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Et si la domination masculine dans les filières les plus sélectives se jouait dès le CP ? (Observatoire des inégalités)

9 mars 2023

Et si la domination masculine dans les filières les plus sélectives se jouait dès le CP ?
Les filles sont mieux diplômées que les garçons, mais ces derniers restent très majoritaires dans les études les plus sélectives. Du fait de leur meilleur niveau en maths, et cela se joue dès le CP. L’analyse de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.

Depuis la fin des années 1980, on compte plus de femmes de 25 à 49 ans titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur que d’hommes. Les filles vont plus longtemps à l’école et ont un niveau d’éducation plus élevé. D’où vient alors que hommes continuent à occuper les meilleurs emplois ? Il s’agit d’un processus long : les générations âgées sont encore constituées d’hommes plus diplômés que les femmes. Les choix de carrière sont orientés en fonction du genre. Mais c’est aussi parce que la « domination féminine » à l’école est trompeuse. À un niveau très général, les filles réussissent mieux à l’école. Pour autant, dans les filières les plus prestigieuses et sélectives, qui conduisent aux emplois les plus rémunérateurs, les hommes demeurent largement surreprésentés.

[...] Les choses se jouent donc à l’école primaire. Selon une étude du Conseil national de l’éducation, « les écarts augmentent au cours de la première année d’école [primaire], pour arriver à une différence très marquée en faveur des garçons en début de CE1 » [2]. Un résultat confirmé par une étude au long cours de suivi des élèves (dite « Elfe ») menée par l’Ined, qui a commencé dans les classes de maternelle. « En premier lieu, à l’âge de 4-5 ans, l’écart en faveur des garçons est inexistant, et on observe même un léger avantage pour les filles », indiquent les auteurs [3]. « Un net avantage pour les garçons en mathématiques apparait chez les élèves de 6-7 ans. Si l’on admet que l’écart en mathématiques se développe avec une certaine régularité, l’âge de son origine se situe donc autour de 5-6 ans, entre la moyenne section de maternelle et le CP ».

Cet écart n’est pas inné, sinon il serait identique dans tous les pays du monde. Pour les auteurs de l’étude du Conseil supérieur de l’évaluation, il s’explique par les stéréotypes de genre véhiculés à la fois par les parents et les enseignants, selon lesquels les garçons seraient doués pour les mathématiques, contrairement aux filles. Une pratique reproduite de génération en génération de manière plus ou moins consciente, en partie par des mères ayant elles-mêmes été mise en difficulté de manière précoce. Les enseignants, note le conseil, « interagissent différemment avec les garçons et avec les filles, entrainant des disparités dans leurs résultats en mathématiques ».

La suite est connue. « Cette perception stéréotypée, qui fait des mathématiques un territoire essentiellement masculin, affecte ensuite de manière drastique les choix d’orientation des élèves à l’adolescence », poursuit le Conseil supérieur de l’évaluation. « Parce qu’elle [la différence entre les sexes] favorise les hommes adultes, qu’ils soient jeunes ou plus âgés, elle est considérée comme responsable de la sous-représentation des femmes dans les futurs métiers de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques », notent les auteurs de l’étude de l’Ined.

D’autres considérations que le niveau en mathématiques entrent en jeu, comme la représentation que se font les jeunes filles et garçons de leur place dans la société et des métiers, qui structurent leurs goûts et leurs choix scolaires. Il n’en demeure pas moins que cet écart précoce, et maintenu par la suite, détermine pour partie les parcours scolaires et de ce fait, les positions sociales. Agir sur les stéréotypes de genre associés au niveau en mathématiques dès la fin de l’école maternelle aurait des répercussions profondes (certes à très long terme…) sur la répartition des positions sociales. Ce travail ne doit évidemment pas faire oublier que la prédominance des mathématiques dans la sélection des élèves est tout autant en cause. Un modèle dominant depuis les années 1960 en France.

Extrait de inegalites.fr du 07.03.23

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