreté en France" et notamment l’accroissement important de la pauvreté chez ces publics. 3 millions d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, a-t-elle rappelé, soit environ 20 % des enfants, et 33 % vivent dans des familles monoparentales. Alors que le précédent plan quinquennal avait "porté ses fruits" pour lutter de manière plus générale contre la pauvreté, elle estime aujourd’hui important de "cibler cette population" et de "réfléchir à d’autres actions", notamment parce que la pauvreté chez les enfants et les jeunes constitue un "frein" pour le développement dans leur vie d’adulte et leur insertion. À cet effet, un délégué interministériel a été nommé et a été lancée une consultation citoyenne qui a déjà reçu, dit-elle, plus de 4 000 contributions. Cette stratégie sera présentée à la fin du mois de mars 2018, sur la base des travaux menés aussi par plusieurs groupes de travail, notamment autour des questions du logement, de la santé, de la prévention et de l’insertion. Les mesures à venir et pistes suggérées par les deux ministres ce jour là faisaient écho, pour certaines, à des recommandations ou des interrogations soulevées le matin même à l’occasion d’une table ronde organisée autour de trois "grands témoins" (ici).

Parmi les constats faits encore par Agnès Buzyn, figure celui que, "très tôt", les plus pauvres n’accèdent pas à des professionnels de la petite enfance puisque "seuls 5 % des 20 % les plus pauvres sont en crèche" tandis que la moyenne nationale s’élève à 22 %. En matière de santé d’ailleurs, plusieurs orientations ont été évoquées. Résoudre la question de la visite médicale à 6 ans est une "priorité", ont affirmé les deux ministres, même si cette question reste "difficile", l’Éducation nationale se heurtant à un problème de recrutement. Actuellement, indique Agnès Buzyn, il y aurait un médecin scolaire pour 9 000 élèves en moyenne. Aux difficultés de recrutement s’ajoutent des "partages d’information" insuffisants, ce qui vaut aussi pour la "coordination" entre les acteurs, médecins, infirmiers, assistants sociaux notamment. Le ministère dit vouloir œuvrer dans deux directions : encourager une plus grande "pluriprofessionnalité", mais aussi compenser le manque de médecins en faisant intervenir, par exemple, des centres ou maisons de santé dans les écoles.

Des "services sanitaires" pour permettre l’éducation à la santé dans les écoles par des étudiants

Au niveau du travail sur l’attractivité du métier, les ministres ont confirmé que des stages avaient été ouverts en médecine scolaire en sortie d’internat. Par ailleurs, se développe un "service sanitaire", pour que "des étudiants aillent faire la promotion et l’éducation à la santé, voire du repérage et de la prévention dans les écoles", indique Jean-Michel Blanquer.

Les parcours éducatifs de santé, instaurés sous l’ancien ministère, doivent également être "améliorés", en encourageant notamment la contractualisation entre les rectorats et les ARS (agences régionales de santé), pour "permettre un déploiement plus homogène sur le territoire", indique de son côté Agnès Buzyn.

Possibilité de petit-déjeuner dans tous les établissements ?

Concernant la lutte contre la malnutrition, Agnès Buzyn confirme que le gouvernement envisage de légiférer pour "favoriser la tarification sociale dans les cantines" et "inciter" les collectivités "à harmoniser les pratiques" en la matière. Celle-ci souhaite aussi "étendre" un système de restauration qui proposera dans tous les établissements un petit-déjeuner, dispositif déjà mis en place dans certains établissements. Un "moment" qui "pourrait être financé par l’État".

Le ministre de l’Éducation nationale a de son côté présenté les mesures mises en place et à venir pour lutter contre cette pauvreté au sein même de l’école, ce qui suppose d’avoir une "vision complète de l’école", donc de travailler sur "un continuum" et sur plusieurs mesures. D’abord les CP dédoublés qui concerneront 7500 classes à la rentrée 2018 et 340 000 enfants chaque année à partir de 2019, "soit entre 15 et 20 % d’une génération". Le ministre a aussi fait un point sur la mesure "devoirs faits", lancée à l’automne 2017, pour laquelle 200 millions d’euros sont inscrits dans le budget. Selon Jean-Michel Blanquer, celle-ci est proposée aujourd’hui "systématiquement dans tous les collèges de France". Ces mesures sont complétées par un "travail sur l’accompagnement lors de classes charnières", entre le CM2 et la 6e, et entre la 3e et la 2nde, notamment au travers des stages gratuits proposés pendant les vacances. 15 millions d’euros avaient été fléchés pour ces stages en 2017, 35 millions sont programmés sur le budget 2018, indique-t-il. À ces mesures, s’ajoute la préparation du plan internat "qui permettra d’ouvrir des milliers de lits supplémentaires" et donc également "d’apporter des solutions intégrales".

Interrogé à nouveau sur une éventuelle généralisation de l’uniforme à l’école, qui pourrait être, selon certains députés, "un moyen de lutter contre les inégalités visibles", le ministre n’y est pas favorable, compte tenu de "la société française telle qu’elle est aujourd’hui". En revanche, le port de l’uniforme sera permis dans les territoires où cela fera "consensus".

Aller chercher via les données numériques les personnes éligibles aux prestations sociales

Les PMI sont aussi "un vrai sujet", estime Agnès Buzyn. Alors que le dispositif fonctionne de manière "très hétérogène" sur le territoire, un travail devrait être mené pour redéfinir et cadrer leurs missions, notamment au constat de la "perte d’attractivité" des postes de médecins, à qui l’on donne, selon elle, beaucoup trop de "missions normatives", notamment de contrôle de crèches.

Concernant la lutte contre le non-recours aux prestations, Agnès Buzyn évoque l’idée d’utiliser les données numériques pour "aller chercher par ce biais" les personnes éligibles.

Elle annonce aussi le travail "en cours" d’une mission concernant la question de mineurs non accompagnés (MNA). Celle-ci devra préciser "le rôle de l’État", c’est-à-dire les moyens financiers et humains qu’il devra attribuer aux Départements pour l’accompagnement des MNA.
Camille Pons

Extrait de touteduc.fr du 08.02.18 : http://www.touteduc.fr/fr/archives/...

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