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Inégalités : des leçons à tirer de Pisa ? (dossier du Café pédagogique)

1er février 2020

Pisa et les inégalités : Des leçons pour la France ?
Quels pays progressent et quels pays régressent dans les derniers résultats de Pisa ? Quel rôle jouent les inégalités dans ces évolutions ? Est-ce les élèves les plus faibles qui font s’améliorer le niveau moyen ou au contraire font-ils baisser le niveau moyen du fait d’un accroissement des inégalités scolaires ? Pisa in focus, une publication de l’OCDE, revient sur ces questions et nous emmène sur un terrain devenu français : celui du "nouveau métier enseignant" et du New Public Management..

Des niveaux qui évoluent de façon différente selon les pays

Rappelons le : ce qui compte dans Pisa ce n’est pas le classement entre les pays mais la façon dont les pays évoluent et font face aux inégalités scolaires. Pisa in focus (n°103) base son étude sur les compétences en lecture, un des sujets évalués dans Pisa tous les 3 ans. Il faut rappeler que Pisa porte sur des élèves âgés de 15 ans. Les compétences en lecture demandées ne sont pas celles qui font débat au CP ou Ce1.

Selon l’OCDE, le trait dominant de Pisa c’est la stabilité des résultats. C’est le cas pour 64 pays qui se retrouvent, tous les trois ans depuis 2000, à peu près au même niveau.

Par contre les choses changent pour 28 pays qui voient leur niveau progresser ou baisser. 18 ont progressé. Ce sont Singapour, l’Estonie, la Pologne, l’Allemagne, le Portugal, le Royaume Uni, le Qatar, le Pérou, l’Albanie, la Russie. Mais certains partaient de très bas et ont toujours un niveau en dessous de la moyenne de Pisa. C’est le cas par exemple du Qatar, du Pérou, de l’Albanie, ou de la Russie

Et puis il y a une dizaine de pays où les résultats baissent. C’est le cas de la Suède, la Finlande, la Nouvelle Zélande, l’Australie, la Corée, les Pays Bas, la Suisse , la Belgique tous pays qui restent en haut des podiums. Et aussi de la Grèce, la Hongrie, l’Indonésie, et la Turquie, pays en dessous de la moyenne OCDE.

L’impact du New Public Management

Evidemment quand on fait cette liste des noms sautent au yeux. La Suède, la Finlande, la Nouvelle Zélande, l’Australie, la Corée, les Pays Bas ont souvent été donnés en modèle dans la littérature internationale et par l’OCDE. Et là ils sont sur la pente du déclin de leur système éducatif.

Ce que ne dit pas l’OCDE c’est que ces pays ont connu une réforme de leur système éducatif. Tous ont vu s’appliquer les recettes du New Public Management. En 2017, Florence Lefresne et Robert Rakocevic (Depp) avaient publié une intéressante étude sur cette évolution et ses conséquences.

"En toile de fond de ce nouveau modèle du New Public Management, on trouve le client à la place de l’usager, la recherche d’efficience, le contrat à la place du fonctionnaire", explique F Lefresne. "C’est une nouvelle figure de l’enseignant qui est proposée, avec de nouvelles compétences. Un enseignant multi compétent, qui maitrise les Tice, sait gérer l’hétérogénéité , expert, constructeur de la culture d’établissement et près des usagers".

Aux Pays Bas on a privatisé la gestion des écoles publiques. En Suède la réforme est allée très loin puisque les écoles ont acquis un haut niveau d’autonomie et leur gestion a été municipalisée. Le statut de fonctionnaire des enseignants a éclaté. Ils sont devenus des employés privés. Les écoles ont été mises en concurrence avec des chèques éducation. En Angleterre la barrière entre public et privé a disparu par le développement des academies et des free schools, écoles publiques mais autonomes et gérées de façon privée.

Ce qu’observent Florence Lefresne et Robert Rakocevic c’est d’abord le développement de la pénurie d’enseignants dans ces pays. Ainsi 71% des enseignants hollandais travaillent dans des établissements dont le chef d’établissement déclare manquer d’enseignants qualifiés et 22% des enseignants de maths déclarent ne pas avoir été formés à cet enseignement. En Angleterre c’est respectivement 46 et 6%. En France, où le système dominant est encore traditionnel c’est 32 et 4.

Dans les trois pays l’évaluation des enseignants est confiée au chef d’établissement. Résultat, selon Talis, les enseignants des trois pays sont moins nombreux que la moyenne des pays OCDE à déclarer des effets bénéfiques de cette évaluation. Les tentatives de lier la rémunération des enseignants à leur performance individuelle a aussi généré des problèmes. La proportion d’enseignants qui abandonnent le métier a fortement augmenté en lien avec des salaires qui sont inférieurs aux salaires moyens du privé à diplome égal. Le sentiment de dévalorisation des enseignants est fort.

Dans les 3 pays, on observe en même temps une baisse du niveau des enseignants. En effet, face à la pénurie du recrutement des enseignants, les trois pays ont du mettre en place des stratégies parallèles.

Evidemment si on rappelle tout cela c’est par rapport aux annonces ministérielles d’un "nouveau métier enseignant". Annonces qui sont déjà pour beaucoup entrées dans la pratique avec les lois Blanquer et Fonction publique. Pas besoin des "contreparties" de la revalorisation pour aller en ce sens. Le discours sur les contreparties est surtout là pour faire passer les décrets d’application.

Des inégalités accrues ?

Revenons aux évolutions des pays dans Pisa. Sont-elles dues à la baisse du niveau des élèves les plus faibles, qui sont aussi souvent les défavorisés, ou la réduction de l’écart entre forts et faibles ?

Selon Pisa in Focus, au Royaume Uni comme aux Etats Unis, l’écart entre forts et faibles n’a pas changé. Par contre en Suède, en Finlande, en Australie et encore plus aux Pays Bas, c’est la baisse du niveau des élèves les plus faibles qui fait baisser le niveau moyen.

Et la France ?

Depuis Pisa 2000, la compréhension de l’écrit a peu évolué pour ces jeunes de 15 ans. La France a perdu 17 points entre 2000 et 2006. Mais depuis 2006 le niveau a remonté et se maintient aux alentours de 500 points (493 en 2018). En même temps, de 2000 à 2009 on assistait à un éclatement des niveaux entre un meilleur niveau des plus forts et des faibles de plus en plus faibles. Mais ce grand écart s’est stabilisé depuis 2009. Aujourd’hui la France est un peu au dessus de la moyenne de Pisa.

François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 30.01.20

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