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L’action d’une municipalité. L’exemple de Bondy (93). Compte rendu OZP de la Rencontre du 26 avril 2017

4 mai 2017

— -LES RENCONTRES DE L’OZP-------
n°128, avril 2017

Compte rendu de la 157ème rencontre du 26 avril 2017

L’action d’une municipalité. L’exemple de Bondy (93)

De gauche à droite, Jean Rioult, Yannick Saint Aubert et Marc Douaire

Ancien directeur d’une école d’application, conseiller municipal puis aujourd’hui chargé des relations entre la municipalité et les écoles en Éducation prioritaire, Yannick Saint-Aubert témoignait lors de cette rencontre de l’OZP de la diversité de l’action éducative de la municipalité de la ville de Bondy, ville qu’il connaît parfaitement.

Située au Nord-Est de la région parisienne, Bondy avec ses quelque 54 000 habitants est une ville à la faible activité économique. Peu d’industries sont implantées sur le territoire et, malgré les compensations financières de l’État, l’arrivée du RER E et du métro qui permet d’accueillir d’autres catégories socioprofessionnelles, la volonté politique d’une mixité sociale, elle reste une ville fragile administrée par une Union de la gauche depuis 1945. Cette stabilité politique a une influence sur la relation avec les 30 écoles, dont 3 d’application et 28 en ZEP (autour d’1 REP+ et de 2 REP).

"Le rapport entre l’école et la municipalité est totalement schizophrène, souligne Yannick Saint-Aubert. Mais, ajoute-t-il, il est impératif de dépasser cela si on veut avancer ensemble ».
Accueillir 22 élèves par classe en éducation prioritaire implique la création d’écoles et par conséquence directe un très lourd investissement budgétaire de la ville, ce qui lui a d’ailleurs été reproché par certains élus qui auraient préféré une aide de l’Etat plus importante. Mais de fait les ouvertures de classe ont été nombreuses, souvent dans des algécos, pour pouvoir répondre aux besoins scolaires de la population.

Yannick Saint-Aubert rappelle d’abord des initiatives et projets plus anciens. Ainsi, il évoque des structures comme les « Femmes relais » qui sont apparues dès la création des ZEP. Des femmes se sont impliquées pour aider les parents qui ne maîtrisaient pas la langue française et créer des liens avec les différentes ethnies. Trente ans plus tard, les « Femmes relais » continuent leur travail, implantées dans la Maison des Parents, espace qui accueille les familles et les enfants dans le cadre du DRE (Dispositif de réussite éducative).

Parallèlement à l’action de ces femmes, Yannick Saint-Auber salue l’engagement de l’inspection départementale de la circonscription. L’inspecteur d’alors, Jean Rioult, au début de l’année scolaire, libérait tous les enseignants durant deux semaines pour leur permettre de rencontrer tous les intervenants sportifs et culturels. Il y avait cette volonté d’ouvrir l’école sur la vie, d’impliquer l’ensemble des acteurs de la communauté éducative, de leur permettre de se connaître pour mieux de travailler ensemble.
Lors de la mise en place plus récente des TAP (temps d’accompagnement personnalisé), ce travail collaboratif a été rappelé par les anciens et adapté à la situation actuelle. De la même façon, des journées ont été banalisées pour se rencontrer, des week-ends de formation commune ont été organisés par ce que ce n’est jamais simple d’aborder la coéducation, chacun se méfiant de l’autre. Il faut nécessairement renouveler des stratégies d’acceptation réciproque.
L’importance des écoles d’application est également à prendre en compte. Ces écoles ont formé des enseignants impliqués, motivés devenus ensuite, pour un grand nombre des cadres pédagogiques sur l’ensemble du département. Tout cela témoigne de la force du lien existant entre la ville et l’école, souligne Yannick Saint-Auber : la convergence des actions éducatives est possible quand les acteurs de la communauté éducative se mobilisent au service d’un projet éducatif pour l’ensemble de ses enfants.

Yannick Saint-Aubert évoque les changements intervenus dans la sociologie des enseignants. Comme dans toutes les ZEP de France, les enseignants arrivent de province et méconnaissent les cités et les difficultés de vie des habitants. Seuls 6% des enseignants habitent la commune. Beaucoup vivent dans des petites communes plus aisées. Pour Yannick Saint-Auber, il y urgence à retravailler avec les enseignants pour réduire ce fossé qui les sépare des familles et réciproquement. La disparition des logements de fonction est un cheval de bataille dont Yannick Saint-Aubert ne s’étonne pas d’en être l’unique défenseur. Mais, pour lui, lorsque les enseignants et leurs enfants partageaient le même périmètre d’habitat, la mixité permettait des relations apaisées avec une reconnaissance mutuelle fondée sur le respect des uns et des autres. Faire en sorte que l’école et les familles fassent société, rejointes par les représentants de l’État comme les pompiers ou la PJJ, reste un objectif qui lui est cher. Il se félicite d’ailleurs de la stabilité des directeurs d’école et des enseignants titularisés parce que cela permet un travail collaboratif entre la ville et les écoles. Malgré les difficultés sociales et économiques des familles qui évoluent dans des quartiers paupérisés, ces réussites et ces reconnaissances mutuelles ont pu se créer au niveau du primaire mais ne sont plus visibles au collège, et cela crée une véritable rupture dans les parcours éducatifs. En revanche, le lycée du secteur parmi est en situation de réussite. Il a développé une coopération avec Sciences-Po. Même si l’intégration reste marginale (15 enfants en 6 ans), cela a permis aux élèves de pouvoir s’autoriser à continuer leurs études. Grâce à d’autres accords, Jussieu, notamment Pierre et Marie Curie, dispense des cours à des élèves de terminale.

Que peut faire une commune ?
Si la ville essaie de répondre aux besoins du quotidien des écoles et des équipes, elle a proposé d’imaginer des couleurs pédagogiques aux écoles en rénovation. Lors de conseils d’école ou des maîtres, le temps de la réflexion et de la décision a été laissé aux équipes. Et c’est ainsi que les dominantes sont apparues : ici, les sciences, là, le numérique ou encore les langues. Il ne faut pas être trop impatient parce que les jeunes enseignants ont besoin de temps pour s’emparer d’un enseignement lié à ces dominantes. Au-delà de l’école, nous avons profité de la reconstructions de bâtiments scolaires pour y ouvrir des espaces éducatifs. Sur l’école Olympe de Gouges, le rez de chaussée accueille des activités en soirée.

Bondy et la chorale de Radio-France
Il y a quelques années, la tradition de chant choral sur Bondy a intéressé le chef de chœur de la maîtrise de Radio-France. Depuis 2007, des recrutements d’enfants dans les quartiers ZEP ont lieu. La première cohorte est aujourd’hui en seconde. Il a été nécessaire de construire un auditorium. « Viser l’excellence pour des enfants a un coût et il a fallu batailler", se souvient Yannick Saint-Auber notamment avec le SNUIPP qui n’appréciait pas que cette opération concerne qu’un petit nombre d’enfants. C’est pourquoi, avec le centre national d’art dramatique, nous avons proposé des offres de théâtre aux autres enfants.
Il fallait équilibrer les apprentissages de l’école, les temps consacrés à la maîtrise et au théâtre. Cela a nécessité un travail conséquent avec tous les acteurs et notamment avec les parents. Des temps de dialogue ont été nécessaires et aujourd’hui des familles magrébines vont écouter leurs enfants chanter de la musique sacrée à Sainte-Eustache.

"Muséales" et "Musicales"
Parallèlement, une université populaire s’est développée. Dans la cadre d’un dispositif national « Vivre ensemble », il s’agissait d’inciter les habitants des cités, et particulièrement ceux qui fréquentent les centres sociaux à découvrir des lieux et des temps culturels différents des leurs. Les « muséales » ont été ainsi créées avec des intervenants formés pour accompagner dans la découverte des musées les familles repérées comme étant les plus éloignées de cette ouverture culturelle. De la même façon, des « musicales » ont emporté les familles vers Radio France.

Actuellement, la ville réfléchit avec tout le tissu associatif à la création d’un grand espace éducatif ouvert tout la journée. La coéducation est certainement le moteur qui anime la commune. Yannick Saint-Aubert n’ignore pas qu’il y a encore plein de choses à travailler, à impulser afin que les enfants des quartiers populaires puissent entrer de plain pied dans les apprentissages et viser l’excellence. La volonté qui anime constamment la commune est de continuer à faire vivre l’école de la République dans ces quartiers.
Compte rendu rédigé par Brigitte d’Agostini

 

La vidéo sur Youtube (1:29)
Nous remercions l’association Rollerfootball pour cet enregistrement vidéo de l’ouverture de la Rencontre par Marc Douaire)

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