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Colonies de vacances apprenantes : - Une tribune d’associations d’éducation populaire contre la labellisation (L’Humanité) - Entretien avec deux historiens : Laura Lee Downs, dans Le Monde, André Rauch dans La Croix

1er juillet 2020

Contre la labellisation . Colonies et accueils de loisirs "studieux" : Education populaire en danger !
Texte collectif

Nous, organisateurs d’accueils collectifs de mineurs, mouvements d’éducation populaire, militant.e.s des droits des enfants, associations, élu.e.s, nous opposons aux dispositifs « colonies studieuses » et « accueils de loisirs studieux ».

Durant la période de confinement, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a mentionné à plusieurs reprises sa volonté de mettre en place des « vacances apprenantes » qui se déclineraient en « colonies studieuses » et « accueils de loisirs studieux ». Vendredi 8 mai, le site Internet du Journal de l’animation a publié des documents de travail de la DJEPVA qui nous permettent de mieux comprendre ces dispositifs.

Interrogations sur les intentions réelles

Le dispositif prendrait la forme d’un système de label de séjours et accueils de loisirs qui serait attribué aux organisateurs qui en font la demande sous réserve de répondre aux critères définis par le cahier des charges. À la lecture de ces documents, nous nous questionnons sur les intentions réelles de ce système de labellisation des vacances.

Il est indéniable que malgré le plan de continuité pédagogique mis en place par l’éducation nationale, la qualité d’un enseignement à distance ne peut égaler celle d’un enseignement en présentiel. Aussi, l’avancée sur les programmes scolaires de l’ensemble des élèves scolarisés sur le territoire français a été impactée négativement par cette situation sanitaire inédite. Nous sommes également d’accord avec le postulat selon lequel l’apprentissage des enfants le plus en difficulté (socialement et/ou scolairement) a été impacté bien plus durement que pour ceux dont les conditions de vie permettaient de suivre l’enseignement à distance de manière optimale. Pour autant, l’ensemble des enfants du territoire a été touché par la modification de leurs conditions de scolarisation, et la logique voudrait que l’institution scolaire mette en place en son sein les dispositifs permettant aux enfants de rattraper ce qu’ils n’ont pas pu s’approprier du fait de la période de confinement.

Aucun organisme privé (que ce soit une association, un comité d’entreprise ou une structure marchande) ou collectivité territoriale ne peut se substituer à la mission première de l’éducation nationale, qui est de permettre la réussite scolaire de chaque enfant scolarisé sur le territoire français. C’est pourquoi nous, organisateurs d’ACM, ne pouvons effectuer des missions de renforcement scolaire, qui sont du ressort de l’État (ce qui garantit une égalité de traitement à l’ensemble du territoire français). Depuis quelques années, l’école et les organisateurs d’ACM dépendent du même ministère de tutelle : pour autant, il est dangereux de confondre ce qui relève du domaine de l’éducation nationale et ce qui relève de l’éducation populaire.

Les accueils collectifs de mineurs, des lieux déjà « apprenants »

Selon le projet de cahier des charges, « le label permet de garantir le savoir-faire des personnels et la qualité éducative des activités de loisirs et de renforcement scolaire proposées en toute sécurité ». Les ACM sont par essence des lieux d’éducation. L’article L.227-4 du Code de l’action sociale et des familles les définit comme accueil collectif à caractère éducatif. En ce qui concerne les séjours de vacances, le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse écrit à ce propos sur son site Internet qu’ils sont des « lieux éducatifs de détente et de découverte dans un nouvel environnement, complémentaire à la éducatifs de détente et de découverte dans un nouvel environnement, complémentaire à la famille et à l’école ». En particulier, les mouvements d’éducation populaire, les comités d’entreprise et les collectivités territoriales de gauche ont toujours eu à cœur de proposer aux enfants des activités ludiques leur permettant de s’approprier un certain nombre de savoirs et savoir-faire.

Cette philosophie a permis aux ACM d’être un outil contribuant à l’émancipation et à la construction des enfants en tant que citoyen.ne.s. Un des préalables à l’organisation d’un ACM est la définition d’un projet éducatif par l’organisateur. Par ailleurs, pour les associations, il existe déjà un agrément jeunesse et éducation populaire, l’un de ses critères étant que l’action des associations qui en font la demande « touche à la formation globale des hommes et des femmes, à leur épanouissement et à leur prise de responsabilités dans la nation comme dans leur vie personnelle ». Toutes ces dispositions ne sont-elles pas suffisantes pour garantir le caractère « apprenant » des ACM ?

Renforcer des moyens déjà existants

En ce qui concerne le bon déroulement des ACM et la garantie de l’application des projets éducatifs des organisateurs, les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) disposent déjà de moyens concrets, parmi lesquels le contrôle des séjours par les inspecteurs et inspectrices jeunesse et sports et les conseiller.e.s d’éducation populaire et de jeunesse. Or, nous savons que, depuis quelques années, les moyens alloués au contrôle des séjours ont été drastiquement réduits. Ne serait-il donc pas préférable d’allouer aux DDCS des moyens permettant que chaque séjour soit contrôlé plutôt que de substituer au travail des inspecteurs de la DDCS l’attribution d’un label ?

Au regard de ces différents éléments, le système de labellisation ne nous semble apporter aucune plus-value par rapport aux dispositifs existant déjà, en termes de garantie de la qualité éducative des séjours et de garantie de la sécurité des enfants. Pourtant, la mise en place de ce label nous laisse entrevoir l’institutionnalisation de logiques marchandes dans le domaine de l’animation et de l’éducation.

Sous couvert d’éducation, la part belle aux entreprises

Quel projet préfigure ce label pour l’avenir de l’éducation populaire ? L’agrément Jeunesse et éducation populaire définit que « le domaine de l’éducation populaire recouvre tout ce qui touche à la formation globale des hommes et des femmes, à leur épanouissement et à leur prise de responsabilité dans la nation comme dans leur vie personnelle : ce champ d’action n’est pas strictement délimité et peut être très divers (formation professionnelle, formation du citoyen, formation à la responsabilité…) ». Or, ce projet de label parle pour les enfants de « construction de (leur) parcours à venir » : quid de l’épanouissement, de la formation, de la prise de responsabilité dans la nation ? Le fait de substituer un « parcours à venir » à la recherche d’épanouissement nous laisse à penser que nous pourrions avoir de plus en plus à faire à des politiques éducatives qui privilégient l’insertion dans le marché du travail comme objectif, en lieu et place de la recherche d’émancipation pour toutes et tous. L’importance accordée à la recherche de partenariats semble confirmer cette intuition. S’unir pour progresser, partager des ressources sont de nobles intentions : pour autant, si le texte cite en exemples des partenaires les associations, établissements culturels, sites naturels… il mentionne également les entreprises ! Cette opportunité donnée aux structures marchandes de vanter auprès des plus jeunes l’action des entreprises sous couvert de loisirs nous pose question : outre remettre en cause la philosophie des colonies de vacances, elle pourrait les transformer en vitrines des entreprises du secteur marchand.

L’éducation populaire, une richesse menacée

Sur la forme, la labellisation met en concurrence des organismes de nature différente pour l’attribution de subventions d’État. Pis encore, l’attribution de ce label permet à des entreprises marchandes de pouvoir candidater aux subventions d’État, ce qui jusqu’à présent n’était possible que pour les associations agréées Jeunesse et éducation populaire. Sous couvert d’utiliser les termes de « subvention de fonctionnement », il s’agit bien ici d’une « subvention sur appel à projet ». Ces subventionnements sur appel à projet s’inscrivent dans des logiques qui ont pour conséquence depuis plus d’une vingtaine d’années de mettre en concurrence les associations, qui, dans le même temps que leurs subventions de fonctionnement sont drastiquement réduites, se retrouvent obligées, pour survivre, de répondre à des critères définis par les financeurs. Les associations sont des structures particulières qui constituent une vraie richesse pour la vie démocratique de notre pays en permettant aux citoyens de se réunir, d’agir collectivement, de « prendre leurs responsabilités dans la nation » : les subventionner sur des projets et non sur leur existence met à mal notre démocratie en fragilisant le cadre associatif, vecteur de participation citoyenne et d’épanouissement, qu’aucune structure marchande ne pourrait remplacer.

La question éducative doit être préservée des logiques de marché. Aucun organisme à but lucratif ne devrait pouvoir prétendre à contribuer à l’éducation des enfants. Ce projet de labellisation nous inquiète au plus haut point quant à l’avenir de l’éducation de nos enfants.

Extrait de humanite.fr du 30.06.20

 

Vacances « apprenantes » : « Le but initial des colonies de vacances, c’est la rupture avec la famille, l’école, le quartier »
Les colonies de vacances ont-elles vocation à être un prolongement de l’école ? A l’heure des « colos apprenantes », retour sur l’histoire et les difficultés des colonies de vacances, avec l’historienne Laura Lee Downs.

[...] Dans ce contexte, que reste-t-il de la vocation de mixité sociale des colonies de vacances ?
A partir du moment où la colonie « collective » s’impose dans les années 1930, les enfants de la classe moyenne (qui souhaitait se démarquer du monde paysan) ont fait leur entrée dans ces structures, et avec eux la nouvelle mission de mixité sociale des colos. Les uns paient peu leur séjour en colonie, les autres ne le paient parfois pas du tout : le modèle restera le même pendant tout le XXe siècle, jusqu’au virage des années 1990.

Aujourd’hui, cette dimension de mixité sociale est clairement affaiblie, pour les raisons que nous venons d’évoquer, mais toujours présente. Elle se double d’une ambition de mélange des cultures et des religions, de vivre ensemble. Ce projet est aujourd’hui mis à mal par la ségrégation spatiale/résidentielle et les inégalités socio-économiques en France.

Lire aussi Que reste-t-il de la mixité sociale des colonies de vacances ?

Après la période d’enfermement que nous venons de vivre et dont les enfants ont encaissé les dégâts, le droit de partir en vacances, de vraies vacances, qu’importe sa situation sociale, est plus que jamais à rappeler.Colonies

Extrait de lemonde.fr du 30.06.20

 

« Une nouvelle page de l’histoire des colos s’écrit peut-être »
Entretien Selon l’historien André Rauch, la mission des colonies de vacances prend tout son sens avec la crise sanitaire due au coronavirus. Elles pourraient sortir renforcées de l’été.

La Croix. En tentant d’organiser les vacances d’après le confinement, les colonies feront-elles une sorte de retour aux sources ?

André Rauch : Effectivement, les premières colos sont nées à la fin du XIXe siècle, dans un contexte déjà sanitaire. Il s’agissait de faire prendre l’air de la campagne aux enfants pauvres affaiblis par l’air malsain des villes. Les colos étaient alors des œuvres de charité organisées par les religions ou les municipalités. Cet objectif sanitaire n’a marqué le pas que plus tard, dans les années 1936 à 1938. L’accès aux loisirs est alors devenu la priorité pour les enfants.

Extrait de la-croix.com du 30.06.20

 

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