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L’enseignement privé et les ZEP, avec des responsables de l’enseignement catholique (Rencontre OZP, juin 2003)

2004

-----LES RENCONTRES DE L’OZP-----

(Observatoire des zones prioritaires - www.ozp.fr)

n° 41 - juin 2003

ZEP et enseignement privé

Compte rendu de la réunion publique du 11 juin 2003

Lorsque l’enseignement privé, en 1998, a revendiqué que le dispositif d’éducation prioritaire s’applique aussi à certaines de ses écoles et certains de ses établissements, de nombreux acteurs de ZEP en ont été surpris : au-delà de différences sur la nature même du type d’enseignement - public ou privé - il leur apparaissait impossible que l’enseignement privé reçoive un tel label, parce qu’il était perçu - et utilisé par certaines familles - comme un moyen de contourner la sectorisation et un obstacle à la mixité sociale.

L’OZP a constaté le maintien de cette revendication les années suivantes et l’obtention du label « ZEP » par une dizaine d’écoles et collèges dans une académie. Il a voulu en savoir plus sur les réalités de ces écoles et établissements et a cherché un échange sur ce thème : des représentants de l’enseignement catholique, André Blandin, secrétaire général adjoint, et Christiane Durand, membre de l’Observatoire national de pédagogie et chargée de suivre les établissements de Marseille, ont accepté de venir débattre.

Il n’avait pas été question, pour l’OZP, de demander une intervention à l’enseignement privé non confessionnel ou lié à d’autres religions, d’une part parce qu’ils sont très minoritaires, d’autre part parce qu’ils ne portent aucun intérêt au dispositif d’éducation prioritaire, contrairement à l’enseignement catholique.

Pourquoi des ZEP dans l’enseignement privé ?

François-Régis Guillaume, membre du bureau de l’OZP, anime cette réunion et demande d’emblée les motifs pour lesquels l’enseignement privé souhaite avoir des ZEP : est-ce dans un but uniquement financier et d’attribution de moyens supplémentaires, ce que l’on constate - hélas ! - souvent dans l’enseignement public ? est-ce pour engager des partenariats ? ou, encore, est-ce pour obtenir un label ? L’enseignement privé, ajoute-t-il, apparaît bien souvent comme un recours pour les familles, mais un recours pour éviter la mixité sociale, or il semble que l’enseignement privé revendique justement cette mixité : des éclaircissements sont donc nécessaires. L’animateur remercie les intervenants d’avoir accepté de venir dialoguer.

André Blandin estime d’emblée qu’il vaut mieux se parler :
« Depuis quelques années, neuf établissements de l’enseignement catholique ont le label ZEP ; ils sont impliqués dans la sectorisation, sans y être soumis, mais leur présence influe sur la sectorisation dès lors que public et privé sont présents sur une zone donnée. Plus largement, cela pose la question de la mixité sociale : comment la maintenir si on pense qu’elle est un facteur d’intégration et constitue même un vrai projet éducatif ? L’enseignement catholique est ouvert à tous : c’est une obligation légale pour les établissements sous contrat et c’est dans nos statuts.

Nous n’avons, pour l’ensemble de la France, que l 700 élèves en ZEP, et dans une seule ville, Marseille. Nous n’avons pas fait de demande d’extension à ce jour. Nous ne pouvons donc que rester modestes sur ce sujet. »

Le cadre général

« Les établissements associés à l’État sont soit sous « contrat simple », soit sous « contrat d’association ». L’enseignement catholique a fait le choix des contrats d’association (la totalité du second degré et la moitié du premier). En conséquence, depuis 1959, l’État paie les enseignants et le forfait d’externat. Ce dernier est destiné à payer les cadres et les personnels de service. Depuis 1985, les collectivités territoriales (Conseil général pour les collèges et Conseil régional pour les lycées) participent au financement des frais de fonctionnement. Pour le premier degré, un forfait communal est attribué : il se monte au maximum à l 220 euros par an / élève (8 000 F) mais descend parfois à zéro euro, comme à Limoges, le maximum étant attribué à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Dans le second degré, les irrégularités sont moins criantes.

Tous les frais ne sont pas couverts par ce forfait (rappelons la manifestation à propos de la Loi Falloux en 1994), ce qui implique une participation des parents de 460 à 530 euros en moyenne nationale. Il existe des différences entre les lieux et à l’intérieur des établissements (application du quotient familial). Deux exemples en ZEP : une école demande 14,30 euros par mois et un collège 37 euros par mois. Il y a dégressivité pour les familles nombreuses.

Les programmes, les examens, les horaires, les réglementations sont les mêmes, pour l’enseignement public et l’enseignement privé. Mais il y a une liberté dans la vie scolaire, l’organisation du temps. Des expériences d’annualisation des emplois du temps des élèves ont été menées et l’organisation est très variée selon les établissements. Nous bénéficions de l’absence de sectorisation certes, mais nous sommes surtout présents en centre ville.

Il y a deux millions d’élèves dans l’enseignement catholique, ce qui représente 13 % de tous les élèves du premier degré et 17 % de l’ensemble des élèves. Cette proportion est stable, en légère hausse cette année. Mais la répartition territoriale est très inégale : la Bretagne, les Pays de la Loire, la Vendée ont la moitié de leurs élèves dans l’enseignement catholique, l’Ile-de-France et le Nord - Pas-de-Calais une proportion significative, alors que la bordure méditerranéenne, bien qu’en forte progression, compte moins d’élèves, de même que le Poitou-Charentes et la Lorraine, en diminution.
On constate un « zapping » entre le public et le privé : près d’un élève sur deux passe un temps plus ou moins long dans le privé. »

a période 1998 - 1999

« Lors de la première relance des ZEP, en 1990, nous avions constitué un dossier pour que des ZEP soient instaurées dans le privé. Il n’y a pas eu de suite. En 1997, le rapport Moisan-Simon explicitait les critères sociaux des élèves de ZEP et nous avons constaté que, dans certains de nos établissements, nous nous trouvions dans une situation comparable.

Nous avons donc reconduit notre demande en septembre 1999 et avons eu un échange de lettres avec Ségolène Royal, ministre déléguée à l’Enseignement scolaire : trente écoles et collèges dans le Nord - Pas-de-Calais, l’Ile-de-France, la région lyonnaise, le Languedoc et PACA pouvaient prétendre au label ZEP. Treize ont alors été retenus dans les académies de Créteil, Montpellier et Aix-Marseille. Mais il n’y eut de suite effective que dans cette dernière académie. Il s’agissait de la ville de Marseille avec des écoles recevant, notamment, des primo arrivants, surtout comoriens.

Le label ZEP a engendré une majoration de 17% du forfait attribué, plus les indemnités pour le personnel (ISS) et un lien officiel avec le responsable de la ZEP (ou du REP). »

Premier bilan de ces trois années

Christiane Durand prend alors la suite d’André Blandin (elle assure le suivi du fonctionnement et de la formation des enseignants ZEP de Marseille depuis trois ans) :
« Un réseau a d’abord été constitué avec les trois collèges et les six écoles appartenant à l’éducation prioritaire, cela concerne cent quarante enseignants qui ont maintenant des objectifs et des repères communs. Un plan de formation particulier a été mis au point.

Les deux thèmes de travail pour les cent quarante enseignants sont la vie citoyenne et les relations avec les familles. Par ailleurs, des groupes de recherche, basés sur le volontariat, se sont fixé trois axes sur trois ans : la maîtrise de la langue, la pédagogie institutionnelle et la mise au point de démarches pédagogiques originales (tels les arbres de connaissances). Une réflexion est menée également sur les élèves « qui dérangent » pour sortir du cercle vicieux « faute - punition ».
II nous a semblé que l’enseignement catholique pouvait faire un travail pionnier dans l’adaptation de l’école aux élèves de ZEP. Quelques personnes, enfin, travaillent aux dialogues interculturel et intercultuel entre l’islam et la religion catholique. Ce sera un chantier pour les prochaines années, qui mettra à profit la présence à Marseille d’un institut de théologie des sciences des religions qui est centré sur « l’interreligieux ».

Dans ce réseau, nous avons mis en place une ouverture des collèges de 7 h 30 à 19 h, ce qui a entraîné une diminution des retards et des absences, la création d’un poste de médiateur (régulation entre jeunes, et entre jeunes et adultes), l’adaptation des modalités de liaison écoles / collèges et l’organisation d’un accueil systématique des familles pour s’ouvrir au quartier. Ce dernier aspect fonctionne particulièrement bien à Saint-Mauront, quartier nord de Marseille (Félix Pyat) où il y a un partenariat avec les habitants et les services publics.

À quels résultats scolaires aboutit-on ? L’opinion générale est qu’il y a une amélioration du niveau de langue, mais il faudrait la mesurer précisément. L’orientation en fin de collège devrait donner des renseignements. Peu d’élèves vont en lycée général. Il faudra un certain nombre d’années pour y voir plus clair. Il semble qu’un bilan de réseau soit plus facilement réalisable qu’un bilan pour une école seule ou un collège seul. Le fait que les neuf chefs d’établissement soient très liés facilite le fonctionnement en réseau. Quand nous le pouvons, nous tenons à maintenir une mixité sociale, malgré la mauvaise humeur d’une minorité de parents.

Dans l’académie, nous avons proposé un travail de recherche pédagogique commun à dix-neuf établissements « associés » - écoles maternelles, écoles élémentaires, collèges et LP - car il n’y a pas que les établissements labellisés ZEP qui connaissent ces problèmes. Des visites permettent aux uns et aux autres de voir comment se présentent les problèmes à différents niveaux d’enseignement. Ces initiatives restent possibles mais ne sont pas obligatoires pour les enseignants.

Il ne faut pas croire que les enseignants qui sont maintenant en ZEP à Marseille étaient enthousiastes au départ : obtenir le label ZEP était à leurs yeux ambivalent. Aujourd’hui, il y a eu une évolution et la chose est admise par tous, certains en étant fiers. Les inspecteurs de l’Éducation nationale, eux, étaient réticents. Pour eux aussi, il y a eu une évolution et nous participons aux conseils de zones. Ainsi, le réseau a aussi le caractère d’une liaison public / privé qui nous semble positive puisque les populations sont semblables.
Notre perspective est claire : poursuivre le travail proprement pédagogique sur la langue et celui, plus socio pédagogique, sur les relations avec les parents. »

Débat

La première intervention a été pour remercier les représentants de l’enseignement catholique d’avoir répondu à l’invitation de l’OZP.

Aux questions posées, André Blandin et Christine Durand apportent les précisions suivantes :

. « Dans l’enseignement catholique, les directeurs d’école sont habituellement dénommés « chefs d’établissement », contrairement à la règle en vigueur dans l’enseignement public : il nous apparaît en effet qu’ils doivent porter ce titre, parce qu’ils occupent, pour une part, une position intermédiaire entre les directeurs d’école et les IEN du public. Il faut bien saisir que les neuf mille écoles, collèges et lycées de l’enseignement privé sont neuf mille centres de décision : le Secrétariat général de l’enseignement catholique n’a pas de pouvoir hiérarchique et ceux qui sont à la tête de ces établissements ont un pouvoir certain de décision, même s’il s’agit d’une école.

. Les élèves des collèges catholiques de ce réseau vont presque toujours en lycée public. Il faudrait que nous obtenions des renseignements précis sur leur devenir à la sortie du collège ; nous savons seulement que, globalement, il n’y a pas de grandes différences entre lycéens issus d’un collège privé et ceux issus d’un collège public.

. Une coordonnatrice existe pour le réseau d’éducation prioritaire de Marseille (trois collèges et six écoles) : c’est une directrice d’école qui assure cette fonction à mi-temps.

. II n’y a pas d’internat dans ce réseau marseillais.

. L’enseignement catholique veut, en effet, mieux s’implanter en banlieue, cela correspond à ses options fondamentales, mais c’est difficile en pratique. La première raison est immobilière : on ne peut créer aisément un nouvel établissement. De plus, il faut veiller à ne pas compliquer la sectorisation : nous ne pouvons pas envisager une implantation en banlieue sans un projet précis prenant en compte la mixité sociale. Sans cela, nous pourrions devenir concurrents de l’enseignement public et aboutir à l’inverse de notre objectif. Nous avons été des lecteurs très attentifs du rapport Hébrard à ce sujet : nous ne voulons pas accueillir uniquement les « familles bien informées ».

. L’accueil des élèves musulmans n’est pas seulement un choix que nous avons fait, c’est d’abord une obligation légale puisque les contrats d’association dans lesquels nous sommes inscrits prévoient l’accueil de tous, sans enseignement confessionnel dans le temps scolaire.
De plus, c’est une volonté de l’enseignement catholique : nous ne sommes pas un enseignement « confessionnel », sinon nous ne serions pas sous contrat B. Il ne faut pas non plus exagérer la spécificité des familles musulmanes : elles sont finalement comme les autres. Rappelons que seules 8 à 11 % des familles inscrivent leurs enfants dans l’enseignement catholique pour des motifs religieux. Nous constatons que les familles populaires - catholiques, musulmanes ou sans religion - qui font le choix de l’enseignement privé ont un projet éducatif fort pour leurs enfants, projet qui ne s’inscrit pas forcément dans une religion donnée. Certaines familles estiment qu’elles peuvent plus facilement dire qu’elles ont une religion - même autre que catholique - dans nos établissements que dans le public.

. En ce qui concerne le recrutement des enseignants : les épreuves sont les mêmes que dans le public. Le recteur nomme, mais le chef d’établissement doit être d’accord. Le « mouvement » est régi par des accords professionnels au niveau national.

. La gestion d’un système décentralisé comme le nôtre implique une culture de réseau et un projet commun. Cela ne fonctionne pas toujours aussi bien qu’il le faudrait, mais, quand c’est le cas, c’est une bonne formule.

. L’obtention du label ZEP n’a pas fait fuir d’élèves : les parents n’ont pas modifié leur inscription. Pour les enseignants, les questions portent plus sur le service à temps plein - qu’ils préfèrent au service fractionné entre plusieurs établissements - que sur le label ZEP. L’opinion générale chez eux est que ces élèves sont plus fatigants que les autres mais qu’au moins ils ne sont pas blasés. Ils disent également apprécier le travail en équipe plus développé là qu’ailleurs.

. L’enseignement public a vingt années de ZEP derrière lui. Nous, nous n’en avons que trois. Nous sommes en recherche. Ainsi, pour l’ouverture sur le quartier, aspect nécessaire du fonctionnement des ZEP, nous souhaitons avancer, mais les réponses sont parfois des refus purs et simples. La tâche ne nous est pas facilitée. Nous avons pourtant, dans ces établissements, un recrutement semblable à celui du public et, pour le fonctionnement, nous travaillons plus en « REP » qu’en « ZEP ». Nous ne devrions pas rencontrer ces obstacles, dans l’intérêt de toutes les familles présentes dans le quartier.

. Nous avons une culture de projet utile au fonctionnement du réseau. Nous savons la difficulté du travail en ZEP. Nous savons aussi que la mutualisation des actions positives est complexe : nous avons un observatoire qui répertorie de nombreuses initiatives, mais la diffusion reste insuffisante. Les contacts locaux entre enseignants du public et du privé sont souvent très difficiles. La confrontation est utile : sans rechercher une utopique mutualisation des efforts, confrontons au moins nos expériences et nos pratiques et ayons des échanges sur ce qu’il convient de faire. »

Compte rendu rédigé par Alain Bourgarel

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