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Le mouvement des enseignants en Seine-Saint-Denis

2 février 2006

Extrait du « Monde » du 02.02.06 : Protestation nocturne des enseignants dans un collège de Seine-Saint-Denis

Ces enseignants veulent gagner la bataille du journal télévisé de 20 heures. Le plus sérieusement du monde, dans les couloirs du collège Jean-Jaurès de Villepinte (Seine-Saint-Denis), ils miment l’enterrement symbolique des zones d’éducation prioritaires (ZEP) : une trentaine de professeurs habillés en noir, la mine sombre, une bougie à la main, défilent dans un couloir derrière un cercueil, face à une caméra de télévision et deux photographes de presse. Il est 20 h 30, mardi 31 janvier, et ces opposants entament une longue nuit d’occupation de leur établissement pour protester contre le projet de réforme des ZEP présenté en décembre 2005 par le ministre de l’éducation, Gilles de Robien.

Comme dans la quinzaine d’autres collèges de Seine-Saint-Denis également occupés pendant cette nuit, de source syndicale, les enseignants tentent d’inventer de nouvelles formes d’action, susceptibles d’avoir des répercussions médiatiques, mais sans nuire à leur image. "On a bien compris qu’il fallait utiliser de nouvelles armes face au gouvernement. En deux nuits d’occupation, on a déjà obtenu plus, sur le plan médiatique, que pendant des semaines de grève en 2003 !", souligne Régine Charles, 35 ans, enseignante d’histoire et géographie, qui refuse d’avoir un téléviseur chez elle mais qui organise la "guerre des images" à "Jean-Jaurès". Les trentenaires parlent ouvertement de "séduction" et de "lente imprégnation" de l’opinion publique pour gagner son soutien.

Il y a quelques années, le recours à la grève aurait été naturel. "On faisait pression, nos syndicats discutaient avec le ministre et on pouvait avancer. Aujourd’hui, avec le gouvernement, c’est impossible", note Stéphane Schermann, 35 ans, professeur de lettres modernes. Tous sont profondément marqués par la "défaite" du dernier grand mouvement enseignant, en 2003, contre la réforme des retraites et la décentralisation dans l’éducation nationale. Les grèves reconductibles avaient duré des semaines, des manifestations intersyndicales avaient largement mobilisé les troupes, quelques irréductibles avaient menacé de s’en prendre au baccalauréat, mais le gouvernement avait maintenu l’essentiel de ses projets.
Trois ans plus tard, la "haine" et la "colère" demeurent aussi fortes. "La logique du gouvernement est budgétaire : il grignote tout ce qu’il peut pour réduire les dépenses. Et quand il annonce une réforme, comme celle des ZEP, on voit bien, nous qui sommes sur le terrain, que c’est pour faire des économies", se désole Florian De Bouck, 29 ans, professeur d’éducation physique et sportive. Comme ses collègues, il ne croit pas aux promesses rassurantes du gouvernement, du ministre et de l’ensemble de la chaîne hiérarchique. "Ils disent quelque chose et font le contraire", résume un professeur.

Sur le fond, ils jugent d’abord le gouvernement en fonction de l’importance des moyens budgétaires. "Nos élèves, ce sont ceux qui sont dehors et qui ont le plus besoin qu’on les aide. Avec les moyens des ZEP, on peut lancer des projets pour les motiver et les soutenir. Cela donne des résultats : en deux ans, on est passé de 40 % à 75 % de réussite au brevet", indique Joëlle Navarro, professeur d’anglais au collège depuis dix-huit ans. "Etre en ZEP nous permet d’avoir une pédagogie le plus différenciée possible, avec moins de vingt-cinq élèves par classe. Si on perd ces moyens supplémentaires, c’est catastrophique", ajoute Christine Sauret, 47 ans, professeur d’histoire et géographie, secouée, comme les autres, par la "révolte des banlieues" d’octobre et novembre 2005, qui s’est traduite à Villepinte par l’incendie du gymnase utilisé par le collège.

Les enseignants expriment le sentiment de faire face à un démantèlement progressif du service public. Brique par brique, disent-ils, le gouvernement entend démonter les fondements du système éducatif : modification des programmes, réductions de moyens, remise en question du statut des enseignants, instauration de nouvelles méthodes de management, etc. "Qu’est-ce qui sous-tend toutes ces actions ? Une idéologie libérale où l’Etat se contente d’assumer ses fonctions régaliennes", résume Stéphane Schermann évoquant une fracture croissante entre le monde enseignant et la majorité gouvernementale.

Dans le collège, chacun garde la mémoire du conflit de 1998, vécu de l’intérieur par les plus anciens, raconté aux plus jeunes comme on décrirait un fait d’armes historique. A l’époque, après des semaines de lutte, les enseignants de Seine-Saint-Denis avaient obtenu un "plan d’urgence" et 3 000 postes supplémentaires. Ce 31 janvier, entre l’écriture d’une chanson sur Dominique de Villepin ou Gilles de Robien, la rédaction d’un nouveau tract, le coloriage des affichettes pour la prochaine manifestation intersyndicale à Paris le 2 février, les enseignants qui dorment au collège se prennent à rêver. Pour 2006, on en est seulement au stade des "préliminaires", dit joliment un professeur, en pronostiquant un embrasement au printemps.

Luc Bronner

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Extrait du site « France 2 », le 02.02.06 : ZEP : un sursis pour une centaine de collège

Les 100 à 150 établissements scolaires devant sortir de ZEP en trois ans ne sont plus concernés pour l’instant
Le ministère de l’Education nationale a précisé mardi que "la publication de la liste est ainsi seulement repoussée" et que M.Robien renonçait à faire sortir des établissements scolaires du dispositif d’éducation prioritaire "avant la rentrée 2006".

Il l’avait annoncé le 13 décembre en présentant ses 33 mesures pour les Zones d’éducation prioritaire
"On ne renonce pas au principe que des établissements sortent de ZEP mais on réfléchira à ceux qui pourront sortir après la rentrée 2006", a expliqué l’entourage du ministre.

Le secrétaire général de la FSU, Gérard Aschieri, a déclaré que la décision de Gilles de Robien signifiait une "manoeuvre en recul".

Selon lui, "la sortie des établissements du dispositif ZEP ne se fera pas tout de suite, mais en même temps l’entourage du ministre ne nie pas des sorties du dispositif à terme. Il y a de la part du ministre un peu de manoeuvre en recul, cela signifie que la mobilisation commence à porter ses fruits."

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Extrait de « 20 minutes » du 02.02.06 : La Seine-Saint-Denis a peur pour ses ZEP

Le ministre essaie de calmer le jeu face à la mobilisation des enseignants et des parents

Le ministre de l’Education tente de faire tomber la fièvre. Alors que les enseignants s’apprêtent à manifester demain, que les occupations d’écoles continuent en Seine-Saint-Denis, Gilles de Robien a renoncé hier à établir « avant la rentrée 2006 » une liste des établissements appelés à quitter le dispositif ZEP (zone d’éducation prioritaire). Le syndicat FSU y voit un « recul », mais constate que l’échéance n’est que repoussée. D’autres sujets de friction demeurent. Ainsi, la possibilité pour les élèves ayant obtenu mention bien ou très bien au brevet des collèges de déroger à la carte scolaire à l’entrée en seconde. Le ministre assurait hier que seuls « 30 à 40 élèves par an » seraient concernés, pour suivre des options particulières.

Mais à Clichy-sous-Bois, d’où sont parties les violences de novembre, on craint une catastrophe pour le seul lycée de la ville. Dans une tribune (« Clichy-sous-Bois interpelle la France ») qu’ils s’apprêtent à publier, les enseignants dénoncent le classement des trois collèges de la ville dans la catégorie « ambition réussite ». « Les meilleurs élèves de collège auront ainsi le choix de leur lycée, les plus en difficulté seront orientés précocement et les autres auront l’interdiction de redoubler. Le lycée de Clichy risque de se retrouver ghettoïsé. Il obtient pourtant des résultats au-dessus des objectifs. C’est la double peine sociale », dénonce Antoine Germa, prof d’histoire-géo à Clichy-sous-Bois.

SC

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