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Formation des enseignants, référentiel, autoévaluation formative, collaboration..., interventions au colloque "Quels professeurs au XXIe siècle ?" (le Café, ToutEduc)

3 décembre 2020

Additif du 03.12.20
Colloque scientifique
Quels professeurs au XXIe siècle ?
L’enregistrement vidéo intégral (9:18:09)

 
Grenelle : Un colloque pour modifier la carrière des enseignants
A quoi reconnait-on le "professeur du 21ème siècle" ? A sa rémunération personnalisée et sa soumission à un référentiel pointilleux et hiérarchisé, si l’on en croit les présentations du colloque organisé le 1er décembre par le Conseil scientifique de l’éducation nationale. En écartant les sciences de l’éducation et les sociologues de l’éducation, le colloque, piloté par Yann Algan et Stanislas Dehaene, mélange économie, psychologie positive et neurosciences pour proposer un modèle de carrière qui rappelle Singapour.

"En intervenant sur les élèves les professeurs peuvent modifier le sentiment de confiance des élèves et améliorer leur santé", explique S. Dehaene, président du CSEN en ouvrant le colloque. "Le professeur de musique peut modifier le cerveau de l’élève". En fait tout le colloque va tourner autour de deux thèmes : la promotion des compétences socio comportementales et le pilotage du système et de la carrière des enseignants par la formation.

Il n’a pas évité les surprises. La première est arrivée très vite quand Elise Huillery, professeure d’économie à Dauphine, montre que les dispositifs mis en place par JM BLanquer, les dédoublements de Cp Ce1, les internats d’excellence sont très couteux et ont une efficacité faible. On le savait mais c’est intéressant qu’un colloque ministériel l’entende. Pour E Huillery les élèves accordent une importance démesurée à l’importance de l’origine sociale dans la réussite scolaire. Une bonne action de soutien type coaching peut faire aussi bien que les dédoublements mais pour beaucoup moins cher. Céline Darnon suit le même raisonnement. "C’est très difficile d’agir sur les inégalités sociales " mais on peut réduire les écarts en agissant par des interventions psychosociales" : en agissant sur "l’intégrité du soi" par exemple.

La seconde table ronde est le point d’orgue de la journée. Elle traite de la formation. Le sujet a été traité longuement récemment par le Cnesco qui a montré comment le thème du développement professionnel des enseignants peut être utilisé pour installer un controle étroit des enseignants. C’est le modèle que Franck Ramus va proposer. Pour lui le référentiel de compétences des enseignants doit retrouver "toute sa place", c’est à dire diriger les formations et la carrière.

Sous prétexte que le référentiel français est mal présenté et peu clair, il propose un autre référentiel , inspiré de celui d’Australie. 7 compétences seulement mais déclinées en 4 niveaux.

Plus que l’Australie, c’est le modèle singapourien qui vient à l’esprit. Des enseignants qui sont classés selon les formation suivies et qui surveillent et évaluent les collègues ne dessous d’eux. Pour F Ramus, "la France est un pays où les enseignants se sentent seuls. Dans les autres pays, les chefs d’établissement passent dans les classes... Dans la plupart des pays ils sont le principal maître à bord. Ils sont responsables du recrutement et de l’évaluation des enseignants".

Une des idées de F Ramus, sera validée par le ministre en fin de journée. JM Blanquer estime que lier l’enseignement en CP à une certification avec un effet sur le salaire est une bonne chose.

F Jarraud

 

Il faut pour les enseignants "un référentiel de compétences entièrement rénové" (Frank Ramus - colloque "Quels professeurs au xxième siècle ?")

Face à la crise de recrutement des enseignants, Alain Frugière, le président du réseau des INSP, affirme qu’au-delà de la revalorisation salariale, "il faut redonner la passion du métier d’enseignant aux jeunes, leur donner le goût d’apprendre, il faut du temps pour former un enseignant, c’est un cursus qui doit s’inscrire dans la durée". Intervenant, ce 1er décembre, dans le cadre du colloque "quels professeurs au XXIe siècle", sur la formation initiale des enseignants, il a insisté sur "l’indispensable alternance entre les temps de formation universitaire et la présence devant les élèves" sur "les nécessaires compétences disciplinaires accompagnées de formations didactiques et psychologiques" ainsi que sur "le lien nécessaire avec les évolutions de la recherche".

Ce lien avec la recherche, Elena Pasquinelli, chercheuse en philosophie et en sciences cognitives à l’ENS, le juge tout aussi indispensable "à condition d’impliquer les enseignants". Présentant les principes de la recherche translationnelle appliquée à l’éducation, elle a précisé qu’il fallait "sélectionner les interventions des chercheurs et viser des applications qui partent des besoins réels des acteurs. C’est une co-construction entre les chercheurs et les enseignants et les enseignants entre eux". Elle affirme que "cette méthode améliore l’image que les enseignants ont d’eux-mêmes". Abordant le nécessaire esprit critique que les enseignants doivent transmettre à leurs élèves, elle constate que le rôle de l’enseignant est d’aider à distinguer le vrai du faux dans la masse d’informations reçues : "Ce n’est pas seulement un médiateur mais un guide et souvent un guide de haute montagne !"

Frank Ramus, professeur en sciences cognitives à l’ENS, a insisté sur l’importance du référentiel de compétences du métier d’enseignant qu’il juge "un peu oublié" et surtout "illisible, mal présenté et peu mémorisable". Le bon exemple étant, selon lui, le référentiel australien structuré en trois grandes parties : compétences professionnelles, pratique professionnelles et engagement professionnel, chaque partie étant ensuite subdivisée en sous-partie. Il commente : "C’est clair, tout le monde est capable de comprendre et ils n’oublieront plus jamais !". Il souhaite "redonner toute sa place à un référentiel de compétence entièrement rénové avec plusieurs niveaux qui pourraient marquer une progression dans la carrière et être une incitation à la formation continue".

Colette Pâris

Extrait de touteduc.fr du 01.12.20

 

Collaborer grâce à l’auto-évaluation, en enseignant conjointement, en participant à la décision... : des évolutions débattues au colloque "Quels professeurs au XXIe siècle ?

Développer la capacité coopérative au travers d’une évaluation et d’une autoévaluation "formative" qui doit devenir "un processus continu" pour permettre la "réussite collective", développer via des outils adaptés, tels que l’apprentissage du leadership, la culture de l’autonomie et apprendre aux établissements à se saisir des compétences dont ils disposent, développer l’enseignement conjoint dans la classe ou d’autres formes de collaborations (prise de décision, formation d’autres enseignants)... telles sont quelques-unes des "transformations" qui ont été identifiées comme intéressantes à mettre en œuvre en France par des intervenants à une table ronde du colloque "Quels professeurs au XXIe siècle ?". Ceux-ci étaient été invités, hier mardi 1er décembre 2020 à l’occasion d’une table ronde organisée sur le thème "Les gouvernances des systèmes éducatifs à l’épreuve, pour quelles transformations ?", à imaginer comment l’on pourrait "permettre aux professeurs d’assurer au mieux leurs missions, d’évoluer dans des parcours professionnels valorisants, et dans des modes d’organisation de l’École pensés au service d’un collectif".

Viser davantage d’autonomie dans les établissements a été au cœur de la plupart des interventions. Car si, comme le soulignait en introduction Marc Foucault, le secrétaire général de l’atelier "Déconcentration et autonomie" du Grenelle de l’éducation, "la France offre traditionnellement peu d’autonomie aux établissements", en même temps, "quand ils en ont un peu, ils ne s’en servent pas, pourquoi ?" Pour cet inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, il s’agit ici "d’un grand défi en France, conjuguer une certaine centralisation – égalité républicaine - et autonomie de l’établissement - culture et collectif -". Si l’IGESR apporte des débuts d’explications à ce manque d’initiative (un "vertical omniprésent" qui rend difficile l’introduction de "pratiques et d’une culture de l’horizontalité" et une "forte indépendance pédagogique des enseignants" qui donne "l’illusion d’une autonomie fonctionnelle" alors que le professeur fera au final "sans empiéter sur son collègue" et "sans collaboration"), il avance quelques pistes pour développer "une culture de l’autonomie" car celle-ci, dit-il, ne "se fait pas en claquant des doigts". Cela passe, entre autres, par la formation, l’apprentissage du leadership mais également par la "stabilité des équipes". Mais c’est néanmoins, selon lui, l’évaluation qui est "moteur sur ce sujet".

Évaluation "formative" pour développer la "capacité coopérative" ?

À ce titre, Béatrice Gille, la présidente du Conseil d’évaluation de l’École (France), a présenté les grands principes et les attentes qui sous-tendent à la mise en œuvre de l’évaluation externe et l’autoévaluation des établissements, rendues obligatoires par la loi du 26 juillet 2019. Les principes retenus par le CEE s’inspirent, explique-t-elle, d’ "expériences internationales et de leurs résultats" : une autoévaluation et une évaluation externe des choix opérés par l’établissement, un examen systémique de l’établissement, la participation "de tous" à cette évaluation, y compris parents et élèves, la restitution et la diffusion de l’évaluation externe dans l’établissement et l’élaboration, à la fin, d’un projet d’établissement qui comprendra orientations stratégiques, mais également plan de formation et de développement professionnel non "global" mais dont "le centre de gravité se rapproche de l’établissement".

Cette évaluation "formative" doit être surtout l’occasion d’augmenter la "capacité coopérative" et de "construire ensemble une représentation partagée [du] service public". Car elle permettra, estime-t-elle, de "concevoir en commun objectifs, outils à partager et actions", "de redéfinir les règles communes et d’augmenter le sentiment d’appartenance qui permet à une communauté de se rassembler et se projeter". Quant à l’auto-évaluation plus précisément, elle devrait avoir notamment la vertu, selon la présidente du CEE, de permettre aux enseignants qui "ne sont pas habitués à se regarder et se montrer", à le faire "sans crainte", ce qui permettrait de "renforcer la collaboration à finalité pédagogique, très peu développée même chez ceux qui disent le faire". La recherche aurait, selon elle montré une "efficacité avérée des démarches d’auto-évaluation" : "une utilisation des données qui permet l’amélioration d’objectifs donnés et la priorisation de ceux-ci", de "mieux comprendre son contexte et les choix opérés" et "une amélioration durable de l’école avec une augmentation des résultats des élèves". Mais pour que la démarche soit efficace, le CEE attend, non pas que cette action d’évaluation soit réduite au délai de 5 ans stipulé par la loi, donc à une action ponctuelle, mais que cela "devienne un processus continu et une habitude récurrente".

Au final, cette évaluation devrait être, estime encore Béatrice Gille, au service d’ "une amélioration des conditions de la réussite collective" et pourrait constituer une réponse à la dégradation du sentiment d’auto-efficacité des enseignants français observée entre 2013 et 2018 (entre 2 enquêtes TALIS, Teaching And Learning International Survey), et ce de façon bien plus importante que chez leurs collègues européens.

Aider dans une école où il y a des difficultés, enseigner conjointement, former d’autres profs...

Pour le directeur de l’Éducation et des Compétences de l’OCDE, Andreas Schleicher, l’une des principales évolutions à introduire est aussi le développement de la collaboration mais par le biais d’autres transformations. Il cite l’exemple de la Chine qui a su changer son mode de gouvernance pour faire entrer les enseignants dans cette logique de collaboration "essentielle". Là-bas, pour devenir chef d’établissement, il faut d’abord aller dans un établissement difficile : "tu veux devenir principal ? D’abord aide-nous à aider une école où il y a des difficultés." Il plaide également à ce titre pour l’enseignement conjoint dans une même classe parce que cela donne aux enseignants "l’impression d’être efficaces", et qu’ils osent user ensuite davantage de pratiques professionnelles considérées comme efficaces, ce qui entraîne "une satisfaction professionnelle". Enfin, concernant la gouvernance, il s’étonne qu’en France 1 décision sur 10 soit prise dans l’école contre 9 sur 10 aux Pays-Bas. Certes "ils ne savent pas le faire, mais si on leur dit tous les jours de faire cuire des hamburgers, ils ne deviendront pas des masterchefs !". À tous ces titres, il cite aussi le cas "très intéressant" de Singapour où les enseignants passent beaucoup de temps à faire de la recherche, à faire de la "politique" et enseignent à d’autres professeurs.

Enfin, pour celui-ci la transformation en France passe aussi par une autre manière d’aborder le temps et la façon d’enseigner. Andreas Schleicher insiste sur l’importance, non pas du temps d’apprentissage passé à l’école, "qui n’est pas un facteur déterminant", mais sur celle d’insuffler aux élèves un "état d’esprit". "Bien apprendre" passe selon lui par un "engagement intellectuel". Il donne l’exemple des 36 h passées à l’école en Finlande contre le double, 60 h, dans les États Arabes Unis, "où ils n’apprennent pas plus". Pour lui, le plus important c’est que les enseignants français parviennent "à faire passer cet esprit de progrès aux élèves" car ils prennent ainsi confiance en leurs capacités cognitives. Il faut aussi privilégier "l’activation cognitive", par des tâches qui donnent aux élèves l’occasion de "penser de manière critique", alors qu’aujourd’hui "les enseignants français sont très forts dans les consignes" mais seulement la moitié disent donner à leurs élèves des tâches de ce type. "On voudra moins apprendre mais apprendre avec une plus grande profondeur", poursuit-il.

Enfin, pour lui, au-delà d’une nécessaire revalorisation des rémunérations, "il faut rendre l’enseignement plus attirant intellectuellement et socialement" et tendre vers un "système hybride" qui permettrait interactivité, simulations, adaptation des rythmes d’apprentissage pour avancer et s’éloigner du principe des examens finaux.

Camille Pons

Extrait de touteduc.fr du 02.12.20

 

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