Remaniement : vives inquiétudes syndicales sur l’enseignement professionnel après la nomination de Caroline Grandjean, ministre déléguée soumise à une double tutelle (Le Café, ToutEduc)

5 juillet 2022

L’enseignement professionnel exfiltré hors de l’Education nationale ?
"Le pire est devant nous. Un tiers des jeunes lycéens vont être exclus de l’école". En mars 2022, Sigrid Gérardin, co-secrétaire générale du Snuep Fsu, s’alarmait des propos d’E Macron sur le lycée professionnel. Le cauchemar est en train de prendre forme avec la nomination de Carole Grandjean comme ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels à la fois auprès du ministre du Travail et du ministre de l’Education nationale. L’enseignement professionnel se retrouve à cheval sur deux ministères avec une feuille de route qui semble annoncer le passage de l’un à l’autre et une ministre qui semble très volontaire... Bientôt un tiers des lycéens français exclus de l’Ecole ?

Des tweets révélateurs

Avec le remaniement du 4 juillet, Carole Grandjean est nommée ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels auprès du ministre du Travail et du ministre de l’Education nationale. Fait inédit, elle dépend de deux ministres. Mais à la lceture de ses tweets, il semble que le Travail ait sa préférence.

Car il y a des tweets qui sont révélateurs. Le 4 juillet, Carole Grandjean, la nouvelle ministre déléguée chargée de l’enseignement professionnel en a commis deux. Dans le premier, vite retiré, elle se présente comme ministre déléguée auprès du seul ministre du Travail, Olivier Dussopt. Adieu l’Education ! Dans le second elle annonce sans état d’âme "une réforme des retraites nouvelle et nécessaire" et "une réforme des lycées professionnels sur le modèle de l’apprentissage". Deux annonces qui sont des chiffons rouges brandis devant une partie de la population, notamment les professeurs de lycée professionnel.

Une priorité d’E Macron

Ces tweets reflètent les propos d’E Macron sur la priorité qu’il donne à la réforme de l’enseignement professionnel. "C’est une des plus grandes réformes que je veux porter dans les années qui viennent", dit-il le 28 mars. Et de donner des précisions. "Les lycées professionnels seront davantage ouverts à l’apprentissage et aux entreprises locales", dit-il le 17 mars. "On va changer la logique des formations... On va planifier les besoins de compétences en les territorialisant et faire évoluer l’offre de formation". Le candidat annonce aussi le doublement des périodes de formation en milieu professionnel, une mesure qui réduirait d’autant la formation générale et professionnelle théorique des jeunes. Il ajoute qu’il faut "mettre les débouchés professionnels, les entreprises au coeur du projet". L’équipe du candidat annonçait déjà en mars un secrétariat d’Etat (devenu en fait un ministère délégué) regroupant les lycées professionnels, l’apprentissage et la formation des chômeurs, rattaché au ministère du Travail. C’est maintenant fait.

La nomination de Carole Grandjean ne doit donc rien au hasard. Elle porte le projet présidentiel tout comme elle a porté à l’Assemblée, comme rapporteure ou membre de commission spéciale, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ou le projet (avorté) sur les retraites. Son tweet marque la continuité de son action politique.

Une ligne rouge est franchie

"Une grosse ligne rouge a été franchie ce matin", nous dit Sigrid Gérardin, co secrétaire générale du Snuep Fsu. "Nommer une ministre chargée de l’enseignement professionnel à cheval entre le Travail et l’Education nationale c’est prendre le risque que l’on dénonce depuis des mois, le risque d’exclusion de l’enseignement professionnel de l’Education nationale. Pour nous les élèves de l’enseignement professionnel doivent rester à l’Education nationale. Il n’y a pas de raison qu’à 16 ans un tiers de la jeunesse quitte l’Education nationale. On craint que les filières de la voie professionnelle soient uniquement fléchées vers les besoins locaux des entreprises et la transformation progressive du statut de lycéen vers celui d’apprenti".

Pour elle, ce projet est "totalement réactionnaire". "E Macron organise le séparatisme de la jeunesse lycéenne. Il y aura ceux qui poursuivront des études supérieures et ceux qui à 16 ans iront en entreprise. C’est un projet totalement réactionnaire qui annule des décennies de lutte. On entre dans un changement de système et même dans un basculement de société", nous disait-elle le 29 mars.

Vers la privatisation de l’enseignement professionnel

Cette évolution est engagée. Dès sa nomination, Pap Ndiaye reçoit comme directeur de cabinet un spécialiste de l’enseignement professionnel, JM Huart. Son conseiller enseignement professionnel, Guillaume Houzel, avait été chargé en 2019 par JM Blanquer d’une mission visant à lever les freins à l’essor de l’apprentissage. Fin juin 2022, Pap Ndiaye, en visite au lycée des arts du bois de Moirans, dit qu’il "aura à coeur d’intensifier les liens avec le monde professionnel pour augmenter le taux d’insertion dans l’emploi. Et un décret publié le 21 juin permet aux professeurs de lycée professionnel d’enseigner en collège ou en lycée. Le gouvernement semble préparer le transfert de ces professeurs bivalents vers les collèges et les lycées dans l’hypothèse d’un transfert des lycées professionnels au ministère du Travail. Le second quinquennat d’E Macron pourrait être marqué par une privatisation de l’enseignement professionnel.

François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 05.07.22

 

Enseignement professionnel : Macron a t-il franchi le Rubicon ?
Macron veut-il aller trop loin ? La nomination d’une ministre de l’enseignement professionnel auprès des deux ministères de l’Education nationale et du Travail passe mal. Pour la FSU, "le nouveau gouvernement franchit une ligne rouge en créant cette double tutelle qui acte le fait qu’élèves et personnels de l’enseignement professionnel public ne relèveraient plus du seul ministère de l’Education nationale". Pour la fédération, " Ce choix relève d’une vision étriquée de la formation des jeunes réduite à un strict objectif d’employabilité. La dimension émancipatrice, l’apport d’une culture commune riche et diversifiée, l’équilibre entre enseignements généraux et professionnels permettant des poursuites d’études pour toutes et tous, est complètement balayé. Ce choix est aussi dangereux pour l’avenir d’une partie de la jeunesse, la plus fragile socialement, qui voit son parcours scolaire instrumentalisé pour répondre aux besoins économiques locaux". La nouvelle n’est pas mieux accueillie par le Se-Unsa. " La nomination de Carole Grandjean, sous la double tutelle des ministères de l’Éducation et du Travail, est un très mauvais signal envoyé aux personnels en général et aux enseignants en particulier. Le ton est donné : la priorité est clairement affichée pour l’apprentissage et affaiblit de fait la dimension citoyenne et éducative du lycée professionnel", écrit le Se-Unsa. " Le SE-Unsa est attaché au maintien de l’enseignement professionnel au sein de l’Éducation nationale. Le SE-Unsa dénonce cette annonce sibylline et s’opposera à tout projet de réforme visant à affaiblir le lycée professionnel et fragiliser les personnels." Inversement, le Snetaa, reçu le 4 juillet par Pap Ndiaye, estime que "cette première audience a été cordiale, pouvant annoncer des évolutions positives pour les PLP, les jeunes et la place de l’enseignement professionnel en tant qu’outil, et d’émancipation pour les jeunes et de la nécessaire réindustrialisation du pays".

FSU

Se-Unsa

Extrait de cafepedagogique.net du 05.07.22

 

Enseignement professionnel : les personnels en difficulté, la nomination de C. Grandjean inquiète (syndicats)

Une intersyndicale regroupant toutes les organisations de l’enseignement professionnel fait "le constat d’une fin d’année extrêmement difficile pour les personnels". La CGT Éduc’action, la CNT, le SNALC, le SNETAA-FO, le SNUEP-FSU, SUD Éducation, le SE-UNSA listent "la désorganisation qui a accompagné" les nouvelles modalités d’examen, et s’inquiètent de voir les annonces du président et du ministre s’inscrire "dans la continuité de la politique éducative menée depuis 5 ans". Elles dénoncent "la volonté de doubler le nombre de semaines de PFMP pour les terminales CAP et bac pro, ce qui va réduire encore plus l’enseignement général et professionnel" et hypothéquer les chances de poursuites d’études. Elles contestent "l’idée d’une adéquation stricte" entre les formations et les besoins d’emploi locaux. De plus, elles estiment que "persister dans le soutien au développement démesuré de l’apprentissage et de la mixité des publics dans les lycées pros est une voie sans-issue". Il faut, estiment-elles, rompre avec "la politique de mise en concurrence entre les deux voies de formation".

Après la publication de ce communiqué commun, la FSU réagit à la nomination de Carole Grandjean, ministre déléguée à l’enseignement professionnel placée sous la double autorité du ministère du Travail et du ministère de l’Éducation Nationale. Pour la fédération syndicale, le gouvernement "franchit une ligne rouge en créant cette double tutelle qui acte le fait qu’élèves et personnels de l’enseignement professionnel public ne relèveraient plus du seul ministère de l’Education nationale (...). Ce choix est dangereux pour l’avenir d’une partie de la jeunesse, la plus fragile socialement, qui voit son parcours scolaire instrumentalisé pour répondre aux besoins économiques locaux." La FSU y voit une menace sur le droit à l’éducation et à la formation ainsi qu’un "message lourd de conséquences adressé aux personnels des lycées professionnels".

Extrait de touteduc.fr du 04.07.22

 

Professionnel : L’intersyndicale contre le tout apprentissage
" Nos organisations syndicales dénoncent la volonté de doubler le nombre de semaines de PFMP pour les terminales CAP et bac pro ce qui va réduire encore plus l’enseignement général et professionnel de nos élèves et par conséquent réduire leur réussite à la certification et hypothéquer leurs chances de poursuites d’études... (Elles) affirment que persister dans le soutien au développement démesuré de l’apprentissage et de la mixité des publics dans les lycées pros est une voie sans-issue. Elles considèrent que c’est une menace sur le statut des PLP et sur les missions émancipatrices de la voie professionnelle sous statut scolaire", écrivent CGT Éduc’action, CNT, SNALC, SNETAA-FO, SNUEP-FSU, SUD Éducation et Se-UNSA.

Communiqué

Extrait de cafepedagogique.net du 05.07.22

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