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Séminaire OZP nov. 2019. "La refondation : des acquis ?" (synthèse), par Marc Bablet

2 décembre 2019

SEMINAIRE OZP, 30 novembre 2019

La refondation : Des acquis ? (synthèse)
Marc Bablet

(de gauche à droite : Jean-Yves-Rochex, Anne Armand, Marc Bablet)

Ce qui frappe au premier abord, c’est la liberté de parole et la sincérité qui ont présidé aux réponses que nous avons reçues. Notre travail a consisté à lire des contributions en réponse à des questions de l’OZP. On a pu percevoir que nos répondants prennent nos questions comme une occasion sérieuse d’auto évaluation de leur travail expert dans les réseaux.
Ce qui peut être plus ou moins acquis ce sont des conceptions et représentations de l’éducation prioritaire et de ses enjeux, des dispositifs et des pratiques mises en œuvre ou à encourager tel que ceux qui nous répondent les voient aujourd’hui après quatre ans de refondation.
Une première remarque que l’on peut faire consiste à dire que beaucoup de nos collègues considèrent que rien n’est vraiment acquis car les ministres changent sans cesse les bases du travail (exemples : la disparition des PDMQDC, l’abandon de l’accueil des deux ans, les changements des repères des programmes, de nouveaux dispositifs comme CP et CE1 à 12, des instructions nouvelles…). Il y a aussi des sujets sur lesquels on trouve des réponses partagées : 53% pensent que les difficultés sociales du réseau se sont accrues, 53% pensent que le référentiel est connu dans ses grandes lignes par les enseignants, 62% pensent que le référentiel a été utile, 62% pensent que le travail collectif s’est développé. Il y a de forts taux de non réponses (plus de 30%) à certaines questions qui manifestent sans doute la difficulté à prendre du recul et à faire des propositions dans le cadre d’une enquête comme celle-là.
Et en même temps, les propos très riches des réponses bien renseignées témoignent que certains fondamentaux ne sont pas remis en cause en éducation prioritaire : les cycles (en particulier le cycle 3 très souvent cité), le travail d’un collectif professionnel, l’importance primordiale du pédagogique, les relations avec les parents, les projets et en particulier le projet de réseau, l’importance d’une formation adaptée qui réponde aux besoins…

L’axe 1 : Maitriser le lire, écrire, parler et enseigner plus explicitement
Quand on leur demande ce qui est le plus important pour la réussite des élèves, les répondants privilégient largement la priorité 1 du référentiel mais en rappelant aussi qu’elles sont toutes importantes et en parlant plus particulièrement de l’exigence et de la bienveillance nécessaires pour bien répondre à la priorité « écrire, lire, parler » citée dans 46% des réponses. Si les enseignements de la langue sont proposés en priorité, la question des mathématiques et des sciences n’a pas encore fait son chemin. Les conceptions d’apprentissages exigeants et d’un enseignement plus explicite ne sont pas encore suffisamment clarifiées, même si des formations sont évoquées à cet égard.
Quand on regarde les évolutions positives par axe du référentiel, on voit que pour l’axe 1 du référentiel, on en appelle à l’institution pour faire évoluer le recrutement ou la formation ; le besoin de formation entre pairs et de constitution d’outils communs sont mentionnés. La question de la co-intervention et des croisements de regards qu’elle permet (PDMQDC – cités dans 15% des réponses à l’ensemble des questions) et des CP CE1 à 12 (cités dans 34% des réponses concernant cet axe) comme modalité de travail pour mieux mettre en œuvre l’axe 1 sont vus positivement.

L’axe 2 : Conforter une école bienveillante et exigeante
Pour l’axe 2, la manière dont a été compris « conjuguer bienveillance et exigence » est notable. Il est particulièrement fait mention des élèves en difficulté lorsque l’on en parle.
Il s’agit d’abord d’une modification des « attitudes » et « regards » et du souci de l’estime d’eux-mêmes des élèves dans le cadre d’un climat scolaire favorable. Souvent nos collègues voient à cet égard une continuité entre ce qu’ils faisaient déjà avant et les propositions du référentiel. Il s’agit aussi d’une modification des pratiques d’évaluation avec en particulier la remise en question des chiffres et de la notation au profit de l’évaluation des compétences selon d’autres modalités.

L’axe 3 : Coopérer avec les parents et les partenaires
S’il y a bien un champ dans lequel on peut percevoir un ensemble structuré d’acquis c’est celui qui concerne les relations avec les parents d’élèves (axe 3) qui sont détaillées dans divers dispositifs et diverses pratiques. On évoque une « embellie » portée par les multiples qualités des actions décrites (authenticité, investissement des équipes, inscription dans la durée, dimension collective) et par les valeurs portées (respect, confiance, reconnaissance de compétences des parents). La question des partenaires (les associations, les municipalités, les services sociaux sont cités) est beaucoup moins travaillée. Les cités éducatives là où elles existent vont amener une ré interrogation de cette question. Il faudra veiller à ne pas régresser vers des pratiques déjà discutées par le rapport Moisan Simon dès 1997.

L’axe 4 : Favoriser le travail collectif
Seulement 10% des réponses obtenues le sont d’un groupe de personnes de plusieurs écoles ou établissements ou de l’équipe de pilotage du réseau. Cela rappelle s’il en était besoin que le travail collectif n’est pas systématique en éducation prioritaire. Il est difficile à mettre en œuvre surtout pour une question de disponibilité des uns et des autres. La question du temps est centrale. Il y a bien, à plus de 60% l’idée que le travail collectif s’est développé au cours de la refondation. Le travail collectif est une référence commune. Il sert principalement à des actions ou projets communs qui s’élaborent en concertation (celle-ci est largement plébiscitée), l’harmonisation de pratiques, des mises en cohérence, des progressions communes notamment sur le cycle 3, l’analyse des difficultés, l’établissement des diagnostics la progression attendue des pratiques pédagogiques.

L’axe 5 : Soutenir, former et accompagner les personnels
En ce qui concerne l’axe 5, l’accueil, les procédures et dispositifs sont décrits de manière assez précise : on évoque des temps dédiés, des formations, du tutorat ou des découvertes de l’environnement. On perçoit nettement moins de satisfactions sur les formations développées qui sont parfois décrites comme imposées d’en haut et théoriques, même si le temps donné pour la formation est plébiscité. Une formation réussie c’est pour nos répondants une formation qui répond à des besoins spécifiques locaux et qui est menée par des formateurs et intervenants de qualité. Elle s’inscrit dans la durée et permet de construire des réponses aux problèmes rencontrés. Si des formations locales se sont développées sur la base d’analyses conjointes dans 55% des réponses, ce qui rejoint les données relatives au travail collectif qui s’est développé pour 62% des répondants, il reste à consolider une politique de formation qui fasse plus de place à l’analyse des besoins par les acteurs eux-mêmes.

L’axe 6 : Renforcer le pilotage et l’animation des réseaux
En ce qui concerne l’axe 6, le réseau apparaît essentiellement comme le lieu de l’élaboration du projet qui se développe en axes et en actions. Il est le niveau du pilotage local en appui sur le référentiel et sur des données recueillies localement. Mais le comité de pilotage du réseau apparaît second par rapport au conseil de cycle 3 ou au conseil école-collège. La pertinence des autres niveaux de pilotage est interrogée. Le pilotage est mené par des groupes constitués de manières diverses selon les réseaux. L’IAIPR référent est plus rarement mentionné (particulièrement par les enseignants du premier degré qui ne le connaissent pas) que l’IEN et le principal. Le coordonnateur apparaît comme une figure centrale qui se sent parfois en porte-à-faux. Deux problèmes sont particulièrement posés aux pilotes : le problème de la verticalité et de l’injonction, le problème du rapprochement des cultures du premier et du second degré qui semble fragile.
En conclusion, nous avons des raisons de cultiver un certain pessimisme face à la fragilité des acquis toujours à consolider par un pilotage résolu et respectueux des professionnels qui sont les premiers experts de leur action individuelle et collective. Pour l’instant nous ne voyons pas ce pilotage, nous pouvons même craindre le départ sur de fausses pistes. Nous avons de belles raisons d’être optimistes en voyant l’engagement raisonné de nos collègues répondants et des autres qui demandent à être davantage responsables de leur action locale sans se défausser du fait de difficultés reconnues mais considérées comme surmontables dès lors que l’on est soutenu dans un collectif professionnel.

Ci-dessous le PowerPoint de l’intervention

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