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Moins d’élèves en ZEP par classe : l’opinion de Philippe Watrelot

27 février 2007

Extraits de « L’Humanité », le 21.02.07 : "Doit-on réduire le nombre d’élèves par classe ?"

Entretien avec Philippe Watrelot, professeur d’économie et secrétaire général adjoint du CRAP-Cahiers pédagogiques (Cercle d’action et de recherche pédagogique)

Rappel des faits : « Le nombre d’élèves ne pourra pas dépasser 17 par classe dans les classes de CP et de CE1, là où on apprend la lecture et l’écriture ».

La semaine dernière, à Dunkerque, Ségolène Royal a relancé le vieux débat qui consiste à savoir si les classes à faible effectif contribuent à la réussite des élèves. D’un côté, ceux qui affirment que oui, à commencer par les syndicats enseignants. De l’autre, ceux qui jurent que non, à commencer par le gouvernement.

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Réduire le nombre d’élèves par classe... Sans effet selon certains, indispensable selon d’autres. Avez-vous un avis tranché sur le sujet ?

Philippe Watrelot. Il ne s’agit pas de trancher dialectiquement par un pour ou un contre. La réduction des effectifs ne peut suffire, seule, à résoudre le problème de l’échec scolaire. Mais posez la question autrement, envisagez de faire de la pédagogie face à 35 élèves... vous réalisez immédiatement qu’il y a un souci. En bref, réduire les effectifs d’élèves par classe est une condition nécessaire mais pas suffisante.

Cette idée fait relativement consensus. C’est la nécessité même de réduire la taille des classes qui fait débat...

Philippe Watrelot. D’abord, je ne suis pas sûr que ce consensus existe. La tendance à placer la question des moyens en préalable de tout existe et sert parfois d’alibi pour ne pas transformer les pratiques pédagogiques. Cela dit, il est vrai que les études comme celle de Thomas Piketty (qui démontre que la réduction du nombre d’élèves par classe permet de lutter contre les inégalités scolaires, lire ci-après - NDLR) sont aujourd’hui fortement remises en cause. Pourtant, ces travaux montrent clairement que la réduction des effectifs est un atout dans les territoires défavorisés.

Ils montrent aussi qu’une différence de deux élèves par classe influe sur la réussite du groupe. Qu’est-ce qui change avec deux élèves en moins ?

Philippe Watrelot. Beaucoup de choses. La réduction du nombre d’élèves permet de mettre ceux-ci en situation d’être acteurs de la construction de leur savoir. L’enseignant peut être plus présent, porter plus d’attention aux travaux des élèves, multiplier les évaluations, aussi, qui sont un travail long et fastidieux. C’est un élément important.

Pourtant, entre 2002 et 2004, ont été expérimentés les CP dédoublés. La conclusion (1) a été qu’à elle seule, « cette mesure est d’un intérêt pratiquement nul »...

Philippe Watrelot. Toujours la même problématique : en ne réfléchissant qu’en termes quantitatifs, on s’expose à ce type de rapport. Si l’on continue à faire avec 10 élèves ce que l’on faisait avec 25, ça ne sert pas à grand-chose. Cela n’invalide pas la nécessité de réduire les effectifs. Mais encore une fois, la question à se poser est de savoir si le faible nombre d’élèves suffit à changer les pratiques pédagogiques, quand ce changement est nécessaire à la lutte contre l’échec scolaire.

Les enseignants sont-ils à même de profiter de cette opportunité ?

Philippe Watrelot. C’est une question importante, qui repose beaucoup sur leur formation. La réflexion pédagogique n’y est pas assez développée. La pédagogie différenciée, singulièrement, est encore négligée. Cette pédagogie consiste à prendre chaque élève là où il en est, à le faire progresser à son rythme, à l’évaluer en fonction de ses compétences propres. C’est une pédagogie qui reconnaît à la fois le groupe classe comme formateur, et l’individualité de chaque élève. Plus simplement, cette pédagogie admet que pour arriver à un même résultat, on peut faire des exercices différents selon les élèves auxquels on a affaire.

Comment tout cela peut-il se traduire en termes de politiques éducatives ?

Philippe Watrelot. D’abord, il faut reposer la question de l’éducation prioritaire et mettre le paquet là où il y a le plus de problème. Et en finir, aussi, avec cette réflexion individualiste qui consiste à dire « c’est la faute à l’élève... ». C’est le problème de toutes ces mesures de soutien par lesquelles on considère que l’on donne les mêmes chances à chacun, tout en le laissant se débrouiller. Ensuite, il faut agir sur plusieurs leviers. La formation des enseignants. L’évaluation des élèves, aussi, quand elle consiste encore trop souvent à faire la somme des compétences acquises et à la traduire par une note. Se doter d’outils d’évaluation formative, intégrée à l’exercice d’apprentissage, permettrait de savoir précisément où en est chaque élève et d’apporter des réponses aux difficultés qui se présentent.

En conclusion, existe-t-il un nombre idéal d’élèves par classe ?

Philippe Watrelot. À ma connaissance, aucune étude ne parvient à dire s’il en faut 15, 17 ou 18. Je crois que cela dépend vraiment des situations. Dans certaines classes, la bonne réponse sera peut-être 25 élèves. Ailleurs, ce pourra être 12, voire 10.

(1) Étude effectuée par la direction de l’évaluation et de la prospective de l’éducation nationale sur un échantillon de 100 CP dédoublés et de 100 CP à effectifs normaux.
Entretien réalisé par Marie-Noëlle Bertrand

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Le « Manifeste pour l’éducation prioritaire » de l’OZP

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Question de François-Régis Gyuillaume à Thomas Piketty à propos du nombre d’élèves par classe

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