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Extrait de « Fenêtres sur cours » du 22.11.04 : dans la ZEP de L’Argonne à Orléans.
Le quartier de l’Argonne à Orléans a bien changé. L’école maternelle Claude Lewy aussi. Réfections et restructurations en ont fait une école spatieuse et adaptée. Mais il subsiste toujours certaines marques du passé pour témoigner de la permanence et de la continuité des choses. « Vous savez, j’ai dansé sur ces dalles à la libération de la ville ! » dit une vieille dame en foulant le parvis d’entrée de l’école.
Celle-ci a toujours habité là et son activité associative témoigne de manière emblématique des liens tissés depuis longtemps entre l’école et le quartier. Ce dernier porte encore les stigmates de l’urbanisation sauvage des années 50. Les écoles maternelles et élémentaires du quartier sont classées en ZEP depuis 1981.
Les familles, elles aussi, ont changé. L’immigration d’aujourd’hui c’est celle du « tiers monde » : 50 % des enfants sont non francophones à l’entrée de l’école maternelle ; il y a plus de 15 nationalités différentes et 81 % des familles appartiennent à la catégorie socio-professionnelle la plus défavorisée. « Il ne s’agit pas de tomber dans le misérabilisme », dit Florence, directrice de l’école, mais de comprendre que « la culture familiale est très éloignée de la culture scolaire ». « Le rapport des familles à l’écrit et à l’école y est très difficile ». Et c’est précisément pour le changer que l’action menée par les enseignantes de l’école s’est centrée sur la maîtrise de la langue dans et hors l’école.
Rien de particulier si l’on s’en réfère aux programmes, sauf qu’ici ce défi est impératif. Nadia, Muriel, Béatrice, Marjolaine, Viviane et Valérie, les enseignantes, rappellent que les enfants se contentent « du premier bagage et qu’ils n’ont pas conscience que le langage est un apprentissage » ; essentiel pour accéder aux savoirs. Florence entame un plaidoyer pour l’école maternelle : « C’est le socle des apprentissages », le lieu où l’on va « aider l’enfant à devenir élève, assurer la continuité des apprentissages et accompagner les ruptures ».
A commencer par celle avec la famille. Les enseignantes ont choisi de « redonner pleine confiance aux parents, en leur rôle, en l’école ». Ainsi, des actions les « associent dans une démarche éducative commune » : la ludothèque où ils viennent jouer avec un groupe d’enfants tous les soirs après la classe. Une maîtresse et une animatrice municipale font le lien. Les jeux de l’école peuvent être empruntés. Le jeu est aussi support au réinvestissement des apprentissages. La bibliothèque où une maîtresse et des bénévoles d’A.T.D Quart Monde accueillent chaque semaine une nouvelle classe.
La lecture d’histoires par petits groupes avec les parents. C’est ainsi que Myriam a découvert que son père savait lire ! Le prêt de livres. L’histoire complètement connue de l’enfant peut-être racontée chez soi avec ses parents. Enfin l’action « d’alphabétisation des mamans » non francophones sur quatre écoles maternelles du quartier par une formatrice en français langue étrangère.
« Assurer la continuité des apprentissages » : la liste des actions menées dans l’école traduit là aussi la richesse du travail d’équipe. « La boîte à mots » vraie boîte, est la référence pour les enfants au capital mots de la classe, capital vivant parce que découvert en situation et utilisé en permanence. Capital mot réinvesti et enrichi au fil des sections. « L’objet mystère » caché dans un sac et apporté par la maîtresse de grande section dans la classe des petits. Objet à palper, à deviner, objet de toutes les suppositions ! Une situation dont la maîtresse privilégie le caractère ludique, propice « à une bonne dynamique de langage ». Situation rendue possible en coupant la classe de 24 en deux groupes grâce à la présence de deux enseignantes et de l’ATSEM.
On pourrait citer encore « l’album photos », le livre du vécu de la classe dont les enfants ont écrit et connaissent toutes les légendes ou encore « l’album de vie », ce support qui permet à l’enfant de partager avec sa famille ce qu’il fait à l’école. Autant d’initiatives qui courent de la petite à la grande section.
Et les tout petits ? Ils sont accueillis à 15 par classe maximum, norme départementale ZEP, dans des locaux entièrement refaits, une salle de classe bien adaptée avec petit matériel de manipulation et gros matériel pour gros ébats et prises de risques en tout genre ! De quoi se mettre en confiance pour aborder l’école et les apprentissages.