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Une circulaire ministérielle pédagogique sur la laïcité (Le Café, ToutEduc)

10 novembre 2022

Laïcité : Une circulaire ministérielle pédagogique
Attaqué violemment et systématiquement par la droite depuis sa nomination sur la question de la laïcité, Pap Ndiaye devait une réponse. Il le devait aussi parce que les syndicats de personnels de direction demandent des consignes face aux tenues de certains élèves. Elle prend la forme d’une circulaire envoyée le 9 novembre aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement. Elle est appuyée par 5 fiches pratiques sur ce qu’il convient de faire en cas de menaces ou d’atteinte à la laïcité. Si ces fiches sont opérationnelles, elles rappellent que la loi de 2004 impose le dialogue entre le chef d’établissement et l’élève comme une étape nécessaire même en cas de procédure disciplinaire. Pour les adeptes des réponses automatiques et simples, c’est loupé… Pour ceux qui estiment que le cœur de l’École, c’est l’éducation, cette circulaire est intéressante…

Le nécessaire rappel du dialogue

Laicite---Une-circulaire-ministerielle-pedagogique« La montée des phénomènes d’atteintes à la laïcité, en particulier par le biais du port de tenues signifiant une appartenance religieuse. a fait naître des inquiétudes ». La circulaire « relative au plan laïcité dans les écoles et les établissements scolaires » apporte la réponse ministérielle sous une forme pratique, mais qui n’exclut pas la réponse pédagogique.

« Lorsqu’il constate un comportement susceptible de porter atteintes à la laïcité, le chef d’établissement entame une phase de dialogue avec l’élève et ses représentants légaux… Toutefois, lorsque les comportements constituent bien des manquements aux obligations des élèves et qu’ils persistent après cette phase de dialogue, le chef d’établissement doit engager une procédure disciplinaire ». C’est cette position d’équilibre qui fonde la circulaire et les fiches pratiques qui l’accompagnent. Elle donne la priorité au pédagogique, un choix en accord avec l’éthique de la maison éducation.

Pas de solution simpliste sur les tenues

La fiche pratique la plus attendue concerne le port de tenue « manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ». Le document précise bien que « cette fiche ne constitue pas une norme supplémentaire ». Il rappelle que « la mise en œuvre de la loi passe par le dialogue avec l’élève », cette phase étant « nécessaire pour sécuriser juridiquement la prise de décision », c’est-à-dire imposée par la loi de 2004. Toute la difficulté réside dans la nécessité de caractériser les intentions de l’élève.

Aux chefs d’établissement qui demandent des réponses simples sur les tenues autorisées ou interdites, comme le demandaient le Snpden Usa et ID Fo, la fiche pratique n’apporte pas la réponse attendue. Le ministère se garde de rentrer dans une casuistique des costumes autorisés ou pas. Ce sont les intentions de l’élève qui sont à évaluer au cas par cas. La loi de 2004 interdit les automatismes. La fiche pratique le constate et donne les indications pour qu’une procédure disciplinaire soit valide. Celle-ci doit avoir un caractère éducatif. Autre point important de la fiche : le ministère précise qu’il « convient d’expliciter ces enjeux à la communauté éducative pour que chaque membre agisse et s’exprime de manière professionnelle ». Ce n’est pas simplement que le ministère semble craindre des dérapages. C’est aussi le souci de ne pas isoler les chefs d’établissement qui semble justifier ces lignes.

Que faire face aux menaces ?

Une fiche pratique revient sur la procédure disciplinaire. Elle invite les chefs d’établissement à user de la possibilité de délocaliser la réunion du conseil de discipline. Pas seulement dans un autre établissement, mais aussi auprès du Dasen. Même si les signalements sont peu nombreux (environ 300 pour 12 millions d’élèves en septembre), les dasen risquent d’être débordés. Il est possible que le ministère envisage de renforcer leur service.

Une autre fiche s’intéresse aux menaces. Là aussi la fiche est pratique. Elle donne des indications pour « abaisser le niveau de la menace » et notamment accorder la protection fonctionnelle. Une fiche détaille ce qu’implique cette protection et les cas où elle est due. L’assassinat de S Paty a montré les failles du système éducatif en ce domaine. Il n’est pas certain que la protection fonctionnelle suffise à répondre aux menaces. Notons qu’une fiche s’intéresse à l’application de la loi séparatismes avec un exemple concret d’application au bénéfice d’un principal.

Une dernière fiche montre les mesures à prendre en cas d’atteintes à la laïcité sur les réseaux sociaux. Elle rappelle le cadre juridique et la possibilité pour le chef d’établissement d’agir quand l’infraction est commise hors établissement sur ces réseaux. La fiche montre comment signaler les faits et porter plainte.

Une question politique

Le 9 novembre au matin, un débat devant la commission de l’éducation de l’Assemblée a rappelé que ce sujet est hautement politique. Au député H Davi qui demandait si en survalorisant la signification religieuse des provocations vestimentaires de la jeunesse, on ne renforce pas le prosélytisme religieux, ou au député PS I Echaniz qui estimait que « instrumentaliser la laïcité, c’est la desservir », les députés RN, LR et aussi ceux de la majorité répondaient par la surenchère. Ainsi la députée LR F Meunier dénonçant des fonctionnaires laxistes. R Chudeau (RN) jugeait que « le ministère n’est pas à la hauteur du défi des atteintes ». Alain Seksig, secrétaire général du Conseil des sages de la laïcité, estimait que « la situation est tellement grave qu’elle ressort de la responsabilité collective ». Comme preuve le fait qu’une personne mise en cause dans l’enquête sur l’assassinat de S Paty a défendu le port de l’abaya il y a 10 ans… Entre les uns et les autres, les représentants du ministère, Christophe Peyrel, haut fonctionnaire de défense, et Jean Hubac, chef de service à la Dgesco, rappelaient la mission éducatrice de l’École et la dimension libératrice de la laïcité. « Il est probable qu’une partie de la hausse des signalements est liée au fait que les chefs d’établissement se sont mis à signaler », rappelait J Hubac. « La réponse est d’abord pédagogique », déclarait C Peyrel.

Et syndicale

« Le ministère ne met pas la poussière sous le tapis », nous a dit Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du Snpden Unsa, le premier syndicat de personnels de direction. « Il tente d’accompagner les équipes pour traiter les problèmes. Mais cela ne répond pas à la question de l’abaya ».

Face à la querelle politique, qui vise le ministre, la circulaire aurait pu apporter une réponse simpliste et inefficace. La circulaire Ndiaye se borne à rappeler ce que dit la loi de 2004 et que l’école est l’école. Cela répondra-t-il aux demandes des personnels de direction ?

François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 10.11.22

 

Le ministère publie une circulaire relative au “Plan laïcité dans les écoles et les établissements scolaires“
Une circulaire relative au “Plan laïcité dans les écoles et les établissements scolaires“ sera publiée demain jeudi 10 novembre au Bulletin officiel de l’Education nationale, annonce le ministère dans un communiqué.

Est évoquée “la montée des phénomènes d’atteintes à la laïcité, qu’elle se manifeste par le port de tenues signifiant une appartenance religieuse, encouragée notamment sur certains réseaux sociaux, ou par des comportements ou des propos violents, (qui) a fait naître des inquiétudes légitimes au sein des communautés éducatives et de l’opinion publique.“

Les chefs d’établissement doivent, indique-t-il en premier lieu, entamer “une phase de dialogue avec l’élève et ses représentants légaux lorsqu’il est mineur“ lorsque est constaté un comportement susceptible de porter atteinte à la laïcité, afin de “permettre de dissiper toute tension ou incompréhension, et ainsi de débloquer des situations“. Si ces comportements constituent toutefois “bien des manquements aux obligations des élèves“ et que ceux-ci persistent, le chef d’établissement “doit engager une procédure disciplinaire“.

Pour des faits s’avérant “difficiles à qualifier“ (notamment le port des tenues à connotation religieuse), les chefs d’établissement sont invités “à s’appuyer plus systématiquement sur l’expertise des équipes académiques des valeurs de la République (EAVR) et de nouvelles fiches pratiques seront diffusées à leur intention“.

De plus, lorsque des personnels sont “mis en cause ou menacés, parfois gravement“ suite à des cas d’atteinte à la laïcité et aux valeurs de la République, toute attaque ou toute menace d’un personnel “doit donner lieu à une réaction de l’institution scolaire, consistant à signaler les faits, à prendre les mesures conservatoires et à accorder la protection fonctionnelle“.

Ainsi, “toute infraction pénale doit donner lieu à une plainte ou à un signalement au Procureur de la République“ sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale. Rappel est fait de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes républicains, qui “a créé des infractions nouvelles pour garantir le respect de la laïcité et renforcer la protection des personnels et des agents publics“. Dès lors “les services de police et de gendarmerie seront systématiquement appelés en cas de danger imminent et prévenus de l’ensemble des incidents graves".

Pour appuyer les chefs d’établissements, la mobilisation et le rôle de conseil des "équipes académiques valeurs de la République’ (EAVR) en soutien des chefs d’établissement “seront complétés si besoin par les services juridiques des rectorats qui devront être en mesure d’apporter des réponses rapides en cas d’urgence manifeste“, tandis que les services ministériels (direction des affaires juridiques et service de défense et de sécurité) “restent également mobilisables à tout moment“.

Enfin, une formation spécifique sera organisée pour les chefs d’établissement, “dispensée dans chaque académie par les EAVR qui auront, elles-mêmes, reçu une formation générale nationale dans les meilleurs délais“. Ces dernières ont reçu au mois d’octobre 320 demandes de conseils (221 en septembre) et pris en charge 80 % des faits signalés (83 % en septembre), les autres situations ayant été gérées en autonomie par les équipes des écoles et des établissements.

A noter que la formation à la laïcité engagée pour l’ensemble des personnels de l’éducation nationale, dont ont déjà bénéficié 130 000 personnels, “doit se poursuivre sur le même rythme“, à savoir une formation de tous les personnels au cours des trois prochaines années.

Le ministère a recensé 720 signalements d’atteinte au principe de laïcité dans les 59 260 écoles et établissements du second degré au mois d’octobre 2022 (contre 313 en septembre).

52 % des faits ont eu lieu au collège (36 % en septembre), 37 % dans les lycées (en baisse de 14 points sur un mois) et 11 % dans le premier degré (- 2 points).

Ils sont majoritairement le fait d’élèves (88 %, en hausse de 6 points), suivis des parents d’élèves (7 %, +2 points) et des personnels (3 %, - 5 points).

40 % des faits recensés concernent en octobre le port de signes et tenues (54 % en septembre) “principalement (sur) les espaces et temps d’activités hors de la classe“. Il s’agit du “port de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse“ et du “port de tenues qui ne manifestent pas par nature une appartenance religieuse, comme des jupes ou des robes longues, des abayas et des qamis.“

Les autres faits sont des provocations verbales (14 % versus 5 % en septembre), des contestations d’enseignement (12 % versus 7 %), des suspicions de prosélytisme (10 % versus 8 %), des refus des valeurs républicaines (9 % contre 2 %), des revendications communautaires (6 %) et des refus d’activité scolaire (5 %).

Extrait de touteduc.fr du 09.11.22

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