> VIII- POLITIQUE EDUCATIVE DE LA VILLE > Politique de la Ville (Types de documents) > Politique Ville (Etudes) > "Qu’est ce qui soutient les élèves ?" Une étude universitaire collective (...)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

"Qu’est ce qui soutient les élèves ?" Une étude universitaire collective sur quelques établissements, dont des internats d’excellence et des microlycées (3 comptes rendus détaillés : Centre Alain Savary, Café pédagogique, Tout Educ, et interview de Patrick Rayou)

15 février 2016

Sous la responsabilité de Dominique Glasman et Patrick Rayou, une équipe de recherche vient de proposer de nouvelles pistes à partir de plusieurs enquêtes réalisées soit dans des établissements « ordinaires », soit dans des dispositifs plus spécifiques, avec le soutien du CGET (commissariat général à l’égalité des territoires) et du Centre Alain-Savary – IFÉ. [...]

[...] Voir en bas de l’article les liens "Télécharger le rapport (100 pages)" et "Télécharger le résumé du rapport "29 pages)"

Extrait de centre-alain-savary.ens-lyon.fr : Ce qui soutient les élèves

 

Qu’est ce qui permet de faire réussir des élèves qui jusque là ne réussissaient pas ? Partant de l’analyse des dispositifs utilisés dans des structure expérimentales, comme les internats d’excellence ou des micro lycées, une étude diligentée par l’Ifé, le Commissariat à l’égalité des territoires et l’Acsé, élargit la question à celle du soutien aux élèves. L’ouvrage, où on retrouve des auteurs comme D Glasman, P Rayou, ou E Bautier par exemple, démonte avec lucidité les résultats, succès comme échecs, de ces structures. Il en découle des "invariants" du soutien scolaire et surtout une réflexion profonde sur l’aide. Une leçon qui s’adrese à tous les établissements et qui invite à un nouvel équilibre entre ce qui relève de la bienveillance, du culturel et du cognitif.

" Comment se fait-il que des jeunes, que l’on pouvait croire promis, dans le meilleur des cas, à une filière courte, à-l’apprentissage-d’un-métier-puisque-l’école-ne-les-intéresse-pas (pour reprendre un leitmotiv volontiers repris dans l’institution et les salles de professeurs), retrouvent ou trouvent enfin de l’intérêt à apprendre, se révèlent à eux-mêmes dans leurs désirs et leurs projets, découvrent que l’école pour cela a des choses à leur apporter, et qu’une part d’entre eux parvient à en saisir suffisamment les codes pour affronter avec succès les épreuves d’un examen ?" La question de départ de cette étude intéresse finalement tous les établissements scolaires.

Mais l’étude porte sur un petit nombre d’établissements expérimentaux : les internats d’excellence lancés sous N Sarkozy et quelques collèges et lycées particulier comme un micro lycée francilien ou le collège lycée Freinet. L’idée de départ est de chercher ce qui fait que ces établissements remettent sur les rails de la réussite scolaire des jeunes en échec voire en abandon de l’école. " Notre ambition est de faire émerger, de tous ces terrains divers dans lesquels des enseignants se mobilisent, dans lesquels des équipes s’engagent, dans lesquels des moyens sont fournis ou inventés, des processus qui permettent de comprendre la réussite des élèves. Pas tant des « facteurs » de réussite que leur combinaison féconde dans des configurations locales très différentes, combinaison dont on espère pouvoir tirer des enseignements plus généraux".

Des pédagogies plus classiques qu’attendu
Mais tout de suite, les auteurs nuancent leur recherche. D’abord en montrant qu’on ne saurait réduire la réussite scolaire au succès aux examens. Par exemple des décrocheurs endurcis peuvent retrouver confiance en micro lycée et quitter la structure avant l’examen. Autre nuance : il apparait que la réussite de ces dispositifs n’est aps sans lien avec la catégorie sociale de l’élève. Ainsi au micro-lycée, " les élèves les plus susceptibles de réussir un bac général sont plutôt ceux que l’on pourrait désigner sous le terme de « décrocheurs paradoxaux », c’est-à-dire de jeunes qui, bien que disposant d’un « background » social et culturel tout à fait en phase avec les attentes explicites et implicites de l’école, ont un temps rompu avec l’institution scolaire avant d’y revenir via le ML". Au lycée Freinet, les taux de réussite sont en deça des attendus académiques.

D’où la nécessité d’aller voir de plus près les dispositifs utilisés dans ces structures. " Contrairement à l’idée que l’on aurait tendance à s’en faire au vu de leur caractère expérimental ou un peu hors-norme, ces établissements ne se caractérisent pas - à première vue - par une forte innovation sur le plan des formes d’enseignement proposées aux élèves. Dans l’ensemble, la structuration didactique des cours que nous avons pu observer est « classique » et s’inscrit dans la logique de transmission du « processus enseigner » dans le registre du « cours dialogué »", dit le rapport. Mais il y a davantage de travail interdisciplinaire et surtout bien plus d’attention à l’élève.

Dans les soutiens aux élèves, ces établissements utilisent des outils classiques : des aides au travail, par exemple le tutorat, de l’ouverture culturelle, un accompagnement personnalisé, le tout assaisonné d’un bon niveau d’exigence. Il n’y a pas "d’innovation radicale" sur le plan des formes pédagogiques mais il y a par contre un souci poussé de la réparation et du climat scolaire.

Lutter contre la pensée magique
On entre ainsi dans la partie la plus intéressante de l’étude qui lui donne sa valeur universelle. Les auteurs entreprennent de démonter les dispositifs utilisés et même les représentations des enseignants, qui s’avèrent somme toute assez classiques.
" Les équipes que nous avons rencontrées partagent souvent une conception de la réussite des élèves et de l’aide à leur apporter basée sur quelques principes. Tout d’abord, une double logique semble guider leur action, celle selon laquelle « si l’élève travaille plus, il va réussir mieux » et celle selon laquelle « pour que l’élève travaille plus et mieux il doit être réconcilié, heureux en confiance avec l’activité scolaire »." C’est l’idée que " Si on offre du soutien, les élèves vont progresser et c’est ce que l’on cherche ".

Mais ce qu’observent les auteurs c’est que " les élèves auxquels les dispositifs sont les mieux adaptés sont ceux qui ont le moins besoin d’aide, sont les plus autonomes et les plus au clair sur ce qu’ils dominent et ce qu’ils ne dominent pas". Car les auteurs y voient une forme de pensée magique : " cette conception pourrait bien reposer sur l’idée d’un « effet magique du soutien », où les savoirs et l’entrée dans ces derniers, ainsi que les liens et les tissages entre les différents registres vont de soi... À l’épreuve des faits, la réalité n’est pas si simple et les soutiens offerts sont tour à tour détournés, délaissés, mobilisés et dans ces différentes configurations, on peut se demander si est soutenu ce qu’on pense avoir soutenu ou à l’inverse tout autre chose". On retrouve dans cette analyse l’écho des travaux sur les malentendus et la nécessité d’expliciter les enseignements.

Pas de "bonnes pratiques"
Quelle leçons en tirent les auteurs ? D’abord l’idée que le soutien passe par trois dimensions : une dimension cognitive, une dimension culturelle et enfin quelque chose qui relève de l’identitaire et de l’épanouissement. " Nos analyses présentes et précédentes ont mis au jour que les trois registres identifiés sont simultanément en jeu dans les apprentissages, ce qui nous conduit à refuser des approches unilatérales dont chacune est absolument nécessaire, mais également non suffisante. Comme dans le cas de la souffrance au travail, le choix n’est pas entre la réponse standardisée ou le « coussin compassionnel » , mais dans des façons d’assurer la consistance de chacun des registres ainsi que leur collaboration efficace.
Nous voyons ainsi que ni les aides méthodologiques « hors-sol », ni la compassion face aux identités blessées par la compétition scolaire, ni les apports d’une culture supposée générale ne permettent des progressions qui, spontanément, rendent cognitivement habile, autonome dans ses projets et émancipé par les savoirs.
Les transferts ne se produisent pas spontanément au sein des registres : on n’acquiert des méthodes, une culture générale, une autonomie qu’en surmontant des épreuves toujours singulières et en développant à cette occasion des dispositions qui se généralisent et se stabilisent... Les soutiens les plus efficaces sont ceux qui ne laissent de côté aucune de ces dimensions ".

" L’action des établissements et de leurs acteurs lorsqu’elle vise à motiver ou remotiver leurs élèves ne nous a pas paru suffisante pour leur assurer de réelles progressions dans les apprentissages", poursuivent les auteurs. "Le sentiment d’être motivé peut en effet être assez illusoire et confiner à une pensée magique incapable de faire soutenir un effort dans la durée.
Une approche en termes de ressources à mobiliser semble plus opportune au sens où elle insiste sur l’action à accomplir et sur les réalités extérieures aux personnes et avec lesquelles il faut composer. Les dispositifs de soutien la rendent possible, précisément parce qu’ils mettent explicitement à disposition de quoi construire ses apprentissages.
Mais une deuxième illusion guette, celle selon laquelle le seul fait de les offrir suffirait. Même destinés à des jeunes, ils sont souvent en effet conçus dans des logiques institutionnelles qui ne prennent pas spontanément en compte les processus d’apprentissage qu’ils veulent favoriser. Nulle part leur présence n’est à elle seule garante d’un soutien aux élèves."

Pour les auteurs cela écarte toute idée de "bonne pratique" transposable dans un autre établissement. " Seuls des collectifs, eux-mêmes mobilisés, sont susceptibles de proposer des types de soutiens adaptés à des visées de réussite, à des profils d’élèves, à des contextes d’établissements, à en expliciter pour les élèves les caractéristiques et les avantages, à ne pas perdre de vue, à travers toutes les dimensions qu’ils impliquent, les bénéfices scolaires escomptés, même si des bénéfices éducatifs plus larges peuvent aussi en être attendus."

"Notre intention n’est surtout pas de culpabiliser ou décourager des équipes qui se trouveraient concernées par notre double mise en question d’une bienveillance qui laisse au second plan les savoirs et leurs enjeux ou d’une exigence académique oublieuse des élèves réels", écrivent finalement les auteurs. Ils concluent en ouvrant des perspectives. "Bienveillance et exigence nous semblent en effet les composantes nécessaires de l’éducation... Mais nous proposons un moyen terme pour qu’elles ne mènent pas une existence séparée en préconisant une « considération » qui, entre éthique de l’éducabilité et respect des normes de l’apprendre, prenne en compte toutes les facettes des apprentissages."

François Jarraud

L’étude

Extrait de cafepedagogique.net du 12.02.16 : Qu’est-ce qui soutient les élèves ?

 

Il ne suffit pas de constater que les élèves de certains établissements qui ont comme caractéristique commune d’être "chaleureux-exigeants" obtiennent de bons résultats, encore faut-il comprendre pourquoi. Comment comprendre que leurs élèves "trouvent du sens à l’école et à ce qu’ils y apprennent, y prennent un certain plaisir" et obtiennent "des résultats qui les satisfont", ainsi que leurs enseignants et leurs parents ? Il faut examiner de plus près leur fonctionnement si on part de l’hypothèse que la réussite n’est pas uniquement le fait des individus, "que c’est le dispositif qui, par ce qu’il offre aux élèves ou attend d’eux, par les expériences sociales et scolaires qu’il leur permet de vivre, favorise ce type de résultat".

C’est ce qu’a fait une équipe d’enseignants chercheurs coordonnée par Dominique Glasman (Université de Savoie), Patrick Rayou (Paris-VIII) et le Centre Alain Savary-IFE*. Ils ont étudié les fonctionnements d’un "microlycée", du collège-lycée Célestin Freinet, du collège-lycée Malherbe, du collège Annie Ernaux, du lycée Copernic, du collège-Lycée Simone De Beauvoir.
Ces établissements "ont en commun le projet d’offrir la palette d’étayage la plus large possible pour la réussite scolaire des élèves en les responsabilisant dans leur projet d’apprentissage" et ils "se caractérisent par une dialectique permanente entre individualisation et appui sur le collectif".
A côté des internats d’excellence figurent des établissements accueillant des anciens "décrocheurs", des établissements "moins spécifiques voire plus ordinaires", et dans ces établissements, "des élèves réussissent et certains échouent", car s’ils "conduisent de fait leurs élèves vers une certaine réussite, voire une réussite incontestable", "les résultats sont assez différents au sein d’un même établissement, d’un même dispositif, pour des élèves qui ont bénéficié des mêmes soutiens, des mêmes accompagnements".

La bienveillance comme prérequis
Dans ces établissements, "l’exigence scolaire est bien présente", mais les enseignants "ont en commun de considérer la bienveillance et le climat de confiance comme un prérequis pour entrer dans les apprentissages". Ils se situent "dans la tradition pédagogique socioconstructiviste". Dans l’ensemble, la didactique est assez "classique" et les enseignants s’inscrivent "dans le registre du cours dialogué (...) Les collaborations entre enseignants sont nombreuses et (...) conduisent les élèves à envisager les connaissances sur un mode différent dans une perspective transversale (...). Des pratiques de soutien plus individualisés permettant un accompagnement des élèves dans leur singularité (...) sont associées à des pratiques d’explicitation des attendus scolaires (...)".

Dans leur description des dispositifs mis en oeuvre, les chercheurs évoquent aussi "la pédagogie de projets" qui passe par des projets d’écriture, des activités artistiques, ou encore des ateliers scientifiques, "autant d’activités inscrites dans la tradition des pédagogies de détour". Autre caractéristique, la désignation d’un adulte référent qui "est le repère de l’élève et de sa famille pour toute l’année scolaire" et qui "joue un rôle de médiateur entre l’environnement scolaire, l’élève et les familles". D’ailleurs, "pour les publics adolescents, une plus grande intégration des familles dans le processus est souhaitée par les agents éducatifs, mais elle reste difficile (...)".

Il sont animés, ajoutent les auteurs, par un double postulat, "si l’élève travaille plus, il va réussir mieux" et "pour que l’élève travaille plus et mieux il doit être réconcilié, heureux en confiance avec l’activité scolaire". Mais est-ce si sûr ? Pour tous, les dispositifs de soutien sont "quelque chose de précieux, parce qu’inespéré", c’est "le signe que l’on s’occupe d’eux". Cette aide est souvent bienvenue, mais elle peut être rejetée, car l’aide proposée "leur dit qu’ils ne sont pas des élèves normaux". Ils sont aussi parfois dans une perspective de réussite immédiate et l’un d’eux se dit qu’il préférerait "bosser sur un contrôle ou un cours plutôt que pendant trois heures apprendre à faire des photos".
En revanche, les élèves déclarent "avec une grande récurrence, que ce qui les aide c’est qu’ils bénéficient d’un ’encadrement’, qu’ils sont ’cadrés’. Dans leur bouche, c’est un cadre qui les protège des autres, ceux des collèges de leur quartier (...) C’est aussi un cadre qui les protège d’eux-mêmes car ils se savent tentés de ne pas travailler, de ’sécher’ les cours."

Une jeune fille souriante
Au total, même s’il est nécessaire de "définir plus précisément la notion de réussite des élèves", le rapport évoque le parcours d’une élève qui, arrivée avec de grandes difficultés, a finalement obtenu son bac S. "Elle a fait des dossiers pour entrer en STAPS à l’université (...) Les 5 années d’internat ont consolidé ses acquis et ont accompagné sa transformation en jeune fille souriante". En règle générale, les élèves de ces structures "obtiennent des résultats en termes de maintien dans l’école d’élèves qui l’auraient abandonnée, mais aussi de maintien dans un bon niveau, voire de progrès scolaires et éducatifs".
Mais attention, "il n’y a pas de cercle spontanément vertueux" et de bons élèves "peuvent se retrouver en échec s’ils ne comprennent pas que le curriculum exige de plus en plus d’eux un engagement subjectif qui dépasse le simple comportement de bon élève" tandis que d’autres, "symboliquement requalifiés par un accueil enfin compréhensif de leur personne, peuvent baisser à nouveau dans leur propre estime si (...) leurs résultats scolaires stagnent ou se détériorent". Autrement dit, "les soutiens les plus efficaces sont ceux qui (...) tentent de permettre à chaque élève de les mobiliser".

* Les autres membres de l’équipe sont Elisabeth Bautier, Anne-Marie Benhayoun, Audrey Boulin, Arielle Compeyron, Carole Daverne-Bailly, Emile Dubois, Cynthia Freinet, Michèle Guigue, Laurent Lescouarch, Françoise Lorcerie, Nadia Nakhili, Filippo Pirone. Leur rapport est édité conjointement par l’ACSE, le CGET (commissariat général à l’égalité des territoires, et l’IFE-ENS.

"Qu’est-ce qui soutient les élèves ? Dispositifs et mobilisations dans divers établissements scolaires"

Extrait de touteduc.fr du 12.02.16 : Comment un établissement scolaire apporte-il son soutien aux élèves (rapport de recherche)

 

Comment aider les élèves ? C’est la question, entre autres, de la réforme du collège. C’est aussi le sujet de l’important rapport "Qu’est ce qui soutient les élèves ?", que le Café pédagogique a présenté le 12 février, Patrick Rayou, co-auteur de ce rapport, en éclaire certains points. Tout en rendant hommage au travail réalisé dans les structures évoquées dans le rapport, il souligne l’importance d’une formation des enseignants aux théories de l’apprentissage et au travail collectif.

Une expression revient souvent dans le rapport c’est l’idée d’ une "pensée magique" du soutien. Que voulez vous dire ?
Dans certains cas elle est attribuée aux élèves dans d’autres aux professeurs. Pour les élèves, c’est le fait que certains jeunes à partir du moment où ils ont décidé de revenir dans le circuit scolaire pensent qu’il suffit d’être courageux pour que ça marche. C’est une condition nécessaire bien sur. Mais elle n’est pas suffisante. Les recherches montrent que des élèves qui disent "j’ai de mauvaises notes parce que je ne travaille pas, mais le jour où je vais m’y mettre tout rentrera dans l’ordre", en fait n’ont pas la compréhension du long travail d’accumulation nécessaire pour répondre aux demandes scolaires.

Pour les enseignants, il peut y avoir la même croyance. Penser que le coté plus accueillant , la requalification symbolique, suffit à surmonter les lacunes. Dans les deux cas c’est une méconnaissance des nécessités du travail intellectuel. Par exemple toute la thématique de la motivation consiste à penser qu’il suffit de dispositions psychologiques bien tournées vers l’étude pour réussir. Pour nous c’est magique car ça ne tient pas compte d’autres aspects.

Faut-il l’écarter la motivation ?
Bien sur que non. Mais ce que montrent les psychologues c’est qu’elle est difficile à maintenir dans le temps et qu’elle a du mal à se tenir face au travail long et quotidien , celui que les élèves qui réussissent pratiquent. La motivation est souvent momentanée et cache la forêt de tout ce qui est à faire pour réussir. C’est le problème de l’enseignement à distance qui demande plus d’autonomie que le présentiel.

Une autre idée du rapport c’est la place du travail. C’est une idée qu’on retrouve d’ailleurs dans le dernier volume de Pisa où on voit que les élèves très faibles en France travaillent à peu près aussi longtemps que les très bons. Que penser de l’idée que "si les élèves travaillent ils vont réussir" ?
Anne Barrère dans sa thèse sur les lycéens et les enseignants au travail (1) montre bien que cette croyance est partagée par tout le monde et qu’elle va avec la méritocratie. C’est l’idée que si la réussite des élèves ne doit rien aux héritages familiaux mais uniquement à la redistribution des cartes dans l’école alors c’est la travail qui compte. Plus les élèves vont travailler plus ils vont réussir.
Ce que dit Anne Barrère c’est que ça marche très bien pour ceux qu’elle appelle "les bosseurs" ils travaillent et réussissent. Ca marche pour les "fumistes : ils travaillent peu et ne réussissent pas. Mais ça ne marche plus du tout pour les "forçats" ceux qui travaillent beaucoup sans réussir et les "touristes" ceux qui travaillent pas et réussissent. Ca attire l’attention sur le fait que si le travail est plus facile à mesurer, il est surtout qualitatif. Il y a des façons de savoir travailler, savoir se référer au travail passé qui ne se mesurent pas au chronomètre.

Finalement aider vraiment les élèves ce serait faire quoi ?
Je crois que les dispositifs de soutien sont très généraux et mélangent le soutien psychologiques et des titres de soutien plus complexes. Savoir comment aider les élèves culturellement ou cognitivement c’est plus difficile. Culturellement on a pensé à un moment donné qu’il fallait pour ces élèves une injection massive de culture. On y a renoncé car il faut du temps pour l’intégration. Ça suppose des diagnostics très individualisés pour voir où il en est, ce qu’i sait faire comme savoir faire un résumé, un brouillon... Toutes ces choses sont supposées connues mais s’acquièrent souvent en dehors de l’école. On peut être bienveillant dans l’école, c’est facile. Mais savoir aider les élèves sur les autres registres, cognitif et culturel, est plus complexe. Certains élèves ont besoin de l’être , d’autres pas du tout. Or en général il n’ya pas d’expertise et de travail collectif pour connaitre les besoins des élèves. On ne sait pas de quoi ils ont besoin.

Dans la dimension strictement cognitive que sait on sur le soutien ?
Il faut se poser des questions. Par exemple l’élève sait il ce que ça veut dire apprendre une leçon ? Il y a des gestes de l’étude qui semblent évidents pour l’enseignant mais qui ne le sont pas pour les élèves. Il faut se demander de quels gestes, quels outils basiques cognitifs les élèves ont besoin. Pour que les enseignants se rendent compte des besoins des élèves il faudrait qu’ils les regardent travailler. Or ils les voient trop peu car le travail est externalisé.

Une étude de la Depp montrait que le manque de maitrise du vocabulaire de l’école en maths était une cause importante d’échec. Vous le mettriez dans ces basiques ?
Oui bien évidemment. Tout le problème pour les élèves c’est d’arriver à comprendre comment on apprend à l’école. Or plus ils sont éloignés avec leur famille de l’école, plus c’est difficile. Les enseignants ont du mal à comprendre car ils pensent à eux -mêmes qui étaient bons élèves. Bachelard disait que les professeurs de maths ont du mal à comprendre que les élèves ne comprennent pas...

Il y a des perspectives d’amélioration ?
Bien sur. Déjà il faut redire que beaucoup des élèves qui sont dans les structures spéciales dont on parle dans ce rapport n’auraient jamais été rescolarisés ou n’auraient pas réussi dans une autre structure. C’est bien un progrès gigantesque. Mais il y a encore des progrès à apporter.

On indique qu’il faut regarder les trois registres. Souvent les dispositifs sont offerts de façon généreuse en nombre, avec l’idée que les élèves vont se construire un parcours. Mais pour cela il faut en être capable c’est à dire avoir déjà résolu beaucoup de problèmes. Il faut leur proposer des choses qui correspondent à un diagnostic personnel, en divisant les difficultés alors que souvent elle est présentée en bloc. Globalement c’est le diagnostic qui manque.

Pour changer cela il faudrait une formation des enseignants qui laisse plus de place aux théories de l’apprentissage, aux élèves réels. Or malgré les ESPE cela reste une part trop faible des enseignements. Résultat, les enseignants sont souvent incapables de faire ces diagnostics.

Je suis aussi persuadé que plus les dispositifs de soutien sont internalisés mieux c’est car c’est là qu’on voit comment les élèves travaillent. Cela suppose aussi un travail d’équipe renforcé car le regard croisé des enseignants est très précieux.

La réforme de l’éducation prioritaire va dans le bon sens ?
Le dispositif plus de maitres que de classes par exemple est excellent. Ce que font ces enseignants c’est ce que font les parents avec leurs enfants le soir au moment des devoirs : éviter à l’enfant de déraper. Finalement c’est simple : il faut essayer de comprendre pour quoi les enfants ne comprennent pas.

Note : (1) Anne Barrère, Travailler à l’école. Que font les élèves et les enseignants du secondaire ?, Rennes, PUR, 2003 (202 pages)

Extrait de cafepedagogique.net du 15.02.16 : Patrick Rayou : " Essayer de comprendre pourquoi les enfants ne comprennent pas"

Répondre à cet article