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Le débat sur le thème " Orientation ou ségrégation scolaire ? " organisé dimanche 15 octobre par ATD Quart Monde avec Agnès Van Zanten (chronique de Véronique Soulé dans le Café)

20 octobre 2017

La chronique de Véronique Soulé : L’Ecole, l’orientation et la ségrégation

Le débat sur le thème " Orientation ou ségrégation scolaire ? " organisé dimanche 15 octobre par ATD Quart Monde sur la place de la République, a fait salle comble. Avec finesse, la sociologue Agnès Van Zanten a analysé les mécanismes qui conduisent l’école française à reproduire la ségrégation sociale par des mécanismes d’orientation biaisés. Récit.

Dimanche, 14 heures : le chapiteau de 400 places, planté au coeur de la place de la République, à côté de la statue, se remplit très vite. A ATD Quart Monde, qui organisait ce week-end un " Village des initiatives pour une société autrement ", l’école est un sujet qui intéresse, porteur de ces inégalités qui préoccupent le Mouvement mobilisé contre la grande pauvreté.

Collège unique
Sous le thème " Orientation ou ségrégation scolaire ? ", il s’agit de comprendre pourquoi les enfants issus de familles très défavorisées se retrouvent si souvent " orientés " dans des classes spéciales, à part, hors du cursus ordinaire. Est-ce une fatalité ? Seraient-ils plus bêtes que les autres pour se retrouver si souvent en échec scolaire ? Par ce type d’orientation, ne reproduit-on pas une forme de ségrégation ?

A la tribune, la chercheuse au CNRS et à Sciences Po Paris Agnès Van Zanten, auteure notamment de " L’école de la périphérie " (PUF, réédité en 2012), côtoie Marie-Aleth Grard, vice-présidente d’ATD Quart Monde, et des membres du Mouvement qui ont lancé une recherche sur l’orientation et la ségrégation. François Jarraud, du Café pédagogique, anime le débat.

Pour remonter aux racines du problème, Agnès Van Zanten revient sur le fonctionnement de l’école française. Derrière l’égalitarisme affiché et le collège unique, il existe de nombreux dispositifs - les Segpa et autres classes spéciales - vers lesquel on oriente, de fait, de façon précoce. " Beaucoup d’enseignants le regrettent mais la pratique se poursuit. Pourquoi ? "

Les meilleurs
La sociologue analyse alors " l’idéologie du système " : " En France, elle se focalise sur les meilleurs. Il faut les pousser afin qu’ils puissent aller le plus loin possible. " Ce sont généralement les enfants de milieux favorisés qui réussissent le mieux et quand un élève issu de milieux défavorisés parvient lui aussi à intégrer le prestigieux lycée Louis-le-Grand, " c’est comme si cela rachetait tous les autres en échec scolaire ", souligne Agnès Van Zanten.

Deux autres idéologies se sont superposées pour expliquer cette orientation très socialement marquée. Il y a " l’idéologie du handicap socioculturel ", explique la sociologue. Si l’idée pointe en effet des choses justes, elle contient la " notion pernicieuse de handicap ", poursuit-elle. Il faut aussi compter avec l’idéologie des " handicaps cognitifs ".

Parmi les facteurs expliquant la rigidité du système, la sociologue évoque enfin un " fonctionnement très bureaucratique " où "au delà d’un traitement égalitaire formel ", on classe les enfants tôt et " on ne se donne pas la peine de revoir chaque année " ce classement. Autres faiblesses du système : une formation pédagogique insuffisante des enseignants, un manque de lien école-collège et enfin une tenue à distance des parents - les mieux informés arrivant toujours, eux, à entrer dans l’école.

Pédagogies

Interrogée sur les dernières réformes visant à aplanir les inégalités et à surmonter les " handicaps ", la sociologue n’a pas exprimé un enthousiasme excessif. Les CP déboublés en éducation prioritaire vont dans le bon sens mais c’est insuffisant : " Les économistes croient qu’il suffit de changer le contexte pour que les pédagogies changent. Or cela peut le favoriser mais ce n’est pas suffisant. Si l’on continue à enseigner de façon magistrale face à 12 élèves, il y aura peu d’effets. "

Sur le dispositif des " Devoirs faits ", Agnès Van Zanten a préféré s’interroger sur la nécessité de donner des devoirs aux enfants après la classe, " surtout à l’école française où les journées sont si lourdes ". Un serpent de mer de la politique scolaire...

" Comment faire pour que les enfants apprennent ensemble sans que certains soient mis de côté ? ", s’est ensuite interrogé Régis Félix du réseau école d’ATD Quart Monde. Il avait auparavant rappelé un chiffre édifiant : " 83% des élèves de Segpa (classes au collège pour enfants en très grandes difficultés) sont de milieux défavorisés. "

Réussites ordinaires
La plupart des questions et des remarques qui suivent sous le chapiteau rejoignent cette préoccupation. " Il faudrait qu’on ait une école qui nous ouvre les bras et surtout ensuite, qui les garde ouverts ", lance un militant Quart Monde. " Il ne faudrait pas oublier tous les enfants non scolarisés. Je connais un enfant rom qui a eu droit à un mois de scolarisation en quatre ans. Et le droit à l’éducation pour tous ceux vivant en France ? ", " Que pensez-vous du privé ? Est-ce normal qu’il y ait ainsi deux écoles en France ?"....

" Malheureusement, dans les grandes villes, l’école privée nourrit une concurrence très vive, répond Agnès Van Zanten citant des études scientifiques. Et à Paris il est démontré que les établissements privés jouent un rôle très ségrégationniste en entretenant une concurrence permanente. "

En conclusion, Agnès Van Zanten appelle à une évolution raisonnable de l’école française : " Plutôt que les réussites spectaculaires ou que les internats d’excellence qui profitent à un petit nombre, l’école devrait se centrer sur les réussites ordinaires afin de faire progresser tous les enfants. "

Reste à savoir si le ministre Jean-Michel Blanquer, fervent partisan de l’excellence et du mérite, est prêt à prendre cette voie-là. Il est permis d’en douter.

Extrait de cafepedagogique.net du 16.10.17 : La chronique de Véronique Soulé : L’Ecole, l’orientation et la ségrégation

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