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Témoignage d’un prof de ZEP à La Courneuve (Seine-Saint-Denis)

7 février 2007

Extraits de «  Libération », le 06.02.07 : « L’école peut jouer un rôle dans le retour à la mixité »

Vu de banlieue : Ils travaillent ou habitent dans les quartiers : chaque mardi un témoignage Guillaume Delmas enseigne l’histoire-géo en ZEP à La Courneuve.

Professeur d’histoire-géographie à Jean-Vilar, un collège de La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, Guillaume Delmas, 33 ans, affiche la couleur. Il est de gauche, milite au Snes, le principal syndicat du secondaire, siège aussi au conseil d’administration de l’établissement comme représentant des enseignants.
Ce militantisme, explique-t-il, fait partie de son métier « particulier » : prof en ZEP. Dans son collège « ambition réussite », le label attribué aux établissements les plus défavorisés, la quasi-totalité des 700 élèves sont des Français issus de l’immigration, de familles modestes. « J’enseigne ma discipline. Mais côtoyer les discriminations me permet de mieux en parler. Et de les dénoncer. »

« Quand tu arrives mou et fatigué en classe, tu as toutes les chances d’être rapidement débordé. C’est pour cela que je ne ferai pas ça toute ma vie », confie-t-il. Il a toutefois une bouée : comme nombre de ses collègues, Guillaume rentre chaque jour à Paris, dans le XXe, où il vit. Loin des cités désespérantes de La Courneuve, il corrige ses copies, et se livre à sa passion, la lecture. En ce moment il relit Quel beau dimanche !, le témoignage sur Buchenwald de Jorge Semprún.

Malgré le désenchantement ambiant, Guillaume croit, ou veut croire, que la politique peut changer les choses. Mais la campagne électorale le désespère un peu. « Nicolas Sarkozy fait de la pêche aux voix des enseignants. Il nous dit : "Vous êtes formidables, on va vous augmenter et s’occuper de votre carrière" », explique-t-il, allusion au discours vendredi du candidat UMP (Libération des 3 et 4 février). « Mais les ficelles sont trop grosses. La droite, systématiquement, réduit les moyens dans l’Education et fait des réformes sans nous. »
Depuis cinq ans qu’il enseigne, Guillaume a été de toutes les luttes : contre la réforme des retraites, contre la loi Fillon, contre la réforme de l’Education prioritaire, contre l’introduction d’une note de vie scolaire, enfin, contre la suppression de certaines décharges horaires et la généralisation de la bivalence (la possibilité d’enseigner deux disciplines). « C’est mon petit côté engagé, ça a commencé au lycée, dit-il en riant. Peut-être est-ce ma matière qui veut ça... »

Concernant Ségolène Royal, « c’est quasiment un amour déçu », regrette-t-il. Non contente d’avoir reproché aux enseignants de ne pas travailler 35 heures, elle a parlé d’assouplir la carte scolaire. Sans pour autant développer une vision de l’école.
« J’attendais un discours fort, du type : "L’école est essentielle, vous en êtes des acteurs majeurs", ainsi que de dures critiques contre la droite. Mais je n’ai pas entendu grand-chose. » Guillaume espère que le 11 février, date à laquelle Ségolène Royal doit annoncer son programme, sera un grand jour : « Il faut que la politique s’investisse. L’école peut jouer un rôle dans l’intégration, l’égalité, le retour à la mixité sociale. J’attends toujours que la gauche tienne ce discours »

Véronique Soulé et Bruno Charoy

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1 Message

  • Témoignage non censuré d’une ancienne élève de ZEP du 93

    Pourquoi toujours des témoignages de personnes qui tiennent le coup ? Pourquoi ne pas montrer, enfin, qu’il y en a un tas qui craque, qu’il y a des profs qui n’en peuvent plus, qu’il y a des élèves martyrisés au quotidien, qu’il y a un silence douloureux dans ces ZEP de banlieue ?

    En ce qui me concerne, j’ai passé mes années de collège et lycée dans des ZEP malfamées de Seine Saint Denis. En tant que bonne élève, timide, provinciale, et blanche, j’en ai bavée jour après jour dans un silence abasourdissant. Jamais aucun sursaut d’aide ou d’écoute...les profs, souvent très jeunes auraient sans doute pleuré avec moi...

    Les insultes aux professeurs, les humiliations qu’ils subissent, les violences verbales et physiques dont ils sont victimes tout comme les élèves doivent être dénoncés. Les bons élèves qui débarquent dans la fosse aux lions doivent aussi être aidés...On ne doit pas les oublier même s’ils ne constituent qu’un rare pourcentage des effectifs de ces collèges... Car pendant que les nouvelles pédagogies préfèrent s’adapter au niveau de la classe, c’est-à-dire un niveau souvent faible, ceux qui pourraient avancer stagnent dans une eau de désespoir où même apprendre est un souvenir. Ce sont de grosses lacunes accumulées qui rendent très difficile la poursuite des études par la suite... N’est-ce pas également injuste ? Dans les ZEP, ne devons nous pas aider, non pas ceux qui ne voudront jamais apprendre à lire mais ceux qui espèrent timidement un jour réussir, s’en sortir ? (Les "rares" bons élèves tabassés des ZEP, ce n’est pas un fantasme, c’est une réalité... ) Ceux là sont laissés à l’abandon, sous les coups, les passages à tabac, les railleries, les humiliations et l’ennui. Impossible pour ceux qui ne l’ont pas vécu de ressentir CETTE peur au ventre qui ne vous quitte JAMAIS. Cette angoisse permanente, ce coeur qui tape, qui tape, vite, fort, dans le ventre, dans les genoux, dans les paupières. Et ces larmes qui ne coulent pratiquement jamais...Il faut tenir, seulement tenir. Il ne faut pas entendre les "sale française", les "bouffonne", les "tête de cochon", les "va niquer ta mère sale gwer"... et là je suis polie. IL fallait accepter de tomber dans les escaliers à cause d’un croche pied, il fallait accepter d’être roué de coups à la sortie du collège, et il ne fallait pas bouger quand on avait le canif sous la gorge. Le dire ou ne pas le dire revient au même ! Sans doute trop de travail, il avait le pauvre CPE de l’époque. Et pas de papa pour venir faire peur une bonne fois pour toute à tous ces lascars ! De toute façon, ça aurait été peine perdue. La solitude est grande, en plus de tout le reste. Et je ne suis pas un cas isolée, je le répète. Ce n’est pas de la malchance, c’est un phénomène courant...là bas.

    Etre en vie le soir en rentrant chez soi est le challenge de chaque matin quand on est une petite écolière timide et douée. Mais il faut avouer qu’à cette époque, qu’ils me tuent une bonne fois pour toute au lieu de le faire doucement chaque jour, n’était pas un problème....Ce que je retiens de ma scolarité dans ces ZEP de banlieue parisienne, c’est que c’est toujours le plus fort qui gagne, celui qui a un couteau, une arme, des mains pour frapper, du shit, un pit bull. C’est la jungle en France et de pauvres enfants et jeunes profs inoffensifs sont abandonnés la dedans...Ca se passe de commentaire.
    Moi, je m’en suis sortie car j’ai réussi à m’échapper géographiquement de ces endroits. Je pense que réussir à en partir demande énormément de force...car pour bouger de ces ghettos, c’est dur. MAis ne croyez pas que la vie est rose...Il y a des séquelles. Les cauchemars, les lacunes, les complexes, les souvenirs sont des séquelles. Dans le monde normal, c’est étrange. Les parents sont là pour aider leurs enfants, à l’école, financièrement. Leur vie n’est pas une lutte quotidienne...Ils font des études, chose normale et croient en leur destinée, c’est étrange ! J’ai choisi de faire des études aussi, de philosophie..peut être pour savoir pourquoi l’espèce humaine peut être ainsi. Et le désir d’apprendre de Platon, est si absorbant...

    VOilà, pour que ceux qui lisent ce message comprennent ce que tout le monde tait.

    A ce propos, Nicolas Revol avait tout de même dressé un portrait assez réaliste dans son livre "Sale Prof"... avec un certain optimisme que je lui envie parfois !

    Une victime de ZEP de SEINE ST DENIS

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