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Les CPC pris en porte à faux par la réforme de la formation initiale (Revue Recherches en éducation, présentation du Café)

5 décembre 2022

Les CPC pris en porte à faux par la réforme de la formation initiale

Comment les conseillers pédagogiques de circonscription (CPC) remplissent-ils leur mission de formation et contrôle des professeurs des écoles stagiaires (PES) ? Stéphan Mierzejewski et Abdelkarim Zaid (CIREL Lille) livrent une analyse détaillée d’un métier posé en porte-à-faux entre des impossibilités : former et évaluer dans un temps trop contraint.

CPC et PES
« Censés accompagner les néoenseignants dans l’acquisition progressive des savoirs et des dispositions requises pour enseigner, les CPC sont dans le même temps investis d’une mission d’évaluation non seulement des progrès des stagiaires, mais aussi – et au sens propre – de leur « employabilité », puisque l’avis sur la titularisation formulé par l’inspecteur de circonscription s’appuie en dernier ressort le plus souvent sur les observations du CPC – « tuteur terrain » », écrivent ? Stéphan Mierzejewski et Abdelkarim Zaid dans le nuémro 49 de la revue Recherches en éducation. « Or, compte tenu du temps et des moyens à disposition, l’étayage des progrès et l’évaluation des compétences construites par les PES se limitent la plupart du temps à une série de moments d’observation et d’échanges trop ponctuels pour satisfaire aux conditions minimales de réception et d’efficience de l’activité de conseil pédagogique ». Ainsi, ils se retrouvent dans une situation impossible que les deux auteurs ont creusé à partir d’une série d’entretiens.

Des maillons en quête de temps
« La complexité, l’inconfort et l’ambivalence de la fonction de conseiller pédagogique sont bien documentés par la littérature, dans des contextes nationaux variés, mais tous soumis aux politiques d’accountability (Maroy, 2013). Ces politiques placent ces médiateurs censés accompagner des réformes qui se succèdent à un rythme toujours accru, en position de porte-à-faux vis-à- vis de la communauté des collègues « de terrain », dont ils sont pourtant issus. Ex-pairs dont la vocation est a priori d’être des « agents de changement » (Lessard, 2008) au service de visées éducatives partagées, cette situation voue les CPC à une sorte d’exercice de la « corde raide » », écrivent-ils. « Maillons stratégiques d’un régime de formation en alternance dont ils reprennent bien volontiers à leur compte la philosophie intégrative officielle et la rhétorique de la « protection des débuts de parcours », ils sont en quelque sorte préposés à la rationalisation de ses contradictions manifestes ».

Les CPC sont toujours en quête de temps et se plaignent de l’indisponibilité des PES occupés aussi avec l’Inspe. D’où le sentiment de « travail empêché » qu’ils ressentent. Les auteurs soulignent le décalage entre le temps disponible et le temps nécessaire au développement professionnel des PES alors même qu’ils doivent les évaluer.

Se conformer au discours hiérarchique ou à la bienveillance
Comment s’en sortent-ils ? Les auteurs présentent plusieurs positionnements. La première, c’est, au nom des usagers, de se conformer au plus proche du discours hiérarchique. « À défaut de stimuler leur réflexivité, la surcharge de travail et de pression encourage au contraire les stratégies de conformation a minima qui nourrissent en boucle la frustration et la suspicion des formateurs ». Le second positionnement met en avant l’évaluation positive. « Ces principes sont évidemment soumis à rude épreuve dans le contexte d’alternance décrit. Leur appropriation ne va pas sans ambivalence, y compris chez les interviewés dont les propos témoignent de la plus grande distance au rôle. La force d’attraction du discours prescriptif se lit ainsi jusque dans les infinies précautions avec lesquelles les mêmes interviewés déclarent aborder les biais institutionnels sur un mode très indirect et euphémisé avec leurs tutorés ».

La conclusion est à la hauteur des frustrations que génère la réforme de la formation des enseignants. « Les CPC, comme les PES, se rejoignent par ailleurs sur l’extrême tension et la frustration induites par le chevauchement de l’année scolaire/ universitaire et des impératifs de formation/titularisation. Ce chevauchement de calendriers et d’objectifs concentre les opérations d’accompagnement sur des temps aussi ponctuels que lourds de conséquences institutionnelles et heurte l’idéal d’un accompagnement formatif régulier, étalé dans la durée et répondant aux besoins progressivement identifiés par les stagiaires grâce à l’appui reçu dans le cadre d’une relation de confiance construite progressivement ».

François Jarraud

La revue

Extrait de cafepedagogique.net du 29.11.22

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