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Deux ouvrages sur « les jeunes des cités » (Joël Roman et Serge Roure)

5 décembre 2006

Extrait de « Libération », le 04.12.06 : Des Français « eux » aussi

Deux visions éclairantes sur les jeunes des quartiers à l’heure d’une énième loi sur la délinquance.

Voilà deux livres utiles alors que l’Assemblée nationale vient de voter une ¬ énième ¬ loi sur la prévention de la délinquance, qui concerne dans ses grandes lignes les jeunes. « Eux », dirait Joël Roman, collaborateur d’Esprit, ce sont ces jeunes issus de l’immigration, vivant dans les banlieues, et sur lesquels pèserait une suspicion permanente. « Or, avertit Roman, je ne puis être un citoyen libre que si ma légitimité à faire partie de ce groupe de citoyens n’est pas contestée. » Ce postulat est déroulé au terme d’une patiente démonstration visant à remettre au centre du jeu le poids des causes sociales, celles qui, dès qu’il s’agit d’ « eux », s’évapore car « toute explication sociale est aussitôt délégitimée : ils [ces jeunes, ndlr] sont intrinsèquement mauvais ».

Roman n’est pas complaisant, et sait critiquer l’excès d’angélisme de la gauche. Il postule néanmoins que « si certaines cités sont des zones de non-droit, ce n’est pas parce qu’on ne peut pas y rentrer, mais parce qu’on ne peut pas en sortir ». Pour l’auteur, après l’échec de la politique de la ville en banlieue, qui n’a jamais tranché entre une volonté d’améliorer ces quartiers (pour « arracher ses habitants à la marginalité ») et une autre de les désenclaver (mais « ne restent que ceux qui ne peuvent pas partir » ) la nouvelle utopie serait l’ « idée de mixité sociale », « généreuse » mais qui « renvoie sourdement à l’idée qu’il faudrait dissoudre ces populations dans le paysage ».

« Eux », faut-il le préciser, sont souvent musulmans et victimes de l’ « islamalgame », selon lequel « nous ne pouvons nous empêcher de faire le rapprochement entre nos musulmans de France et les sombres barbus d’Algérie ». Une posture fermée consistant à accepter des « musulmans incroyants et des musulmanes émancipées ». Pour Roman, cette « conception intégriste de la laïcité » nous rendrait obsédés par l’islam, symptôme d’une « vision de la société française confrontée à un doute radical sur son identité ». Pourquoi, interroge Roman, est-ce si difficile d’ « admettre qu’il est plusieurs manières d’être français ? »

Serge Roure, professeur de philosophie à Vitrolles, s’indigne aussi de « l’adhésion naïve à une philosophie très répandue, celle du libre arbitre », qui permettrait aux « casseurs » (des émeutes de 2005, des manifestations anti-CPE de 2006) de se placer en toute conscience hors du jeu social. Or pour cet enseignant « la violence du contexte fait la violence du casseur ». L’envie de comprendre, pas d’excuser, guide ce texte qui remet la liberté à sa place. Car « leur supposée liberté [celle des casseurs, ndlr] permet en effet de la condamner en toute bonne conscience. Ils ont choisi de ne pas respecter la loi, punissons-les ! » La deuxième partie du livre, qui décrypte la « violence » de plusieurs institutions (police, justice, école) contre les jeunes, est plus factuelle. Restent les dernières lignes posant l’alternative pour les « casseurs » : « Soit la soumission à un ordre cynique, soit l’insoumission en vue d’un ordre juste. »

Fabrice Tassel

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