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16.11.06 - Des élèves de Clichy-sous-Bois en visite à Sciences-Po

16 novembre 2006

Extrait du « Figaro » du 15.11.06 : Clichy- sous-Bois : des lycéens très entourés

Depuis les émeutes de novembre 2005, Sciences Po, l’ENA et l’X proposent un coup de pouce aux élèves méritants.

Dépaysement garanti. À moins d’une heure de chez eux, Mohammed, Ray, Djemila, Fairouz, Olivia, Sarah, Jaouad et les autres viennent de faire un voyage étonnamment exotique. Un de ceux que ces seize bons élèves de terminale du lycée Alfred-Nobel, classé en ZEP, à Clichy-sous-Bois, raconteront longtemps au pied des tours de leur cité. Endimanchés, version jeans, Nike et Adidas, lundi, filles et garçons ont mis ensemble le cap sur la capitale pour atterrir à Sciences Po, 27, rue Saint-Guillaume à Paris, quartier très Rive gauche dans lequel aucun d’entre eux n’avait encore mis les pieds. Certains venaient même pour la première fois seuls à Paris.

Pourtant, l’année prochaine, tous aimeraient faire le grand saut et poursuivre leurs études dans ce temple de l’élitisme républicain via le concours parallèle instauré depuis 2001 par Richard Descoing, le directeur de Sciences Po. Un accès justement prévu pour les élèves venant de lycées défavorisés. Ceux de Clichy-sous-Bois, au coeur des émeutes l’an dernier, en font naturellement partie. Dans le hall de l’école, mines dubitatives, regards perplexes aux étudiants qui les entourent, regroupés, à l’image d’un pack de rugby, les lycéens expriment leurs réticences. « Quelles chances avons-nous de nous intégrer dans une promotion où 50 % des étudiants viennent des arrondissements parisiens les plus riches », s’inquiète un élève. Un autre persifle un peu : « Il y a quelques années, cette école d’excellence donnait l’image d’une France vieillotte, celle du béret et de la baguette, qu’on voit dans les films. Pour montrer qu’ils sont ouverts, les responsables ont décidé de s’intéresser à nos différences. À nous d’en profiter. »

Patient, Stéphane Leteuret, le prof d’histoire-géo qui les accompagne ne nie pas le choc des cultures mais rassure : « Cette aventure est une motivation formidable pour vous. Mais il va vraiment falloir travailler dur pour y arriver. » Quand Hakim Allouche, le chargé de mission de l’école présente le cursus, les questions fusent encore. Toujours concrètes : sur le coût des études, le montant des bourses, les prix du logement à Paris. Parfois culturelles aussi, quand une jeune fille, angoissée, demande « s’il est vrai qu’en troisième année, les étudiants sont obligés de partir une année à l’étranger ». La réponse affirmative la désole. Dépitée, elle se rassied et lâche, « Mes parents ne me laisseront pas partir. » Dans la foulée des émeutes de novembre 2005, Richard Descoing a lancé une autre idée : créer un lycée d’élite dans le « 9-3 ». Trop ambitieux, le concept de départ a été revu à la baisse. Quatre lycées, dont celui de Clichy-sous-Bois, ont alors été choisis. Ils ont reçu des moyens financiers pour travailler autrement.

« Lutter contre le décrochage »

Ici, dans quatre classes de seconde, les enseignants professent en équipe deux demi-journées par semaine. « Avec une seconde professionnelle, nous étudions la vente, le prof de français parle du livre Au bonheur des dames, le prof d’éco présent dans la classe lui succède et dispense un cours de marketing, tandis que celui de maths leur fait découvrir les statistiques. Tout est concret. Notre but, c’est de lutter contre le décrochage des élèves », confie, ravi, un prof de vente. Daniel Peletier, le proviseur lui aussi est satisfait. « La région nous a donné des moyens, des entreprises aussi. Des énarques ont acheté des portables pour des élèves, un réseau de polytechniciens prend en charge, le mercredi, les matheux qui veulent se présenter aux concours. Si grâce à cette mobilisation, nos élèves osent enfin se lancer dans des études, nous aurons réussi. » Reste à savoir si cette manne va s’inscrire dans la durée.

Christine Ducros

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