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La fracture numérique dans les diverses propositions liées aux Etats généraux (Le Café)

6 novembre 2020

JM Blanquer retient quelques propositions des Etats généraux du numérique
Si les Etats généraux du numérique avaient été imaginés et construits pour être un événement phare de la communication institutionnelle, on peut dire que c’est raté. L’aggravation de la situation sanitaire, les mouvements dans les lycées et collèges, l’insécurité ambiante ont fortement réduit l’attractivité de l’événement où on n’a d’ailleurs pas croisé d’enseignants. Les Etats généraux ont produit une quarantaine de propositions et le ministre a annoncé en retenir quelques unes.

Des idées qui n’ont jamais marché

Les 40 propositions des Etats généraux du numérique sont pour la plupart sans surprise tant elles avaient été préparées par des rapports parlementaires ou tant elles sont des marronniers de l’éducation nationale.

Commençons par la proposition la plus sympathique : la création d’un "compte ressources et services numériques pour chaque enseignant". L’idée, venue d’Angleterre, c’est de créer un marché du numérique éducatif en donnant aux enseignants utilisateurs des moyens pour consommer ces produits. Ca semble efficace et intéressant pour les enseignants. Mais cela a déjà été testé en 2010 par Luc Chatel et son Dgesco de l’époque. Et les crédits alloués n’ont jamais été dépensés par les enseignants destinataires de la mesure. Cela malgré les réels besoins numériques des enseignants. C’est que le compte ressource se situe dans une institution qui a ses règles et sa structure hiérarchique. En fait les moyens donnés n’arrivent jamais à l’utilisateur final. La proposition inclut cette contradiction dans sa rédaction. Il y est question de ressources directement pour le professeur et en même temps de laisser des instances choisir...

Autre proposition ancienne : garantir un socle numérique minimal pour les écoles. Il y a en effet de très forts écarts entre les communes. Cela serait possible si l’Etat prenait la dépense à sa charge. Mais il ne peut ordonner la dépense aux collectivités locales qui, si elles payent, doivent avoir le droit de choisir.

Autre vieille lune : la plate forme regroupant toutes les ressources éducatives. Cela a été promis et réalisé plusieurs fois mais cela échoue toujours car les éditeurs ont intérêt à controler l’accès à leurs ressources et le fonctionnement bureaucratique d’une telle plateforme ne va pas avec la culture de l’édition.

Une idée neuve

Une idée réellement neuve pourrait être retenue pendant ce confinement. Celle du Pass connexion : un accord avec les opérateurs internet permettrait de ne pas prélever sur le forfait des élèves défavorisés la connexion et le téléchargement sur des sites éducatifs. Cela a été testé durant le dernier confinement dans plusieurs départements et cela peut réduire la fracture numérique.

Un Data Hub pour les données scolaires

En cloturant les Etats généraux, JM Blanquer a marque sa volonté de co-construire avec les collectivités locales une dynamique à l’image de ce qui se passe dans les "Territoires éducatifs numériques". Lancés il y a peu dans deux départements, ces territoires réunissent des ressources de l’Etat et des collectivités pour équiper les établissements, les professeurs débutants et des élèves défavorisés.

JM Blanquer a annoncé retenir quelques propositions. D’abord celle d’une prime d’équipement pour les professeurs qui a été annoncée dans le cadre du Grenelle de l’éducation. Il a aussi annonce la création d’un "Data Hub Education" pour "valoriser" les données de l’éducation auprès des éditeurs publics et privés. Une trentaine de millions, versés dans le cadre des investissements d’avenir devraient aider les Ed techs. Le ministre a aussi lancé un E-Inspe, base sur la plate forme de formation Cano Tech de Canopé. Canopé vient de passer un partenariat avec la société Kosmos pour développer Cano Tech dans l’ENT de Kosmos.

Le bilan final des états généraux est mince. En 2010 Luc Chatel avait trouvé 60 millions pour son plan numérique, notamment le compte ressource. F Hollande avait promis un milliard sur trois ans dont environ 300 millions ont été dépensés. JM Blanquer ne prévoit au budget que 10 millions pour le numérique éducatif. C’est très peu pour une véritable politique numérique.

F Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du .6.11.20

 

Etats généraux du numérique
Présentation synthétique des propositions issues des EGN

Extrait de etats-generaux-du-numérique

Voir en particulier page 9 :

Thématique 3
GARANTIR UN ÉGAL ACCÈS AU NUMÉRIQUE POUR TOUS/FRACTURE NUMÉRIQUE
→ Angles social, inclusif et territorial

 

Au Forum Alternumérique, enseignants et chercheurs dessinent un autre numérique éducatif
Le 4 novembre, le ministre (en vidéo), des cadres de l’éducation nationale, des startups, des experts, ont ouvert à Poitiers les Etats généraux du numérique organisés par le ministère. A quelques kilomètres de là, une centaine de professeurs, chercheurs et quelques politiques ont fait de la résistance. Pas au numérique mais à ce numérique éducatif officiel. Il a été question de solidarité, de fabriquer des communes, de la transformation du travail enseignant. Des questions qui concernent les professeurs mais sont évitées à Poitiers...

Un contre forum face aux Etats généraux

"Le cheval fou du numérique entraine une transformation majeure des approches culturelles de notre société", estime Dominique Bucheton, vice-présidente de l’Afef, l’association qui a organisé ce forum alternumérique. Le forum est virtuel mais les organisateurs sont à quelques kilomètres à peine des projecteurs et des beaux plateaux des Etats généraux du numérique organisés par le ministère de l’éducation nationale. Mais ici on est entre professeurs et chercheurs auxquels se sont adjoints quelques politiques comme les députés LFI Sabine Rubin et Anne-Sophie Pelletier.

Le 4 novembre au matin, sous la houlette de Dominique Bucheton, le forum réfléchit à ce qu’entraine l’arrivée du numérique dans l’enseignement, ce que veut dire la fracture numérique et en quo le numérique transforme le travail , un point important du sondage réalisé par la FSU et publié par le Café pédagogique le matin.

Construire le commun face au Learning Analytics

"On a le choix aujourd’hui entre un numérique commercial et individualiste et un numérique libre et contributif", affirme Philippe Meirieu. Il s’oppose à la conception, très mise en avant aux Etats généraux, d’un numérique individualiste. "C’est la conception d’une instruction individualisée avec les Learning Analytics : l’idée qu’on pourrait se passer de l’école en analysant le fonctionnement cérébral de chacun et mettre en oeuvre des systèmes individualisés d’apprentissage, chacun apprenant devant son écran".

Face à cette "dérive" ou cette "songerie", P Meirieu oppose l’idée que l’école sert à construire du commun et à activer des solidarités. Il critique aussi "l’horizontalité" du numérique. "Le numérique donne le sentiment d’accéder à toutes les informations possibles mais passe à la trappe l’exigence de précision et de vérité qui est au fondement de la pensée critique. Il faut réintroduire dans cette horizontalité cette exigence et c’est à l’école de le faire".

Rodrigo Arenas, co président de la Fcpe, rappelle que l’intelligence artificielle (IA) "nous enferme dans un monde qui renvoie à l’historique de navigation. C’ets l’outil qui nous maitrise".

Ne pas se laisser déposséder de son métier

Cette dimension est abordée aussi par Stéphane Crozat, enseignant chercheur à l’UTC, pour qui les outils des Gafam "déterminent ce qu’on fait". Il est vain pou rlui de croire qu’on peut plaquer nos souhaits d’usage indépendamment de la couche technique développée par eux.

Ces Gafam échappent à la législation nationale. Pour lui il faut former les enseignants et se donner le temps nécessaires pour penser le numérique éducatif.

Stéphane Crozat répond aussi aux interrogations de D Bucheton sur les effets du numérique sur le travail enseignant. "Le numérique entraine une prolétarisation y compris des enseignants",dit-il. "Une partie de la résistance au numérique c’est la préscience de cela. Les enseignants sentent qu’il y a une dépossession de leurs savoir faires. A un moment donné l’enseignant est plongé dans un autre dispositif que la classe dont il connait mal les codes. Du coup il découvre qu’il n’a accès qu’à une partie de ce qu’il sait faire".

Réunir des conventions d’enseignants

Ce sujet est développé par Adrien Martinez, un professeur des écoles de Gironde. "Le numérique est utilisé pour que l’on rende compte de notre métier selon les critères définis par l’employeur. On le voit par exemple avec les évaluations de CP et Ce1. Il y a un vrai conflit subi lié au numérique et à la conception même de l’éducation par l’institution. On va vivre avec des outils personnalisant les apprentissages, avec un numérique renonçant à la démocratisation".

Pour Viviane Youx, présidente de l’Afef, interrogée par le Café pédagogique, l’Alterforum a été l’occasion de réfléchir à ce que nous impose le numérique. "C’est aussi un moyen dont il faut se saisir pour transformer le métier". L’Afef appelle à mettre en place des conventions d’enseignants pour penser le numérique éducatif et à créer des espaces pour cela dans les établissements. Le message va t-il atteindre les Etats généraux ?
François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 05.11.20

 

Etats Généraux du Numérique : Les propositions Studer
La commission des affaires culturelles et de l’éducation a organisé en septembre des tables rondes pour élaborer des propositions à soumettre dans le cadre des États Généraux du Numérique qui s’ouvrent le 4 novembre. Bruno Studer, président de la commission, vient de les rendre publiques. La plupart renvoient à des questionnements qui datent parfois de près de vingt années quand ce n’est pas quarante... Il semble bien que les auteurs de ces propositions les ont voulues opérationnelles rapidement (sur le plan réglementaire) ce qui semble une idée intéressante a priori. Par contre on se retrouve devant des propositions qui sont autant de constat de carence des politiques antérieures, celles du ministre actuel y compris. Il n’est pas certain que ces propositions soient entendues, reçues, et transformées en action concrètes.

Des propositions "pour le numérique éducatif de demain"

Première remarque, le "de demain" est malheureusement un mauvais signe, tant ce qui aurait dû être fait ne l’a pas été par le passé...

1- Résoudre les inégalités territoriales et sociales d’accès au numérique éducatif par la nationalisation de l’entreprise Index Éducation et l’extension de ses attributions

Étonnante proposition qui croise d’une part les inégalités et, d’autre part, la mise en question d’un acteur privé dont on connaît la place qu’il a prise dans l’espace scolaire français. Or cette entreprise est l’objet de polémiques depuis plusieurs années dont certaines sont en relation avec le RGPD (Cf rapport de la Cour des comptes et rapport des IGEN sur le RGPD).

2- Encourager les collectivités territoriales à développer des politiques d’équipement individuel des élèves en matériel informatique

Dommage que ceux qui sont engagés depuis longtemps dans ce processus n’aient pas été consultés... Landes, Bouches-du-Rhône, Val-de-Marne, Corrèze, Corrèze… Cette proposition est une confirmation de l’erreur de l’arrêt du plan Hollande.

3- Inciter les opérateurs privés à développer prioritairement l’accès des établissements scolaires au « Très Haut Débit », notamment dans les zones rurales.

Effectivement avoir le haut débit c’est intéressant, mais outre les infrastructures, il y a les abonnements qui coutent très chers aux collectivités. Il ne suffit pas d’enjoindre à la connexion, il faut aussi accompagner financièrement cela.

4- Déduire des abonnements en données les offres télécom sur certains sites institutionnels sur le modèle expérimenté dans les DROM / COM

Confère la remarque précédente : comment soulager les collectivités dans leurs abonnements Internet pour les établissements scolaires

5- Soutenir fiscalement les familles ayant recours au soutien scolaire à distance

Attention, danger de développer l’offre d’un secteur privé de soutien scolaire. On voit derrière cette proposition les Edtech qui cherchent un marché et qui lorgnent sur celui des familles tant celui de l’Éducation nationale reste faible en moyens…

6- Mieux détecter les enfants en situation d’illectronisme dans le cadre de la journée Défense Citoyenneté

Si cela signifie ajouter une épreuve à la JDC, c’est un peu juste. Outre qu’il y a plusieurs illectronisme, n’est-ce pas un peu tard... d’attendre 18 ans pour s’en préoccuper ?

7- Mieux accompagner les parents d’élèves dans leur formation aux outils scolaires numériques au sein de l’école

Connaissant les difficultés de liens entre parents et établissements, on imagine mal la formation à ces outils au sein même de l’établissement dans la situation actuelle. Cette proposition reprend une des idées développées lors du Plan Informatique Pour Tous de 1985

8- Soutenir financièrement les enseignants s’équipant en matériel informatique individuel

C’est un problème ancien et toujours pas résolu à ce jour. Et, pourtant on comprend mal cela, nous avons posé cette question à plusieurs reprises en direct aux ministres qui se sont succédé sans retour...

Un petit gout de déjà vu...

9- Prendre davantage en compte les compétences numériques des candidats dans les concours de l’Éducation nationale

Certains concours y ont déjà répondu (professeurs documentalistes bien sûr, mais aussi enseignant de secteur professionnel et technique)

10- Assurer une formation spécifique aux usages et pédagogies du numérique dans les INSPE

S’il suffisait d’une injonction qui se traduirait par une maquette de master, cela se saurait. Le problème est plus profond. Il faut d’abord rendre l’usage du numérique ordinaire dans les activités à l’INSPE, même dans les enseignements disciplinaires...

11- Assurer qu’une formation dédiée aux usages et pédagogies du numérique soit systématiquement proposée dans les plans de formation continue

Cette proposition fera sourire tous ceux qui suivent depuis longtemps cette question... Le problème de fond est la forme et les modalités de la formation et son efficience souhaitée...

12- Prolonger la clarification du rôle des opérateurs publics en charge du numérique éducatif en faisant du CNED un opérateur de référence dans la continuité pédagogique.

Le CNED, qui a historiquement un rôle de recours, peut-il se transformer, comme indiqué dans le contrat cadre avec l’état (2019) ? Si on peut le souhaiter, ainsi que les autres opérateurs, cela veut dire qu’il faut repenser leurs missions en cohérence avec celles des académies et leurs services.

13- Garantir un cadre juridique lisible et protecteur des données d’éducation par la mise en place d’un « code de conduite » validé par la CNIL

Avant même un code de conduite, il faut renforcer la prise de conscience du rôle du juridique dans l’éducation. De la formation des cadres à la formation des enseignants, cette prise de conscience ne se fait pas à coup de conférences, mais surtout en s’appuyant sur des études de cas...

14- Doter les établissements scolaires d’une ressource financière destinée aux services et ressources pédagogiques numériques

Aïe, l’expérience n’est pas nouvelle et se révèle un échec à 80 % d’après nos données. En effet, il ne suffit pas de donner des moyens, il faut aussi s’interroger sur la manière dont ces moyens peuvent intégrer l’éco-système de l’établissement ainsi que sur le rôle des inspections dans la détermination de ces ressources... A moins de donner une compétence nouvelle aux collectivités dans un acte nouveau de décentralisation

15- Développement d’un catalogue d’applications piloté par le service public

Jadis envisagé sous la forme d’un label et bien avant avec la fameuse "valise informatique" de 1985 pour la partie pédagogique, il semble que sur ce champ, ce soit vain. Par ailleurs si l’on parle d’applications du ministère, outre qu’elles sont souvent peu ergonomiques et pratiques, et surtout certaines sont un échec financier important (Cf. Sirhen...)
Bruno Devauchelle

[Les 15 propositions aux Etats généraux>https://www.brunostuder.fr/wp-content/uploads/2020/10/2710_Propositions_NumEducatif.pdf]

[Les 25 propositions du rapport Studer de 2018>http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/10/11102018Article636748396953793633.aspx]

Extrait de cafepedagogique.net du 05.11.20

 

Note du QZ : Nous avons mis en gras les propositons qui concernent la lutte contre la fracture numérique sur le plan social.

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