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Publication d’un rapport de l’Igésr sur le développement de l’esprit critique" et l’Emi

2 mai 2022

Développement de l’esprit critique chez les élèves
Igésr Rapport, N) 2022-147, juillet 2021, 28 p.
Dans le contexte de l’assassinat de Samuel Paty et du rôle qu’y ont joué les réseaux sociaux et la désinformation, le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a confié à l’IGÉSR une mission d’évaluation pour la structuration d’une politique en faveur des développements de l’esprit critique chez les élèves.

Le contenu du rapport
Cette mission s’inscrit en complémentarité et en cohérence, d’une part, avec les travaux conduits par le Conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN), dans le cadre d’un groupe de travail "Éduquer à l’esprit critique. Bases théoriques et indications pratiques pour l’enseignement et la formation", et d’autre part, avec les analyses et propositions du groupe de travail piloté par Serge Barbet, directeur délégué du centre pour l’éducation aux médias et à l’information (Clémi), chargé d’une réflexion sur le renforcement de l’éducation aux médias et à l’information en relation avec la citoyenneté numérique, dont le rapport a été remis au ministre le 1er juillet 2021.

Elle s’est d’abord attachée à identifier les points aveugles des dispositifs qu’elle a pu examiner, puis elle a cherché à faire émerger les points d’amélioration susceptibles de décloisonner et d’élargir à l’ensemble des acteurs de la communauté éducative les formations à l’esprit critique, ainsi qu’à les renforcer. Elle a relevé combien chaque enseignement devait contribuer, naturellement, à bas bruit, au développement de l’esprit critique chez les élèves, soulignant dès lors que ce devait être un thème essentiel de la formation initiale et continue des enseignants et des autres personnels de la communauté éducative.

La mission propose une structuration nationale plus affermie pour l’éducation aux médias et à l’information, car cette dernière constitue une forme d’exercice à haut bruit de l’esprit critique, notamment dans l’exposition inévitable au sein de l’école des thématiques sociétales les plus communes.

Elle recommande à cette fin de renforcer le rôle du Clémi, d’inscrire le pilotage ministériel davantage dans la continuité des politiques éducatives, notamment par la désignation d’un délégué ministériel à l’éducation aux médias et à l’information, mais aussi par la publication nationale, chaque année et par académie, d’un bilan chiffré des actions conduites en matière d’éducation aux médias et à l’information ; par une clarification, dans le second degré, du rôle des professeurs-documentalistes en matière d’EMI et de coopération avec les autres membres de l’équipe éducative et en faisant de l’éducation aux médias et à l’information l’un des thèmes du dialogue annuel stratégique et de gestion entre le ministère et chaque académie.

Au niveau académique, la mission a relevé la faiblesse de l’éducation aux médias et à l’information dans le premier degré, ainsi qu’une très grande diversité d’organisation pouvant conduire à d’importantes inégalités. Cela appelle une implication personnelle renforcée des recteurs et diverses actions de leur part : nommer au moins un référent à l’éducation aux médias et à l’information par département, consacrer au minimum deux équivalents temps plein à son pilotage académique, prévoir un renouvellement régulier des coordonnateurs académiques du Clémi, inscrire l’éducation aux médias et à l’information dans les projets d’école et d’établissement, notamment à l’aide d’un référentiel d’évaluation qui devra être élaboré sous la responsabilité de la Dgesco.

Les auteurs
Alain Abécassis, pilote
Paul Mathias

Extrait de education.gouv.fr d’avril 2022

EXTRAIT
Conclusion
Le développement de l’esprit critique au sein de l’école apparaît ainsi un enjeu au cœur de ses missions, dont le centre est partout et la circonférence nulle part.
Parce qu’elle lui donne à haut bruit, de la visibilité, parce qu’elle manifeste l’ouverture de l’école sur la société et ses représentations, parce qu’elle est, encore davantage que les autres contenus de l’école, confrontée aux transformations accélérées de son environnement technologique et culturel, l’éducation aux médias et à l’information, revêt une sensibilité particulière et interroge les modalités de fonctionnement et de pilotage de l’institution scolaire.
Elle oblige à penser et à expliciter l’articulation entre eux des différents niveaux d’intervention, depuis les apprentissages et les pratiques des élèves, l’intervention des enseignants dans leur classe, leurs interactions avec les autres acteurs de la communauté éducative, à l’intérieur des écoles et des établissements comme à
l’extérieur, jusqu’aux actions d’impulsion, de pilotage, de coordination, de communication et d’évaluation menées aux niveaux départemental (trop rarement, en particulier dans le premier degré), académique etnational.
Implicitement, de nombreux dispositifs ont été mis en place, à ces différents niveaux, mais ils souffrent précisément de leur caractère implicite, insuffisamment visible, de leur hétérogénéité, et de reposer sur des initiatives individuelles disparates.
Les propositions de la mission visent à repérer, reconnaître encourager et valoriser les actions entreprises, la diversité des initiatives, l’imagination et la volonté des acteurs, et à leur proposer un cadre, national et académique, qui a vocation à être régulièrement revisité et réinterrogé, qui crée les conditions d’une consolidation et d’une diffusion des actions, permette d’atténuer les inégalités observées entre les académies, entre le premier degré et le second degrés, et, au total, entre les élèves qui ne bénéficient pas,
de ce fait, d’un égal accès à une compétence essentielle à l’exercice de leur citoyenneté, dans une démocratie et une République dont l’école doit être, plus que jamais, le creuset.
Si l’enjeu principal auquel répond la mission est à cet égard de « conforter le Clémi dans son rôle et ses missions », il est aussi de rendre effective la distillation des ressources de ce dernier, de ses analyses, actions et enseignements dans le paysage de l’enseignement scolaire, dans le premier comme dans le second degré.
Aussi faut-il bien « décloisonner l’EMI », mais cela ne peut se faire que si, dans les territoires mêmes, des actions propices à sa diffusion sont initiées, entretenues et pérennisées. D’où le rôle que la mission croit devoir être celui des recteurs et des rectrices, aux postes de commandement, pour ainsi dire, de telles actions. D’où également le vœu qu’elle fait d’un recentrage des fonctions dévolues aux professeurs documentalistes, trop marginalisés dans les enseignements dispensés aux élèves. D’où enfin la vocation qu’elle pense être celle des coordonnateurs du Clémi qui, localement, peuvent garantir, s’ils sont mieux installés et confortés dans leurs fonctions, le niveau d’expertise requis pour un approfondissement des enjeux des médias et de l’information, qui sont désormais des enjeux fortement ancrés dans les domaines
du numérique.
La mission de l’IGÉSR pense que la politique en faveur des développements de l’esprit critique est d’ores et déjà structurée, mais qu’elle peine à étendre suffisamment en profondeur ses racines dans les territoires concernés. L’esprit critique n’est pas « chose » et ne vient pas en surcroît de ce que fait l’école. Il en infléchit les enseignements et c’est pourquoi c’est en leur cœur qu’il faut, non pas tant le porter, que le nourrir et
l’encourager. C’est pourquoi la mission considère qu’un cercle vertueux peut rassembler les professeurs documentalistes, les professeurs des disciplines scolaires et les coordonnateurs Clémi dans des projets locaux, pilotés par les recteurs et gérés par les chefs d’établissement en faveur d’actions dévolues à des travaux relatifs à l’EMI, les « valeurs de la République », l’éducation morale et civique (EMC), etc. Dans ce
cadre général, l’éducation artistique et culturelle ne paraît pas recouvrir des enjeux particuliers, mais s’insérer plutôt, comme d’autres activités éducatives et d’enseignement, dans le « cercle vertueux » de la structuration de l’esprit critique.

En somme, il conviendrait que l’ambition d’une « politique en faveur des développements de l’esprit critique chez les élèves » soit ambitieuse ! Le rôle dynamiseur que peut exercer la fonction ministérielle elle-même est, à cet égard, indéniable. Mais c’est aussi, au jour le jour, la création de conditions pour une véritable coopération entre acteurs qui en serait le mode le mieux approprié de continuation. Il ne suffit pas, à cet effet, que soit garanti un juste équilibre des fonctions au sein des directions du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Certes, un équilibre opératoire entre le Clémi, Canopé, la DNE et la Dgesco est nécessaire et il peut être obtenu par une gestion appropriée des instances dirigeantes du Clémi et de son Cop. Mais cela implique surtout que, non seulement les professeurs, mais les chefs d’établissement ou les corps d’inspection soient persuadés qu’il est dans leurs prérogatives, mais aussi dans leurs possibilités de converger vers des actions propices au développement de l’esprit critique chez les élèves. Cela requiert, en amont de l’exercice de leurs fonctions autant que dans cet exercice même, des formations solides aux enjeux de l’esprit critique ainsi qu’aux modalités opératoires appropriées à son développement ordonné.
Or on touche, ici, à un point véritablement critique. Ce n’est pas seulement que les différents acteurs de l’école, professeurs et personnels de direction, s’enferment dans des fonctions différenciées ; c’est aussi et surtout que cette différenciation durable grippe le système fonctionnel du second degré et qu’elle rend presque impossible un développement d’actions liées au développement de l’esprit critique dans le premier degré. Ici, le rôle des inspecteurs de l’éducation nationale (IEN) doit être renforcé, mais à la suite d’une formation elle-même soutenue à l’esprit critique, qui n’est pas une recette applicable dans les classes, ni un slogan éducatif. L’EMI intéresse au plus près les enseignements, tous les enseignements, même dans le premier degré, et la transmission des savoirs doit, là aussi, être inspirée par ses exigences. La formation des professeurs des écoles dès leur passage dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé), la formation également des IEN chargés de les évaluer et d’évaluer leurs pratiques sont des conditions essentielles d’une politique ambitieuse en faveur des développements de l’esprit critique chez les élèves.

 

Développement de l’esprit critique à l’école : le pilotage ministériel vivement critiqué (IGESR)
“Il conviendrait que l’ambition d’une ‘politique en faveur des développements de l’esprit critique chez les élèves‘ soit ambitieuse !“, intime l’IGESR dans un rapport datant de juillet 2021 et publié jeudi 28 avril 2022.

Si de nombreux dispositifs ont été mis en place, à ces différents niveaux, pour les inspecteurs généraux de l’Education nationale ils souffrent “de leur caractère implicite, insuffisamment visible, de leur hétérogénéité, et de reposer sur des initiatives individuelles disparates". Ils estiment que l’esprit critique “n’est pas une ‘chose‘ et ne vient pas en surcroît de ce que fait l’école“ mais qu’il “en infléchit les enseignements et c’est pourquoi c’est en leur cœur qu’il faut, non pas tant le porter, que le nourrir et l’encourager.“

Est ainsi “clairement posée“ la question d’un pilotage ministériel qui “souffre de discontinuité“. Ce pilotage est jugé “latent en temps ordinaire, au point de faire craindre une indifférence politique ou une sous-estimation des enjeux de l’éducation aux médias et à l’information“, mais pouvant tout autant “prendre face aux événements les plus tragiques de l’actualité, une intensité susceptible, à l’inverse, de traduire une tentation de reprise en main, oblitérant l’engagement obscur, mais bien réel, efficace et continu des équipes nationales et académiques".

Les inspecteurs généraux de l’Education nationale expliquent ensuite avoir observé un “hiatus entre une politique ministérielle définissant formellement une certaine spécialisation professionnelle dans le domaine de l’EMI (éducation aux médias et à l’information , ndlr), et, dans le même temps, une reconnaissance et une valorisation insuffisantes des agents réputés la porter". L’IGESR souligne par exemple “les incertitudes et les flottements dans la définition des missions des professeurs-documentalistes, pourtant identifiés parmi les principaux artisans de l’EMI“, et qui se révèlent “symptomatiques des manques qui caractérisent le pilotage ministériel.“

La mission se déclare également préoccupée d’un pilotage ministériel qui “peine à s’inscrire dans une conduite continue des politiques éducatives.“ Elle considère que les politiques académiques ainsi que les projets d’école et d’établissement “doivent pouvoir trouver des points d’appui nationaux et une légitimité institutionnelle que n’assurent pas, quelles que soient leur implication et la qualité de leurs productions, le Clémi, Canopé, ou même, isolément, les recteurs ou les régions académiques.“

Les inspecteurs généraux se font dès lors l’écho “de fortes inégalités académiques“, et se disent “frappés“ par “la diversité des choix d’organisation et des impulsions données par les recteurs et les rectrices au développement de l’EMI dans leur académie“ dont résulte “une liaison relativement aléatoire, au niveau territorial, entre l’éducation aux médias et à l’information, d’une part, et les enjeux de développement de l’esprit critique, d’autre part“.

“Parmi les constats le plus largement partagés avec ses interlocuteurs“, l’IGESR souligne “la part à la fois très faible et très hétérogène réservée au premier degré, alors qu’il est clair que les élèves ont tout à gagner à être frottés à l’EMI dès leur plus jeune âge et le début de leur scolarité".

Les inspecteurs généraux s’accordent à dire qu’il faut “décloisonner l’EMI“, mais cela ne peut selon eux “se faire que si, dans les territoires mêmes, des actions propices à sa diffusion sont initiées, entretenues et pérennisées.“ Car la politique en faveur des développements de l’esprit critique “est d’ores et déjà structurée“, cependant celle-ci “peine à étendre suffisamment en profondeur ses racines dans les territoires concernés.“

Il apparaît d’ailleurs “qu’un seuil minimal de moyens humains et de mobilisation personnelle est indispensable pour assurer l’effectivité d’une politique voulue et défendue par le recteur ou la rectrice d’académie.“

Les inspecteurs émettent ainsi 20 recommandations, parmi lesquelles se trouve notamment la question des moyens pour le pilotage académique de l’éducation aux médias et à l’information (deux équivalents temps plein dont au moins une personne à temps plein, recommandation n°13) ou encore à destination du CLEMI (N°2) dont les personnels sont “passés de 25 équivalents temps plein (ETP) autrefois à 18 aujourd’hui, cet étiage critique se révélant bien trop limité au regard de la montée en puissance de son activité et des attentes qui se manifestent à son égard“.

Extrait de touteduc.fr du 29.04.22

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