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Extraits de « Libération » du 05.01.07 : Cantine gratuite dans les écoles de Drancy et du Bourget
Pour les deux municipalités qui vont prendre en charge le coût des repas, c’est une « baisse d’impôt ciblée ».
Raviolis gratuits dans les cantines de Drancy et du Bourget (Seine-Saint-Denis). Hier les maires UDF de ces deux communes ont annoncé que les quelque 3 000 élèves de leurs écoles primaires auront droit à un déjeuner « équilibré, quotidien et gratuit ». Quelles que soient les ressources de leurs parents. Une première en France, d’après Christian Hébert, président de l’Association nationale des directeurs de restauration municipale.
Prix d’un bus
Cette mesure représentera une perte de recettes de 1,1 million d’euros par an pour ces deux villes. Elles la financeront pour moitié par des économies liées à la mise en commun des moyens et pour l’autre par la dotation de l’Etat versée à la communauté d’agglomération. « On aurait pu financer d’autres projets », explique Vincent Capo-Canellas, maire du Bourget (12 000 habitants) et président de la communauté de commune créée en décembre entre les deux villes. Mais pour le prix d’un bus, ils ont préféré « aider les familles qui ont du mal à boucler leurs fins de mois ». Les plus démunies, mais aussi les familles monoparentales et les « travailleurs pauvres qui n’ont droit à rien », renchérit Jean-Christophe Lagarde, député-maire de Drancy (64 500 habitants). Dans sa commune, « 83 % des familles paient le prix maximum de 3,22 euros et seules 7 familles sur 2 400 ont accès au tarif le moins cher ». Soit 50 centimes d’euros par déjeuner. Vincent Capo-Canellas a fait le calcul, « une famille qui touche 1 800 euros par mois aura 50 euros de moins à débourser si son enfant est scolarisé à Drancy ».
Education sanitaire
Les deux maires ont préféré rendre leurs cantines gratuites pour tous plutôt que de verser des allocations aux plus démunis. « Parce que de toute façon le système des quotients est inégal », se justifie Jean-Christophe Lagarde. Dans sa commune, « le revenu moyen est de 1 300 euros. Les plus pauvres ont droit à des allocations, mais c’est rarement le cas pour un couple dont l’un des deux travaille. Alors, cette gratuité, c’est un peu comme une baisse d’impôt ciblée sur les jeunes familles qui ont du mal à s’en sortir ». Et « qui bénéficiera directement aux enfants », renchérit Vincent Capo-Canellas. La qualité des repas et les portions n’en pâtiront pas, promettent-ils. « En général, les communautés de communes décident d’investir dans des équipements, mais on s’est dit que ce n’était pas notre seul rôle, explique Jean-Christophe Lagarde, député-maire de Drancy. Il faut aussi que les populations aient d’autres choses en commun. Celles du Drancy et du Bourget auront une fois par jour une alimentation gratuite et un temps d’éducation sanitaire à l’école primaire. »
Mais l’élu aimerait que les élèves des collèges et lycées puissent aussi déjeuner gratis dans les cantines. Il a déposé, mardi, une proposition de loi pour la « gratuité pendant toute la durée de la scolarité obligatoire, car il y a trop d’enfants qui ne vont pas à la cantine car ils n’en ont pas les moyens et qui ne mangent pas ou mal quand ils rentrent chez eux ».
Julie Lastérade
Extraits de « L’Expresso » du 08.01.07 : Cantine gratuite : une fausse bonne idée pour l’Andev
"Il y a trop d’enfants qui ne vont pas à la cantine car ils n’en ont pas les moyens et ne mangent pas ou mal quand ils rentrent chez eux". Les maires de Drancy et du Bourget (93) ont annoncé la gratuité de la cantine dans les écoles primaires de leurs villes. Le maire de Drancy, Jean-Christophe Lagarde, a déposé une proposition de loi pour instaurer la gratuité de la restauration scolaire pendant toute la durée de la scolarité obligatoire. La mesure semble répondre à une urgence. De fait de nombreux enfants des quartiers défavorisés sont mal nourris. A titre d’exemple, on compte à Clichy-sous-Bois 16% d’enfants scolarisés souffrant de surpoids et 2% de sous-nutrition.
L’idée apparaît donc utile et généreuse. Elle fait pourtant l’objet de critiques de la part de l’Association nationale des directeurs de l’éducation des villes de France (Andev). Pour celle-ci, "l’accueil en restauration scolaire est contraint par la question des locaux... La gratuité en tendant au développement de la demande de fréquentation risquerait ainsi de s’accompagner d’une augmentation des refus d’accès, privilégiant souvent les parents qui travaillent et non pas forcément les plus modestes. Enfin et surtout, depuis de nombreuses années, une majorité de commune a mis en place un système de tarification en fonction des ressources des familles. Leur objectif est celui évoqué par le député : il s’agit de faciliter la fréquentation pour tous. Dans ce cadre, certaines ont choisi la gratuité pour les familles aux ressources les plus faibles... La gratuité pour tous, favoriserait donc essentiellement les familles dont les revenus sont les plus confortables. Ainsi, sous couvert d’une mesure sociale, cette proposition correspond en réalité à une mesure de politique familiale, d’aide a l’éducation des enfants, que l’Etat mettrait en œuvre a peu de frais au détriment des finances locales. La mesure proposée qui ne concerne que 140 des 700 repas pris chaque année par un enfant est donc à la fois irréaliste et inadaptée. Elle remet totalement en cause la libre administration des collectivités locales sur ce sujet".
Effectivement de nombreuses municipalités réservent l’accès de la cantine aux enfants des couples dont les deux parents travaillent et qui peuvent présenter un titre de propriété ou de location. Ces deux mesures excluent de fait les parents les plus pauvres.
En novembre 2005, l’Unicef France avait demandé un projet de loi garantissant l’accès de tous à la cantine et particulièrement aux enfants de chômeurs, ou dont la famille est en détresse, incapable de payer la cantine, ou les enfants des familles de sans papiers incapables de fournir les justificatifs demandés. Le financement des travaux et des frais occasionnés aurait été pris en charge par l’Etat. Reconnaissons que l’initiative du maire de Drancy a le mérite de relancer ce débat.
Article du Monde
Rappel : Unicef