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Un papa dans le BTP, une maman femme de ménage : « Tu ressens de la honte, alors que tu ne devrais pas » (Le Monde)

25 avril 2023

Un papa dans le BTP, une maman femme de ménage : « Tu ressens de la honte, alors que tu ne devrais pas »
A rebours des récits de « transfuges de classes » valorisés dans les médias, certains jeunes continuent de ressentir une forme de honte sociale vis-à-vis du métier de leurs parents.

« Ma mère était femme de ménage dans un collège. Plus jeune, je disais toujours qu’elle était secrétaire sans spécifier ce qu’elle faisait exactement. J’essayais de romantiser son travail », raconte Léon (tous les prénoms ont été modifiés), graphiste, et titulaire d’un bac + 5. Encore aujourd’hui, ce Montpelliérain de 26 ans continue de taire la profession de « dame à tout faire » de sa mère. « Quand je rencontre des gens, je continue de la présenter en tant que secrétaire. » La plupart de ses amis, y compris de longue date, ne connaissent pas le métier de sa mère.

A l’inverse de cette attitude « honteuse », les récits de « coming out social » autour des difficultés rencontrées lors du passage d’un milieu à un autre par l’intermédiaire d’études supérieures se sont multipliés ces dernières années. La période est propice à vanter un supposé héritage populaire, comme l’ancien premier ministre Edouard Philippe, qui soulignait être petit-fils de docker ou encore la chanteuse Chris qui racontait dans l’émission « Clique Dimanche » qu’elle a dans son corps « une mémoire des muscles de la classe ouvrière ». Les deux oubliant de rappeler que leurs parents étaient enseignants ou directeurs d’établissement.

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Certains « transfuges de classe » préfèrent se taire. Selon le psychanalyste Serge Tisseron, auteur de La Honte. Psychanalyse d’un lien social (Dunod, 2020), « l’école ne devrait pas demander aux enfants la profession de leurs parents, d’autant plus que certains parents ne sont pas clairs avec leurs enfants sur leur métier. C’est les mettre dans l’embarras. C’est aux parents de répondre directement à ces questions ». Pour les enfants, ces questionnaires s’inscrivent dans une logique de classement et, de fait, dans un jugement de valeur.

Gommer son métier pour s’intégrer dans un groupe
Olia, 27 ans, titulaire d’un bac + 5 d’une école de commerce, travaille dans le marketing. Cette fille de parents bulgares a longtemps été gênée par le métier de sa mère, femme de ménage. « Enfant, je racontais donc que ma mère était infirmière, métier qu’elle exerçait en Bulgarie. Je trouvais que c’était plus valorisant, que ça faisait plus sérieux, car il faut faire des études. » Sauf qu’elle ne pouvait pas l’exercer en France. « Les enfants sont méchants entre eux, je ne donnais pas le bâton pour me faire battre. Personne n’était au courant. »

C’est quand son père décède, alors qu’elle a 13 ans, qu’elle se met à admirer le travail de sa mère et arrête d’être embarrassée. Entre-temps, sa mère a entrepris une validation d’acquis de l’expérience pour devenir auxiliaire de vie. Toutefois, Olia ne se détachera jamais d’une autre honte, celle du studio qu’elle habitait avec sa mère. « Quand mes copines me demandaient quand elles pourraient venir, je disais qu’il y avait des travaux à la maison. Sauf qu’à un moment, le disque devient rayé. »

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Extrait de lemonde.fr du 24.04.23

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