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Le bilan législatif 2019 dans le domaine de l’éducation par l’ancien recteur André Legrand (ToutEduc)

3 février 2020

Le bilan législatif 2019 dans le domaine de l’éducation (André Legrand)

Comme l’année dernière (ici), ToutEduc vous propose un bilan législatif des 12 derniers mois, établi par André Legrand, professeur de droit, ancien recteur et directeur d’administration centrale de l’Education nationale.

L’année 2019 a été principalement marquée par le vote de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. Elle apporte des évolutions sensibles dans l’organisation et le fonctionnement du système scolaire. Premier changement significatif : son article 11 (art. L. 131-1 du code) rompt avec une tradition séculaire, en abaissant le début de l’instruction obligatoire à trois ans. Cette mesure ne changera rien aux chiffres de la scolarisation, puisque celle des enfants de trois ans était quasiment généralisée ; mais elle aura des effets juridiques et financiers non négligeables, en imposant désormais aux autorités publiques de financer la prise en charge des enfants concernés dans l’enseignement privé sous contrat. Elle implique aussi un renforcement du contrôle exercé sur les familles pour le respect de l’obligation d’instruction par le maire et par les autorités de l’EN, prévu par les articles 19 et svts de la loi.

Plusieurs textes réglementaires, pris le 2 août 2019, tirent les conséquences de ces évolutions : le décret n° 2019-824 d’abord, qui fixe à treize ans au lieu de dix la durée de la scolarité obligatoire. Un aménagement peut cependant être apporté au temps de présence à l’école maternelle des enfants scolarisés en petite section (art. 14 de la loi, L. 131-7 du code) : le décret n° 2019-826 (art. R. 131-1-1 du code) en définit les modalités et prévoit qu’il est accordé par l’IEN de circonscription à la demande des responsables de l’enfant. Par ailleurs, le décret n° 2019-823 adapte les règles relatives au contrôle de l’instruction dispensée dans la famille ou dans les établissements privés hors contrat ; il rappelle l’obligation de maîtrise de l’ensemble des exigences du socle commun à la fin de la scolarité et confie au DASEN le soin d’organiser les contrôles périodiques et d’en tirer les conséquences. Enfin, les deux décrets n° 2019-822 et 2019-825 déterminent les modalités du contrôle s’exerçant sur les jardins d’enfants, puisque l’article 11 de la loi autorise à titre dérogatoire la scolarisation en leur sein : le premier étend aux directeurs de ces établissements l’obligation de contrôle de l’obligation d’instruction et les oblige à rendre compte au DASEN et au maire ; le second assimile ces structures aux établissements privés hors contrat pour ce qui est du contrôle du contenu des connaissances requis.

En apparence, la loi ne touche pas à l’autre extrémité de l’instruction obligatoire, qui reste fixée à seize ans. Mais, dans son article 16 (art. L. 141-1 du code), elle consacre de facto la prolongation, en affirmant désormais une obligation de formation pour tous les jeunes de 16 à 18 ans. L’idée n’est pas nouvelle ; l’est cependant le fait d’en faire un véritable droit, qui doit permettre, pour chaque jeune entre 16 et 18 ans, d’intégrer un parcours adapté à ses besoins pour favoriser son insertion professionnelle et sociale et lutter contre le décrochage : droit pour les jeunes, mais obligation pour les pouvoirs publics, chargés, via les missions locales, de contrôler le respect de l’exigence nouvelle, de leur proposer un accompagnement adapté grâce à un entretien de situation.

La seconde évolution importante apportée par la loi concerne l’organisation de la formation des enseignants. L’article 44 de la loi transforme les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) en Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE). L’apparition de l’adjectif « nationaux » tend à répondre au reproche d’hétérogénéité et d’inégalité de la qualité adressé à la formation dans les ESPE.

Malgré les craintes des organisations syndicales qui dénoncent une volonté de reprise en mains, la nouvelle organisation affirme clairement la volonté de rendre une capacité d’influence au futur employeur : influence sur le contenu de la formation, qui s’appuie sur "une matrice nationale" et un référentiel national de formation. Cette volonté se marque aussi par le changement du mode de désignation du directeur, qui cesse d’être élu par le conseil de l’école, mais est désormais nommé par arrêté conjoint des ministres chargés de l’éducation et de l’enseignement supérieur, après simple audition des candidats par un comité coprésidé par le recteur et le président de l’université de rattachement et comprenant le président du conseil de l’institut.

Ces mesures s’accompagnent d’une réforme ambitieuse du pré-recrutement, qui donne lieu à la signature d’un contrat répondant à un double objectif professionnel et social, en renforçant, dès la première année, le dispositif d’accompagnement des futurs candidats et en leur permettant de toucher un véritable salaire dès leur deuxième année d’université. Cette modification des conditions d’entrée dans la profession enseignante a aussi entraîné une réflexion sur la place du concours. Rompant avec les demi-mesures qui caractérisaient cette question depuis la création des IUFM, les ministres ont décidé de retenir, à partir de 2022, la solution du déplacement en fin de M2.

Pour le reste, la loi consacre aussi l’importance attachée, depuis plusieurs années, à diverses préoccupations sociales, qui se traduiront à la fois dans l’évolution des contenus d’enseignement et dans l’organisation de la vie scolaire ; elle insiste, dans son article 9 (art. L. 312-19 du code), sur l’importance de l’éducation au développement durable, qui doit commencer dès l’école primaire et permettre la transmission et l’acquisition des savoirs et des connaissances relatifs à la nature, à la préservation de la biodiversité, à la compréhension de l’impact des activités humaines sur les ressources naturelles et à la lutte contre le réchauffement climatique. Dans son article 5, il souligne l’importance de la lutte contre les phénomènes de harcèlement, en prohibant leur exercice entre élèves (art. L. 511-3-1 du code). Cette disposition tend à donner une assise légale aux diverses actions menées par le ministère dans ce domaine, qui devrait d’ailleurs s’étoffer. Par ailleurs, l’art. 10 de la loi (art. L. 141-5-2 du code) exige la protection de la liberté de conscience des élèves et sanctionne les pressions exercées sur celle-ci et les tentatives d’endoctrinement.

Le chapitre IV de la loi consacre le principe de l’École inclusive : l’idée n’est, là non plus nouvelle, mais elle trouve dans la loi une importance et une cohérence nouvelles. La loi vise à améliorer les conditions de l’accompagnement des élèves en situation de handicap, en intégrant en particulier leurs accompagnants (AESH) à la communauté éducative. Ces derniers seront recrutés par contrat à durée déterminée de trois ans minimum, renouvelable une fois avant transformation en contrat à durée indéterminée. L’éducation nationale et les collectivités territoriales peuvent s’associer par convention en vue d’un recrutement commun d’accompagnants, pour leur permettre d’augmenter leur temps de travail moyen et faciliter la continuité entre les temps scolaire et périscolaire. Leur formation est améliorée.

La loi crée par ailleurs, dans l’enseignement public et privé sous contrat, des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), visant à améliorer la coordination des aides (humaines, éducatives et thérapeutiques) pour mieux prendre en compte l’évolution des besoins des élèves accompagnés, les évènements scolaires (périodes de stage, sorties, voyages) et les aléas de gestion.

L’art. 29 de la loi précise que la santé s’entend tant dans ses aspects physiques que psychiques et son article 13 (art. L. 541-1 du code) instaure une nouvelle visite obligatoire, organisée à l’école, pour les enfants de trois à quatre ans et axée sur les troubles sensoriels, psychologiques, staturo-pondéraux ou neuro-développementaux, en particulier du langage oral : elle ne remet pas en cause la visite organisée pour les enfants de cinq à six ans comportant un dépistage des troubles spécifiques du langage et des apprentissages.

Les préoccupations d’évaluation de la performance du système scolaire ont fait leur apparition au cours des années 80 et trouvé leur première consécration législative dans la loi Jospin de 1989. Elles avaient entraîné la mise en place de Conseils dont la vie a été marquée par la plus grande instabilité au gré des alternances politiques : les mises en place successives du Haut conseil de l’évaluation de l’école (2000), du Haut conseil de l’école (2005), du Conseil national de l’évaluation du système scolaire (CNESCO – 2012) ont jalonné un parcours marqué au coin de créations et de suppressions périodiques. La loi de 2019 s’inscrit dans cette évolution, en supprimant le CNESCO dans son article 40 (art. L. 241-12 et svts du code), malgré les avis très favorables qui avaient salué son activité, et en le remplaçant par un nouveau Conseil d’évaluation de l’école (CEE).

Là encore, les évaluations des établissements secondaires ne constituent pas une nouveauté : la prise en compte du facteur établissement dans le déroulement de la scolarité date de l’ère Giscard et les premières évaluations organisées à l’échelle nationale ont été mises en place sous Savary, sous la houlette de Claude Seibel. Mais on sait l’insistance que Jean-Michel Blanquer a mise sur cette procédure dès son arrivée au ministère, pour en faire un instrument de conduite et de contrôle de la scolarité. La loi fait du nouveau conseil un outil de la cohérence entre toutes les évaluations de l’enseignement scolaire, tant pour évaluer les acquis des élèves que les établissements ou les dispositifs éducatifs.

Placé auprès du ministre de l’éducation nationale, le CEE se compose, outre son président nommé par le Président de la République, de treize membres de nationalité française ou étrangère, à parité d’hommes et de femmes, dont six choisies pour leur compétence, quatre parlementaires et trois représentants du MEN. Il transmet chaque année son programme de travail au ministre chargé de l’Éducation nationale. Ce programme est rendu public, comme ses avis, ses recommandations et ses rapports.

La loi n° 2019-828 du 6 juin 2019 de transformation de la fonction publique s’applique aux fonctionnaires de l’éducation nationale. C’est le cas des nouvelles règles concernant le fonctionnement des CAP, fixées par le décret n° 2019-1265 du 29 novembre 2019 relatif aux lignes directrices de gestion et à l’évolution des attributions des CAP, qui, pour l’essentiel, prévoit la mise en place de lignes directrices de gestion définissant la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines, les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours professionnels et les orientations générales en matière de mobilité et supprime la consultation des CAP en matière de mobilité, de promotion et d’avancement au sein des textes réglementaires applicables. L’annexe du décret maintient l’essentiel des corps de l’EN dans la liste de ceux pour lesquels l’administration peut procéder à un classement préalable des demandes de mutation à l’aide d’un barème rendu public.

On notera aussi, même si leur incidence sur l’Education nationale risque d’être limitée les deux décrets n° 2019-1201 du 29 novembre 2019 fixant les emplois supérieurs pour lesquels la nomination est laissée à la discrétion du gouvernement et n° 2019-1594 du 31 décembre 2019 relatif aux emplois de direction de l’Etat.

Enfin, même si elle utilise un procédé réglementaire, on ne manquera pas de citer, dans la mesure où elle intervient dans le domaine législatif, l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019, qui traite de cette forme spécifique d’éducation qu’est l’éducation surveillée. Prise sur le fondement de l’habilitation accordée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de réforme pour la justice, elle abroge la vieille ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. La ministre de la justice reprochait à ce texte le sentiment d’incohérence et d’illisibilité qu’il suscitait à la suite de la quarantaine de modifications qu’il avait subies depuis son émission.

Le nouveau code de justice pénale des mineurs, qui s’y substitue, maintient plusieurs principes fondamentaux qui inspiraient l’ordonnance de 45 : d’abord l’idée de la primauté de l’éducatif sur le répressif, qui impose de rechercher le relèvement éducatif et moral des mineurs par des mesures adaptées à leur personnalité et à leur âge. La priorité est donnée à l’action éducative, une peine n’étant prononcée que si la mesure éducative est insuffisante. Le code maintient l’âge de la majorité pénale à 18 ans et laisse subsister l’atténuation de responsabilité : la sanction encourue est fonction de l’âge du mineur au moment des faits. Il conserve enfin le principe de la spécialisation de la justice des mineurs, qui impose que les mineurs soient jugés par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriés.

Ce qui change, c’est d’abord l’établissement d’une présomption de non-discernement pour les enfants de moins de treize ans, inspirée par la Convention internationale des droits de l’enfant. Ce n’est qu’une présomption qui peut être renversée par le juge. Mais, en principe, en dessous de cet âge, les enfants ne peuvent être soumis qu’à des mesures d’assistance ou d’éducation judiciaires, accompagnements individualisés construits à partir d’une évaluation de leur situation personnelle, familiale, sanitaire et sociale du mineur, qui vise sa protection, son assistance, son éducation, son insertion et son accès aux soins.

Par ailleurs, une nouvelle mesure unique, la mise à l’épreuve éducative remplace les dispositifs existants : après avoir été déclaré coupable, déclaration qui doit désormais intervenir en présence des parents dans un délai de trois mois, le mineur est suivi par un éducateur, sous le contrôle du juge, pendant une durée de six à neuf mois. La mesure peut être assortie de modules cadrant le travail éducatif. Le module de placement permet de confier le mineur à un membre de sa famille ou à une personne digne de confiance, à un établissement de la protection judiciaire de la jeunesse ou à un établissement habilité ; le module d’insertion permet un accueil de jour, un placement en internat scolaire ou dans un établissement habilité d’enseignement ou de formation ; le module de prise en charge en matière de santé permet d’orienter le mineur vers une prise en charge sanitaire, un placement en établissement de santé ou un placement dans un établissement médico-social ; le module de réparation de l’infraction consiste en une activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la société ; il peut également consister en une activité de médiation entre le mineur et la victime. Les centres éducatifs fermés subsistent.

L’entrée en vigueur de la réforme est prévue pour le 1er octobre 2020. En attendant, la garde des sceaux a déposé sur le bureau de l’AN, le 30 octobre 2019, un projet de loi de ratification (n° 2367 AN) qui permettra au Parlement de réexaminer le texte du code et, éventuellement, de le modifier à loisir.
André Legrand

Extrait de touteduc.fr du 29.01.20

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