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B* La poésie de la fenêtre, séquence au collège REP du Westhoek à Coudekerque-Branche

27 mars 2023

Entrer par la fenêtre dans la poésie et le métier

Le site Lettres de l’académie de Lille propose plusieurs fiches pédagogiques à destination des enseignant·s contractuel·les. Fanny Garves, professeure de Lettres au collège [REP] du Westhoek de Coudekerque-Branche, partage ainsi une séquence en 5ème sur le topos poétique de la fenêtre.
Le travail commence par une observation des fenêtres de la classe et une invitation à l’écriture : « Que vois-tu ? Que rêverais-tu d’y voir ? » Cette étape engage les élèves dans la lecture collaborative de poèmes de Baudelaire, Hugo et Mallarmé pour faire émerger une problématique : « La fenêtre isole-t-elle le poète du monde extérieur ? »

Par Lilia Ben Hamouda

Extrait de cafepedagogique.net du 20.03.23

 

Entrer dans la séquence en problématisant : La fenêtre isole-t-elle le poète du monde extérieur ? (niveau 5ème)

La littérature a fait de la fenêtre un motif à valeur symbolique, porteur de significations. L’objectif est de découvrir avec les élèves quelques enjeux de ce topos dans la poésie en questionnant les textes proposés à l’étude.

- Étape 1 – Les fenêtres de la classe

Observe les fenêtres de la classe et réponds à ces deux questions sur ton cahier :

  • – Que vois-tu ?
  • – Que rêverais-tu d’y voir ?

S’ensuit un échange avec la classe sur les différentes réponses données. L’idée est de faire prendre conscience aux élèves que la fenêtre peut stimuler l’activité imaginante et qu’elle peut devenir un tremplin vers un espace fantasmagorique.

Quelques traces écrites d’élèves

- Étape 2 – Distribution des poèmes qui seront étudiés et lecture par le professeur

Annexe 2 – Groupement de poèmes

Texte 1 Rêverie

Oh ! laissez-moi ! c’est l’heure où l’horizon qui fume
Cache un front inégal sous un cercle de brume,
L’heure où l’astre géant rougit et disparaît.
Le grand bois jaunissant dore seul la colline.
On dirait qu’en ces jours où l’automne décline,
Le soleil et la pluie ont rouillé la forêt.

Oh ! qui fera surgir soudain, qui fera naître,
Là-bas, - tandis que seul je rêve à la fenêtre
Et que l’ombre s’amasse au fond du corridor,
 Quelque ville mauresque, éclatante, inouïe,
Qui, comme la fusée en gerbe épanouie,
Déchire ce brouillard avec ses flèches d’or !

Qu’elle vienne inspirer, ranimer, ô génies,
Mes chansons, comme un ciel d’automne rembrunies,
Et jeter dans mes yeux son magique reflet,
Et longtemps, s’éteignant en rumeurs étouffées,
Avec les mille tours de ses palais de fées,
Brumeuse, denteler l’horizon violet !

Victor Hugo, Les orientales, 1828

La lecture de ce poème invite les élèves à questionner le rôle que joue la fenêtre dans cette rêverie poétique de Hugo. En effet, posté à sa fenêtre, le poète nous décrit d’abord le paysage qu’il y découvre (un paysage d’automne triste dans un jour finissant), image de son désarroi face à une inspiration défaillante. La fenêtre est donc un espace où le poète s’ouvre à un réel mais qu’il perçoit comme l’œuvre de son imaginaire las de
du quotidien, reflet de son état d’âme. Dans cette ode le lecteur entend aussi la prière du poète qui aimerait ranimer la flamme (notamment avec la lumière de la ville qu’il appelle de ses vœux). Seul à sa fenêtre, le poète se replie (Oh ! laissez-moi !) sur lui-même, sur ses espaces intérieurs, et appelle un autre paysage fait de souvenirs de son voyage oriental qu’il rêve de voir apparaître. Le fenêtre, plus qu’une ouverture sur le monde extérieur, apparaît donc comme un écran où le poète projette à la fois ses états d’âme et ses rêveries.

Texte 2 Paysage

Je veux, pour composer chastement mes églogues,
Coucher auprès du ciel, comme les astrologues,
Et, voisin des clochers écouter en rêvant
Leurs hymnes solennels emportés par le vent.
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
Je verrai l’atelier qui chante et qui bavarde ;
Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,
Et les grands ciels qui font rêver d’éternité.

II est doux, à travers les brumes, de voir naître
L’étoile dans l’azur, la lampe à la fenêtre
Les fleuves de charbon monter au firmament
Et la lune verser son pâle enchantement.
Je verrai les printemps, les étés, les automnes ;
Et quand viendra l’hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors je rêverai des horizons bleuâtres,
Des jardins, des jets d’eau pleurant dans les albâtres,
Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et tout ce que l’Idylle a de plus enfantin.
L’Emeute, tempêtant vainement à ma vitre,
Ne fera pas lever mon front de mon pupitre ;
Car je serai plongé dans cette volupté
D’évoquer le Printemps avec ma volonté,
De tirer un soleil de mon cœur, et de faire
De mes pensers brûlants une tiède atmosphère.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857

Ici, le poème nous propose de mener une réflexion sur la création poétique. Peut-on créer fenêtres fermées ? Dans un premier temps, le poète posté à sa fenêtre du haut de sa « mansarde » évoque la description d’une ville urbaine transfigurée. Mais c’est dans un second temps que « portières et volets » fermés, il trouve véritablement l’inspiration pour créer un univers idyllique. La fenêtre isole le poète du monde extérieur. Close opacifiée, elle le protège et lui permet de se réfugier dans un monde poétique qu’il rend féérique.

Texte 3 Les fenêtres

Las du triste hôpital et de l’encens fétide
Qui monte en la blancheur banale des rideaux
Vers le grand crucifix ennuyé du mur vide,
Le moribond, parfois, redresse son vieux dos,

Se traîne et va, moins pour chauffer sa pourriture
Que pour voir du soleil sur les pierres, coller
Les poils blancs et les os de sa maigre figure
Aux fenêtres qu’un beau rayon clair veut hâler,

Et sa bouche, fiévreuse et d’azur bleu vorace,
Telle, jeune, elle alla respirer son trésor,
Une peau virginale et de jadis ! encrasse
D’un long baiser amer les tièdes carreaux d’or.

Ivre, il vit, oubliant l’horreur des saintes huiles,
Les tisanes, l’horloge et le lit infligé,
La toux ; et quand le soir saigne parmi les tuiles,
Son œil, à l’horizon de lumière gorgé,

Voit des galères d’or, belles comme des cygnes,
Sur un fleuve de pourpre et de parfums dormir
En berçant l’éclair fauve et riche de leurs lignes
Dans un grand nonchaloir chargé de souvenir !

Ainsi, pris du dégoût de l’homme à l’âme dure
Vautré dans le bonheur, où ses seuls appétits
Mangent, et qui s’entête à chercher cette ordure
Pour l’offrir à la femme allaitant ses petits,

Je fuis et je m’accroche à toutes les croisées
D’où l’on tourne le dos à la vie, et, béni,
Dans leur verre, lavé d’éternelles rosées,
Que dore la main chaste de l’Infini

Je me mire et me vois ange ! et je meurs, et j’aime
— Que la vitre soit l’art, soit la mysticité —
À renaître, portant mon rêve en diadème,
Au ciel antérieur où fleurit la Beauté !

Mais, hélas ! Ici-bas est maître : sa hantise
Vient m’écœurer parfois jusqu’en cet abri sûr,
Et le vomissement impur de la Bêtise
Me force à me boucher le nez devant l’azur.

Est-il moyen, ô Moi qui connais l’amertume,
D’enfoncer le cristal par le monstre insulté,
Et de m’enfuir, avec mes deux ailes sans plume
— Au risque de tomber pendant l’éternité ?

Stéphane Mallarmé, Vers et Prose, 1863

La question qui conduit l’étude du poème est la suivante : les fenêtres de l’hôpital cristallisent-elles la réalité ? Stéphane Mallarmé évoque un malade enfermé dans un hôpital qui contemple de manière extatique la fenêtre de sa chambre : elle lui permet d’admirer la splendeur du soleil couchant. Fatigué, il voit à travers la vitre des « galères d’or belles comme des cygnes. » Ce moribond à la fenêtre d’hôpital est une figure du poète qui apparaît clairement dans le poème en quête de « l’azur » mais séparé du monde par une vitre :
Est-il moyen, ô Moi qui connais l’amertume,
D’enfoncer le cristal par le monstre insulté,
Et de m’enfuir, avec mes deux ailes sans plume
— Au risque de tomber pendant l’éternité ?

Relisez d’abord individuellement et attentivement ces trois textes. Par groupe, déterminez ensuite les points communs qui peuvent exister entre eux et justifiez. Mise en commun au tableau en questionnant les différents groupes :

  • – La fenêtre au travers de laquelle on regarde est évoquée.
  • – Le contraste entre réalité et rêve est mis en relief.
  • – La beauté des mots choisis, la poésie sont relevées. L’idée n’est pas de rentrer dans les détails car chaque poème sera étudié de manière plus précise au cours de la séquence.

- Étape 3 – Faire le lien avec l’activité de début de séance et problématiser

Le professeur demande aux élèves de s’interroger sur le lien entre l’activité de début de séquence et le groupement de textes distribué. Le thème de la fenêtre est alors évoqué comme cadre banal, familier, qui enferme mais qui permet aussi l’ouverture vers un espace recomposé.

La problématique est alors notée au tableau : La fenêtre isole-t-elle le poète du monde extérieur ?

Extrait de pedagogie.ac-lille.fr/lettres du 07.02.23

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