> IV- EDUCATION. GÉNÉRALITÉS (Types de doc.) > Education-Généralités (Presse) > Après les législatives : Les enseignants face à une majorité libérale (Le Café)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Après les législatives : Les enseignants face à une majorité libérale (Le Café)

20 juin 2022

Législatives : Les enseignants face à une majorité libérale
Blanquer sans Blanquer. Les résultats de l’élection législative dessinent un glissement à droite de la majorité. Or s’il est un domaine où, de 2017 à 2022, la majorité présidentielle et Les Républicains se sont globalement entendus c’est bien l’éducation. Pour l’Ecole, c’est la continuité blanquérienne qui s’annonce. Les réformes annoncées par le président de la République, prudemment sans trop de détails, ont la même source d’inspiration que ce qu’envisageait Valérie Pécresse, candidate des Républicains. L’entente sur ce terrain est facile à construire. Sauf sur un point : ce que représente Pap Ndiaye. L’ouverture idéologique à gauche qu’il incarne est déjà caduque.

Vers un aggiornamento politique et budgétaire

A l’issue de l’élection législative, une nouvelle période politique s’ouvre. Elle sera marquée par une période provisoire où le gouvernement va perdurer avant probablement une réorganisation cet été. Une nouvelle majorité devrait se dessiner. Elle devrait prendre la forme d’une coalition, officielle ou circonstancielle, entre Ensemble, la coalition présidentielle, et Les Républicains.

Cette nouvelle période devrait aussi dessiner un aggiornamento des programmes politiques. Entre le moment où ils ont été dessinés et la fin de la période électorale, beaucoup de choses se sont passées. Notamment les prévisions économiques, dessinées avant la prolongation de la guerre en Ukraine, sont devenues caduques. On sait que la croissance économique sera moitié moins forte que prévu et, par suite, que les perspectives budgétaires vont devoir être mises à jour. Il est probable que la "rigueur", les économies budgétaires reviennent dans le discours officiel.

Cela concerne l’éducation. A la fois parce que c’est un secteur où les attentes des salariés sont importantes. Et aussi, inversement, parce que la baisse démographique laisse entrevoir une possibilité de baisse des dépenses. A l’horizon du quinquennat, c’est à peu près 10% du budget de l’éducation nationale, soit 6 milliards, qui pourraient être récupérés. C’est déjà l’objet des réflexions des politiques, comme le montre le rapport Longuet.

Une application rapide du Nouveau Management Public

Que voudrait dire une coalition Ensemble - LR pour l’Education nationale ? Les deux programmes politiques d’Emmanuel Macron et de Valérie Pécresse sont proches.

Le premier point commun c’est l’autonomie des établissements et le renforcement des pouvoirs des directeurs et des chefs d’établissement. C’ets la base du Nouveau Management Public (NPM), une doctrine politique qui s’est déjà imposée dans une grande partie des pays occidentaux. Valérie Pécresse voulait des "établissements publics expérimentaux", version publique des établissements sous contrat français et version française des Charter Schools ou des Academies anglo-saxonnes. Dans ces écoles publiques gérées comme des écoles privées, le chef d’établissement choisit ses professeurs et les rémunère au mérite. C’est aussi ce qu’E Macron a annoncé à Marseille avec des contrats passés avec les établissements. Ce système, dans les deux cas, permet de remplacer l’éducation prioritaire par des contrats locaux, autrement dit de redistribuer ces moyens pour d’autres établissements ou d’autres ministères.

Un nouveau métier enseignant

En ce qui concerne les enseignants, E Macon a annoncé la généralisation du choix des professeurs par les directeurs et chefs d’établissement. Il a aussi promis un "nouveau pacte" permettant la paye personnalisée au mérite là où existent aujourd’hui des règles nationales. C’est tout à fait conforme à ce que veulent V Pécresse ou , plus récemment, le rapport Longuet. Ce rapport adopté par la Commission des Finances, correspond aux attentes de la majorité de droite du Sénat.

On n’était pas certain qu’E Macron irait jusqu’à remettre en question le role du concours. La situation politique va rendre possible d’aller jusqu’à ce que JM Blanquer avait dessiné et qu’il a permis de mettre en place : séparer la réussite au concours de l’affectation. Comme dans la fonction publique territoriale, ou comme pour les professeurs du privé, et comme pour les professeurs anglais ou américains, la réussite au concours ne donne pas un poste. Il faut ensuite trouver un chef d’établissement qui vous accepte. Le fait que le concours ait lieu en fin de master 2 rend cela possible.

Les LP et le collège

Similarité aussi des programmes sur l’avenir du lycée professionnel. Les deux programmes veulent relier davantage les LP aux entreprises locales et augmenter les périodes de formation en entreprise. La droite voulait transmettre les LP aux régions. Ensemble les voyait plutôt au ministère du Travail. L’avenir de la voie professionnelle dans l’enseignement public pourrait être remis en question.

Il y a encore des points communs sur le collège. V Pécresse voulait un examen d’entrée et des établissements de relégation. E Macron a annoncé une évaluation et une réorganisation de la 6ème sans être plus précis.

Quel ministre pour cette nouvelle majorité ?

Dans la période provisoire qui s’ouvre ce jour, un ajustement de la majorité et des politiques va se dessiner. Le fond en est la mise en forme du Nouveau Management Public à la française. La coalition devra trouver le moyen de faire accepter un nouveau métier enseignant qui est attendu depuis des années par les conservateurs.

La forme pourrait aussi changer. Le parti présidentiel devra donner des gages idéologiques. L’ouverture idéologique que personnalise Pap Ndiaye semble caduque. Une personnalité moralement engagée sur des valeurs de gauche pouvait faire accepter une gestion conservatrice à condition de trouver les bases d’une entente avec les syndicats enseignants sur les valeurs et les salaires. Ce scénario sera t-il en phase avec la future coalition tant sur le plan salarial que sur celui des valeurs ?

La période qui s’ouvre va voir des tentatives de réforme profonde du système éducatif et du statut des enseignants. Les promesses vagues qui ont pu être faites ne pèseront probablement pas très lourd face au nouvel équilibre politique et à la situation budgétaire. 2022 étant une année d’élection professionnelle à l’éducation nationale, la tentation de la division des personnels de l’éducation va être forte. Or, plus qu’aucune autre, la génération actuelle d’enseignants a entre ses mains l’avenir du métier et de l’Ecole.

François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 20.06.22

Répondre à cet article