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Comment expliquer la baisse de niveau en mathématiques ? Un dossier (Le Café, ToutEduc)

2 octobre 2020

Additif du 05.10.20

Michel Fayol : " On va peut-être un peu trop vite"
Membre du Conseil scientifique de l’Education nationale et du Laboratoire de psychologie sociale et cognitive (LAPSCO) de l’université de Clermont-Ferrand, Michel Fayol a orgénisé et présidé la conférence de consensus du Cnesco sur la numération. Il revient dans cet entretien sur les mauvais résultats en maths des élèves français et propose d’ouvrir trois chantiers, notamment des activités mathématiques en maternelle.

La Depp vient de publier les résultats des évaluations Cèdre qui montrent une chute de niveau à l’école et au collège. Etes vous surpris ?

C’est cohérent avec ce qu’on a vue au cours de ces dernières années avec l’évaluation Timms ou les évaluations nationales. On observe une baisse significative en maths comme en orthographe. La question c’est : que va t-on faire ?

Il y a un plan Villani Torossain qui est en cours d’exécution depuis déjà une année. On peut en espérer des résultats dans un an ou deux. Ils devraient se manifester déjà en 6ème après 2 ou 3 ans de mise en place. Il faut attendre pour voir si les mesures prises ont une efficacité.

On devrait aussi mettre en place des activités mathématiques à l’école maternelle, un point dont ne s’est pas occupé le plan Villani Torossian . Dans plusieurs pays on cherche à installer des activités pré scolaires avec l’idée que ça permet aux élèves arrivant à l’école élémentaire de disposer de bases solides pour passer à un enseignement plus formel que l’existant. Si le plan Villani Torossian ne donne pas d’amélioration il faudra en infléchir les mesures.

Je remarque aussi qu’on a un biais qui affecte les catégories retenues par la Depp. Certaines catégories sont moins affectées par la baisse : les catégories sociales les plus favorisées. Il faudrait savoir pourquoi. Est-ce lié au fait que certains établissements reçoivent de manière dominante des élèves favorisés ? C’est ce que l’on voit dans l’enseignement privé où le niveau ne baisse pas. Il faudrait comprendre pourquoi et se servir des ces indications pour améliorer l’enseignement.

Il y a un troisième point plus inquiétant car il touche l’avenir : il y a moins d’élèves à déclarer qu’ils font des maths par plaisir. On sait bien que les maths ont une image d’austérité alors qu’on peut leur donner une coloration plus positive. Si plus d’élèves ont des réticences à s’engager dans les activités mathématiques il faudrait regarder du coté des organisateurs de ces activités à dominante ludique. Et voir si elles sont efficaces pour une large population. On ne sait pas grand chose la dessus. Par ailleurs beaucoup d’élèves ont peur des mauvaises notes et c’est quelque chose qui ne peut pas encourager à faire des maths.

Enfin ce serait intéressant d’avoir une statistique précise portant sur la réussite aux différents items, comme on l’a eu pour l’enquête Cèdre de 2014.

Suite à la conférence de consensus du Cnesco en 2015, j’ai un regret. On a en France de nombreux collègues qui ont construit des manuels, des activités. Il est dommage qu’on n’ait pas cherché à les rassembler pour qu’ils élaborent une trame de travail plutôt qu’aller chercher une méthode à Singapour. On pourrait essayer de construire un programme de travail qui capitaliserait les travaux de ces auteurs et les mettre en interaction avec les chercheurs et praticiens comme on fait à Singapour.

Est-on allé trop loin dans la recommandation de la manipulation au point de négliger l’abstraction ?

Je ne peux pas répondre à cette question. Dans certains cas le matériel concret peut faire obstacle à l’apprentissage car les élèves retiennent les caractéristiques concrètes. Peut-être faudrait il conduire des travaux pour voir si l’utilisation de matériel concret convient à tous els élèves. On a peu d’information là-dessus. On devrait être un peu plus empiriste et regarder les différences entre les individus. On va peut-être un peu trop vite pour affirmer que telle approche est nécessairement bonne. Le doute peut être utile en pédagogie. Même en maths.

Propos recueillis par François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 05.10.20

 

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2020/10/05102020Article637374795042249551.aspxQuelles explications pour la baisse de niveau en maths ?
Comment peut-on expliquer une telle dégringolade de niveau en maths à l’école et la chute en fin de collège ? Au lendemain de la publication des résultats de l’enquête Cèdre, le ministère, des spécialistes, des syndicalistes donnent leur point de vue. Et ils sont souvent contradictoires.

Certitudes ministérielles

"Dans 3 ans tous les élèves de France sauront résoudre les problèmes", dit-on au ministère. Trois ans c’est la prochaine édition de Timms, une enquête internationale sur les maths où la France a fait un score désastreux en 2015. Le ministère ne veut pas porter la responsabilité de cette chute et préfère qu’on regarde un avenir qui sera forcément meilleur.

Il affiche deux barrages face à la réalité scolaire. Le premier c’est qu’il s’est toujours préoccupé de la baisse depuis 2017 mais que les effets de sa politique n’ont pas eu le temps d’avoir lieu puisque Cedre a eu lieu en mai 2019.

Le second c’est, avec le plan Villani Torossian lancé en 2018, la certitude d’appliquer des "méthodes scientifiques" à l’enseignement des maths et de voir les résultats monter en 2023. Ces nouvelles méthodes, qui auraient révolutionné la didactique, c’est la "méthode de Singapour basée sur la manipulation. "On ne manipule pas assez. Notre enseignement va trop vite vers l’abstraction". " On est trop abstrait", dit-on. "On a révolutionné la formation continue" ajoute-on au ministère avec le plan maths obligatoire dans le premier degré et une formation en principe par les pairs. "On a retravaillé la didactique" et la publication de repères de progression annuels en septembre 2019 aurait remis les enseignants à l’heure. "Les décimaux en Cm1 c’est en novembre pas en mai". Au collège "la mobilisation des corps d’inspection est totale" et les professeurs travaillent la transition dans leurs façons de faire entre école et collège. "On a doté les professeurs de méthodes hyper efficaces". La multiplication des programmes ces dernières années n’est pas vue comme un problème.

L’enquête Cedre montre une nette baisse de résultats en Cm2. A la fin de l’école la moitié des élèves ont un niveau trop faible en maths. Un quart a un niveau extremement faible. Par exemple quand on demande le tiers de 66 seulement 47% des élèves ont une bonne réponse (56% en 2014).Un calcul simple nécessitant une addition et une soustraction est réussi à 70% en 2014 et seulement 53% des élèves en 2019. Les élèves sont particulièrement faibles dans le maniement des décimaux, la réalisation des fractions et la résolution de problème.

Des experts interrogent la formation

Jean-François Chesné avait organisé en 2015 la conférence de consensus du Cnesco sur l’enseignement des maths. Il distingue plusieurs facteurs qui jouent sur le taux de réussite des élèves français.

En premier lieu une dimension sociale. "Ce sont les écoles les plus défavorisées qui ont les enseignants débutants et les contractuels. On sait aussi que dans ces écoles le temps d’enseignement est réduit pour différentes raisons. Ce sont les élèves qui ont les plus gros besoins en maths qui ont les enseignants le plus en difficulté".

Ces questions sont liées au déficit d’attractivité du métier enseignant qui est particulièrement claire en maths. Le ministère n’arrive pas à recruter assez d’enseignants. Il recrute des contractuels que l’on va trouver souvent là où enseigner est difficile.

La formation est aussi critiquée. D’abord par la faiblesse qu’y ont les maths dans la formation initiale des PE. Il ne suffit pas que les élèves "fassent" des maths. Ce qui compte c’est former les enseignants à concevoir des scénarios pour que les élèves apprennent des maths. C’est toute la question de la place de l’abstraction.

"On a multiplié les réformes et contre -réformes. On voit le résultat. Les élèves apprécient moins les maths car on a moins de temps pour monter des projets", nous dit Sébastien Planchenault, président de l’Apmep, l’association des professeurs de maths. La question de la formation se pose aussi avec des contractuels mal formés en pourcentage important en maths au collège. Mais S Planchenault critique aussi le plan de formation continue du ministère, celui qui doit résoudre tous les problèmes. "Au début il y avait une volonté de partir des problèmes rencontrés sur le terrain. C’était positif. Mais on a le sentiment qu’on revient vers des choses descendantes avec des directives verticales. Le plan Villani Torossian n’est pas suivi en réalité".

Guislaine David, co secrétaire générale du Snuipp Fsu, critique aussi la formation initiale jugée insuffisante en maths. Mais elle met l’accent sur l’aggravation de la question sociale dans le pays. "Là où les inégalités de vie sont les plus fortes, l’école n’arrive plus à faire son travail", dit-elle. "Il faut une politique plus volontariste dans ces zones".

François Jarraud

Maths : les élèves décrochent

Sur le rapport Villani

Rapport Villani : application

Brissiaud : analyse du rapport Villani

Extrait de cafepedagogique.net du .2.10.20

 

Joël Briand : Comment expliquer la chute de niveau en maths à l’école ?
L’enquête Cedre à propos des acquis des élèves en mathématiques à la fin de l’école primaire montre « des écarts importants des performances selon le profil social des écoles » et observe que « La baisse n’affecte pas celles (les écoles) accueillant les élèves les plus favorisés socialement. Ces résultats confirment l’hétérogénéité des niveaux déjà observée en 2014 mais aussi à l’entrée en sixième. ».

Bien que cette enquête ait fait, cette fois, travailler les élèves sur des évaluations éditées sur des supports numériques avec lesquels ils sont peu habitués, il n’y a aucune raison pour réfuter ces résultats.

Je ferai plusieurs remarques :

 Cette étude a été menée sur une période au cours de laquelle se sont succédé des modifications de programmes (2008, 2016, 2018 et circulaires récentes) souvent contradictoires jusqu’à récemment aboutir à l’injonction à enseigner les mathématiques par telle ou telle méthode. Cette ingérence de la part d’un ministère est un fait nouveau. Ces modifications de programmes ont entraîné une baisse progressive de liberté dans les choix pédagogiques, une baisse d’initiatives de la part des professeurs contraints d’être de plus en plus des exécutants. Comment s’étonner alors que ces professeurs, privés d’encouragement depuis plusieurs années à construire des situations de découverte en mathématiques, se rabattent vers des enseignements plus transmissifs et donc comment s’étonner que l’étude conclue que « par ailleurs, lorsque les élèves sont interrogés sur leur rapport aux mathématiques, on constate une dégradation de l’attractivité des mathématiques. »

 Il est symptomatique de voir depuis une dizaine d’années les éditeurs demander aux auteurs des ouvrages de mathématiques « moins ambitieux », des fichiers, afin que les enseignants puissent s’appuyer sur des manuels qui affichent rapidement les savoirs à acquérir sans passer par la case « construction de situations d’apprentissage ». Dans ce cadre, les enfants de milieux favorisés disposant dans leur milieu familial de ressources dont ne disposent pas les enfants de milieux défavorisés « encaissent » mieux les effets d’un enseignement par exposé des savoirs grâce au rôle de répétiteurs que peuvent jouer les parents.

Contrairement à ce qui a été véhiculé, les situations d’apprentissage dans lesquelles l’élève est amené à construire des savoirs mathématiques ne sont pas destinées aux élèves de milieux favorisés. Bien étudiées en formation, elles permettent au contraire de réduire les écarts.

 La formation des professeurs, surtout en formation continue, est devenue une courroie de transmission des directives ministérielles, c’est-à-dire l’enseignement de méthodes, au détriment du « pas de côté » que nécessite toute formation à la didactique des mathématiques.

Pour conclure, il me paraît utile de regarder de près les conclusions révélatrices de cette étude mais toute étude statistique est vite l’otage de lieux de pouvoir. Imaginer que cette étude permettrait de revoir la formation des professeurs, d’encourager une réflexion sur la construction des mathématiques à l’école primaire serait naïf. On voit déjà le ministre se saisir de ces résultats au journal de 20 heures ou/et sur les réseaux sociaux pour réaffirmer la justesse de sa politique de retour aux savoirs fondamentaux enseignés de façon « raisonnable » et de l’utilité de l’enseignement à distance. La boucle est bouclée.

Joël Briand
Maître de conférences honoraire en mathématiques
Université de Bordeaux.

J Briand : Manipuler en maths

Extrait de cafepedagogique.net du 02.10.20

 

Mathématiques : "Ce n’est pas aux élèves qu’il manque quelque chose, mais aux professeurs" (C. Torossian)

Réagissant à la publication de deux notes d’information de la DEPP (le service statistique de l’Education nationale) qui révèlent une baisse continue du niveau des élèves en mathématiques (voir ici), Charles Torossian, inspecteur général et co-auteur avec Cédric Villani d’un rapport sur leur enseignement évoque, à l’occasion d’une conférence de presse convoquée en "audio" ce 1er octobre, le "plan mathématiques" lancé en septembre 2018, plan dont les élèves qui ont passé l’évaluation "n’ont pas bénéficié".

Ce plan porte d’abord sur la formation des enseignants. En ce qui concerne le 1er degré, quelque 1350 "référents mathématiques" ont été formés et organisent, dans chaque circonscription, des "constellations" de sept ou huit enseignants pour une "formation horizontale et par les pairs". Elles étaient au nombre de 3 000 l’an dernier et devraient être "5 à 6 000 cette année". Pour l’inspecteur général, "c’est une révolution".

Elle se double d’instructions, les "repères de progression" qui ont été publiés à cette rentrée pour "remettre les horloges à l’heure". Si une notion, par exemple les nombres décimaux, est inscrite au programme d’une classe, "c’est en novembre qu’elle doit être travaillée, pas au mois de mai."

Enfin, les mathématiques doivent être davantage concrètes, ou plus exactement, l’abstraction ne doit intervenir qu’ après que les élèves ont manipulé, puis verbalisé. Il faut d’ailleurs travailler les progressions. C’est ainsi que l’introduction en 4ème de "la variable x" (dans une équation, ndlr) représente pour les élèves une difficulté, un saut dans l’abstraction, mais qu’elle peut être préparée de longue date, comme cela se fait au Portugal où, dès le CM1, les enfants sont familiarisés avec le souci d’identifier "la chose que l’on cherche". Encore faut-il que le lien école-collège soit solide.

Autre exemple, au supermarché, un client paie avec trois billets de 50€, on lui en rend 13, quel était le montant de la note ? La résolution, qui semble évidente à un adulte, ne l’est pas puisque seuls 53 % des élèves de CM2 l’ont trouvée (70% précédemment), et Charles Torossian propose que l’élève commence par dessiner, sous la forme de rectangles, les 3 billets, pour que la multiplication lui apparaissent aussitôt et "qu’il puisse se raconter l’histoire". Il insiste, il ne s’agit pas d’apprendre par exemple la multiplication, avec des problèmes, mais d’apprendre à résoudre des problèmes. En même temps, il met en garde contre les efforts de contextualisation qui compliquent inutilement les choses et ajoutent à la difficulté mathématique celle de lecture d’un énoncé complexe et inutile.

D’ailleurs, pour l’inspecteur général, ce n’est pas tant le programme qui compte, mais la définition des objectifs d’apprentissage. Il a moins évoqué le collège, sinon pour donner comme une priorité la création de laboratoires et le travail au niveau du bassin, mais il apparaît très sûr que les premiers résultats de ce plan seront manifestes "dans très peu de temps", d’ici deux ans, notamment pour la prochaine édition de l’évaluation internationale TIMSS.

Extrait de touteduc.fr du 01.10.20

 

Voir aussi
 :
DIFFICILE ÉQUATION
Mathématiques : derrière la chute libre du niveau des élèves, la pénurie de profs à la hauteur
Selon une enquête de l’Education Nationale, 54,4 % des élèves ont des acquis "fragiles" ou insuffisants en mathématiques à la fin du CM2. Comment expliquer une telle situation ? Le niveau des professeurs recrutés est-il en chute libre ?

Extrait de atlantico.fr du 02.10.20

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