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10 mois de CP à 12 : Dis-moi (Décryptage), avec une interview de Marc Douaire, OZP. Dossier sur la Formation continue, avec une interview de Patrick Picard (Fenêtres sur cours, 18 juin 2018, n°447)

18 juin 2018

Fenêtres sur cours,
18 juin 2018, n° 447

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10 MOIS DE CP À 12 : DIS-MOI...
Dix mois après la mise en œuvre de la mesure emblématique de dédoublement des CP en REP +, une enquête du SNUipp-FSU permet un premier bilan.

DÉCRYPTAGE
1338 réponses sur 3852 CP dédoublés en REP +, l’enquête menée d’avril à mai par le SNUipp-FSU pour mesurer les premiers effets du « CP à 12 » s’appuie sur un échantillon représentatif. Ses résultats apportent un premier éclairage à la fois sur les conditions dans lesquelles s’est mise en place la « mesure-phare » de Jean-Michel Blanquer et sur les effets de celle-ci sur les pratiques enseignantes et les apprentissages. On se souvient de l’empressement du ministre à donner corps l’été dernier à la promesse du candidat Macron, censée s’attaquer aux inégalités scolaires avec l’objectif ambitieux de 100 % de réussite au CP. Dès la rentrée 2017, les classes de CP sont dédoublées dans les REP +. Non sans mal et sans dégâts collatéraux (voir
ci-contre). 72 % des dispositifs « Plus de maîtres », pourtant largement validés par
les enseignants et de nombreux chercheurs, font les frais de l’opération au mépris des personnels en poste et du travail collectif initié par les équipes. 34 %
des écoles sont confrontées à des problèmes de locaux et 44 % des
enseignants déclarent que des salles ont été supprimées (BCD, RASED,
informatique, arts visuels...) Ces contraintes, qui ne feront qu’augmenter l’an prochain, ont des effets sur l’organisation du dédoublement, imposée pour 37
% des équipes soit par la hiérarchie, soit par la configuration des locaux. Ainsi 18
% des classes se voient obligées de fonctionner à deux enseignants par CP.

UN PILOTAGE SURPLOMBANT
Renforcement des prescriptions, sentiment de dépossession professionnelle, tels sont les principaux reproches exprimés par les enseignants consultés. 53 % d’entre eux sont la cible de recommandations, 23 % d’injonctions de la part de la hiérarchie
concernant le choix des manuels, les contenus d’apprentissage, la mise en place d’évaluations standardisées. 53 % aussi se déclarent stressés par l’objectif affiché du 100 % de réussite. Côté formation, si elle est au rendez-vous pour 69 % des enseignants, elle est imposée dans 93 % des cas indépendamment des besoins qu’ils
expriment et de ce fait se révèle inappropriée pour 35 % d’entre eux.

Ce pilotage surplombant aboutit logiquement au recentrage sur les fondamentaux martelé rue de Grenelle. La lecture à 76 % et les maths à 42 % sont les deux enseignements privilégiés alors qu’entre autres les langues vivantes (38 %), l’EMC (31 %), la musique et les arts visuels (29 %) sont minimisés.

MOINS D’ÉLÈVES, C’EST MIEUX
Autre enseignement de l’enquête, on constate que réduire significativement
les effectifs d’une classe produit de nombreux effets positifs. Pour 84
% des sondés, les interactions entre élèves sont favorisées. Avec des implications
concrètes pour les élèves qui acquièrent les compétences plus rapidement (71
%), pour les enseignants dont les pratiques de classe ont évolué (71 %) et
même pour les familles dont le ressenti est positif (95
%) et avec lesquelles les échanges sont favorisés (66 %). C’est
loin d’être une surprise pour le SNUipp-FSU comme pour l’ensemble des enseignants qui savent bien que les effectifs allégés sont propices à l’amélioration des conditions
d’apprentissage. Pour le syndicat, qui porte ces questions dans les campagnes
#Pas plus de 25, #Pas plus de 20 en EP, ce levier ne doit pas se limiter aux CP et CE1 mais bien se déployer sur l’ensemble des classes.
Une problématique qui traverse aussi l’enquête. Les dédoublements ont eu
des effets sur l’augmentation des effectifs des autres classes (26 %) et 47
% des enseignants ont des inquiétudes sur le retour en grand groupe classe. Celui-ci, différé à la prochaine rentrée avec le dédoublement poursuivi au CE1 en REP+, deviendra incontournable l’année suivante.
PHILIPPE MIQUEL

COMMENT ANALYSEZ-VOUS L’ENQUÊTE DU SNUIPP-FSU ?
Le taux de réponse est significatif. Du côté des enseignants satisfaits de travailler avec des petits effectifs, l’accueil est plutôt favorable comme du côté des élèves qui sont décrits comme plus à l’aise mais aussi plus sollicités. On peut s’interroger toutefois sur leur degré d’autonomie vis à vis des apprentissages. On aurait
pu penser que la petite taille des classes aurait permis de développer des
formes scolaires non-traditionnelles. Le temps important consacré au français -maths
questionne aussi : les élèves de l’éducation prioritaire éloignés des codes scolaires ont besoin de l’ensemble des activités y compris artistiques, culturelles et sportives. Le poids des prescriptions et du 100 % de réussite, des formations imposées renvoie à une forme de caporalisme peu compatible avec le niveau de formation qui est celui
des profs d’école. On peut aussi déplorer la remise en cause du Plus de maîtresqui participait d’une démarche collective à l’échelon de l’école, à la différence de celle du CP à 12 individuelle et centrée sur la classe.

QUEL REGARD PORTEZ-VOUS SUR CE DISPOSITIF DANS LE CADRE GÉNÉRAL
DE L’ÉDUCATION PRIORITAIRE ?
À l’OZP, nous nous félicitons qu’on parle toujours de l’éducation prioritaire quasiment
abandonnée entre 2007 et 2012 et partageons la volonté affichée de
rééquilibrer l’effort vers le premier degré. Mais si on veut aller vers la réussite,
il faut de la continuité avec ce qui a été engagé par la loi de refondation.
C’est pourquoi nous avions demandé que la mise en place du dispositif soit différée d’un an pour se tourner vers les professionnels de terrain et leur laisser l’autonomie pédagogique dans l’utilisation des postes supplémentaires. Les cibler en même
temps sur les CP et CE1 aurait permis par exemple de continuer à travailler en
cycle. A elle seule, la mesure des CP à 12 ne constitue pas une
politique d’éducation prioritaire. Il faut garder l’effort sur la maternelle avec la scolarisation des moins de trois ans, continuer à travailler sur les liaisons école-collège et collège-lycée. Nous demandons que l’ensemble des dispositifs créés depuis 2013 fassent l’objet d’une évaluation dans le cadre d’assises de l’éducation prioritaire associant l’ensemble des équipes.
PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE MIQUEL

Extrait de snuipp.fr du https://www.snuipp.fr/system/resour...

 

AU SOMMAIRE de ce numéro

N°447 juin 2018
Dans ce numéro, un dossier sur la formation continue, essentielle et exsangue, mais également les Inquiétudes sur le devenir des instances paritaires. Des reportages mettent en lumière le travail sur l’écrit dans un CE2 et toute la démarche bio et circuits courts d’une commune. La grande interview évoque "comment ne pas être un prof idéal"... Enfin : décryptage de l’enquête du SNUipp-FSU auprès des enseignants de CP à douze.

- Editorial
Le jusqu’au-boutisme de l’entre soi

- L’enfant
Le qu’en dira-t-on dès cinq ans

- Actualité
Pas touche aux commissions paritaires

- Carrière
La hors classe à la peine

- Trois questions actu
Éric Debarbieux, sur les violences sexistes à l’école

- Grand angle
Mouans-Sartoux, trop bio la cantine

- Métier & pratiques
Décryptage : 10 mois de CP à douze
◦ Laïcité, nouvelle bible
◦ Pauvreté et réussite scolaire
◦ Écrire, même plus peur !
◦ Psychologue à l’école
◦ Questions/réponse

- Lire sortir
Festivals d’été jeune public

- Société
L’école privée ne fait pas de miracles

- Grand entretien
Emmanuelle Piquet : "Comment ne pas être un prof idéal"

Formation continue : on commence quand ?

Dossier réalisé par Francis barbe, Mathilde Blanchard, Pierre Magnetto et Philippe Miquel
7 pages (p.12 à 19)

Le ministre confond animations pédagogiques et formation continue, cette dernière, exsangue, ne répond plus aux questions de métier qui se posent aux enseignants. Dans une école en constante évolution, ceux-ci ont besoin de suivi, d’accompagnement, des apports de la recherche et de mise à jour de leurs connaissances.

p. 18

• A Villeneuve-Saint-Georges (94)
En double mixte
Co-construction et échange de pratiques : un projet de formation entre pairs en REP+

16h40, Fanny Calendini, enseignante de CE1-CE2 à l’école Jules Ferry, déboule essoufflée dans la salle 103 du collège éponyme à Villeneuve-Saint-Georges dans le Val-de-Marne. « On vient de co-animer dans ma classe une séquence sur la multiplication avec Maëlle, la prof de maths et on a débriefé. », lance-t-elle en prenant place autour de la table. Elle vient faire le point sur l’avancement du projet avec Céline Mascarenhas, de la maternelle Paul Vaillant-Couturier, Aurélia Truong-Quang, la formatrice éducation prioritaire du réseau et Antoine Cavalier, prof d’histoire-géo au collège.
Le projet : développer dans ce REP+ une formation inter degrés entre pairs. « L’IEN souhaitait fédérer le réseau au travers d’un échange de pratiques entre les enseignants des différents degrés », explique Aurélia. Une commande institutionnelle, « mais c’est aussi une vraie demande du terrain, on est enfermées dans nos classes, on a besoin de se nourrir de ce qui se fait à côté », complète Céline.
Dans un premier temps, les cinq enseignants sont allés observer des séquences de leurs collègues en maternelle, élémentaire et au collège, les remplacements étant assurés soit par la brigade de la circonscription, soit par les directrices, également mobilisées pour la réalisation de ces échanges. « Pour moi, c’est extrêmement intéressant, de savoir ce qui se fait avant la 6e, on comprend mieux les élèves qui nous arrivent, comment ils ont appris et ce qu’on peut leur proposer pour qu’ils réussissent au collège », souligne Antoine.
Ces observations ont permis de définir les axes de travail que les uns et les autres souhaitent creuser. L’autonomie des élèves par exemple et le travail de groupe qui prend des dimensions différentes selon les cycles. Des binômes élaborent alors des séquences co-animées dans les différentes classes. Chacun y met sa façon d’organiser la classe, ses gestes et sa culture professionnelle.
« La mise en œuvre de ces séances est filmée, précise Aurélia, ce qui permet de revenir sur des situations de classe dont on n’a pas forcément conscience sur le moment. » « C’est à la fois troublant et enrichissant », sourit Antoine. « On voit plein de choses sur nos attitudes, celles de nos élèves. On constate qu’ici, il y a trop d’implicite dans la consigne, qu’on a perdu le groupe mais que là, ça fonctionne bien », relève Fanny. « La collègue de SVT a transféré ce souci de reformulation dans ses classes. » « J’ai partagé une séquence de français dans une classe de 5e, se souvient Céline, mais avec des modalités de travail de la maternelle, en ateliers. » « C’est d’ailleurs cette question de l’aménagement de l’espace que j’ai pu observer en maternelle qu’on va travailler l’année prochaine avec mes collègues de l’élémentaire », renchérit Fanny.
Pour Aurélia, tout est là. Dans le travail sur la continuité pédagogique, dans l’échange de pratiques, sans hiérarchisation des expertises et dans le partage de ressources.

p.19

• Interview de Patrick Picard : « On ne peut pas former sans penser à plusieurs »

POURQUOI L’ENSEIGNEMENT NÉCESSITE-T-IL UNE FORMATION TOUTAU LONG DE LA CARRIÈRE ?
PATRICK PICARD :Parce que c’est un métier, tout simplement. Comme dans tous les métiers, ceux qui travaillent doivent avoir des espaces pour que le collectif professionnel nourrisse la pratique individuelle, avec l’aide de formateurs qui aident à problématiser les enjeux.

QUELS SONT LES ENJEUX DE CETTE FORMATION CONTINUE ?
P. P. : La spécificité du travail enseignant est le stress considérable que provoque la non réussite de tous les élèves, qui impacte le sentiment de décalage entre ce qu’on arrive à faire et ce qu’on aimerait faire. Si ce n’est pas travaillé collectivement, on a un double effet négatif : le système ne progresse pas dans sa capacité à faire réussir les élèves, et les professionnels s’enferment dans la résignation.

LES RÉPONSES APPORTÉES PAR L’INSTITUTION SONT-ELLES ADAPTÉES ?
P.P. : Nous sommes actuellement dans des paradoxes évidents. Le BO de 2015 énonce que les formateurs doivent penser, concevoir, mettre en œuvre, accompagner les collectifs et les individus, mais aussi analyser le réel en l’observant, pour pouvoir évaluer leur action. C’est un texte intéressant. Cela signifie qu’il faut prendre au sérieux la formation de formateurs, qui doivent à la fois être compétents sur plusieurs disciplines de recherche, mais aussi être capables de travailler en collaboration avec plusieurs métiers (enseignants, inspecteurs, coordonnateurs, directeurs, RASED...).
À l’inverse, si l’institution tournait le dos à ces objectifs ambitieux en contraignant fortement les contenus et méthodes de formation, ce serait contre-productif. Si les inspecteurs et les formateurs laissent s’installer une telle dérive, cela éloignera les praticiens de la formation. Dans tous les métiers, on a besoin de stabilité, de confiance, de temps long pour le changement. Quand les prescriptions font du yoyo, cela suscite surtout du désengagement et de la défiance.

COMMENT TRANSFÉRER LES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE VERS LES PRATIQUES DE CLASSE ?
P.P. : Je ne dirais pas « transférer ». La recherche, cela ne veut pas dire grand-chose. Il y a des recherches en psychologie, en pédagogie, en neurosciences, en didactique, en sociologie... qui éclairent le réel de l’activité d’enseignement et d’apprentissage chacune avec leur point de vue. Le travail du formateur, s’il est lui-même aidé par sa formation, c’est d’observer le réel avec attention, avec le moins de jugement possible, de travailler avec les enseignants pour mettre des mots sur les difficultés.
Mais former des professionnels, c’est accepter que plusieurs points de vue soient mis en confrontation, pour surmonter collectivement des contradictions. Le problème n’est pas de choisir entre dictée ou production d’écrit, mais de comprendre à quelles conditions l’une nourrit l’autre, et ce que ça demande aux élèves et aux enseignants. Sinon on tombe dans le dogmatisme, d’où qu’il vienne. C’est le travail de la formation que de confronter le réel au prescrit, de problématiser ce qui est demandé de faire, pour aider à comprendre les gains et pertes de tel ou tel choix pédagogique ou didactique, grâce aux connaissances que les recherches peuvent apporter aux enseignants.
Mais cela demande de l’humilité et beaucoup de savoirs.
Accompagner les enseignants dans la durée, leur proposer des outils utilisables, confronter les vécus ensemble, cela provoque chez les enseignants du plaisir à reprendre la main sur leur travail, lorsqu’ils constatent leur pouvoir de faire réussir les élèves. Le mythe des professionnels qui « résistent » à la formation ou au changement doit être relativisé. Les gens résistent à ce dont ils ne comprennent pas le sens, et ils n’ont pas toujours tort. Très modestement, le Centre Alain-Savary de l’Ifé essaie de proposer des espaces pour la formation et la documentation des formateurs. On ne peut pas former sans penser à plusieurs. La forte augmentation du nombre de personnes qui s’en servent me semble être un indice que les formateurs ont besoin d’espaces pour penser leur travail, pour que la formation soit effectivement un lieu d’interface entre la réalité du métier d’enseignant et les différents savoirs accumulés par la recherche...
Y compris quand cela nourrit des controverses

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N°447 juin 2018

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