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L’élaboration d’un curriculum par un pays, démarche ignorée en France, répond aussi à la nécessité de lutter contre l’abandon scolaire en milieu défavorisé (Cicur)

6 février 2023

Pourquoi la notion de curriculum et l’approche curriculaire permettent de bâtir et de partager une politique éducative
par Luisa Lombardi
docteure en sciences de l’éducation de l’Université de Paris Cité

Parmi les propositions du Collectif d’interpellation du curriculum (CICUR), il y a celle de repenser le système d’enseignement par une « approche curriculaire ». Qu’est-ce que cela veut dire ?Le terme de « curriculum », de même que sa forme adjectivée, sont peu utilisés en France. Ils méritent donc d’être explicités dans les grandes lignes. C’est l’objet du présent article.

La méfiance vis-à-vis du curriculum, une exception française…
Lorsqu’on prononce le terme « curriculum » en France face à des professionnels de l’éducation, cela provoque en général de la perplexité, souvent de la méfiance, parfois des frémissements. Ce mot est en effet identifié comme étranger, venant d’ailleurs – et plus particulièrement, disons-le d’emblée, du monde anglo-saxon. On ne saurait pas expliquer exactement de quoi il s’agit. Les définitions abondent mais sont multiples et parfois contradictoires, et pourtant on serait sûrs d’une chose : il n’appartient pas à la tradition éducative française. Au contraire, diraient certains, il s’y oppose en étant associé à d’autres termes étrangers à cette tradition, comme ceux de compétences, de transversalité, d’interdisciplinarité. Finalement, le « curriculum » semblerait a minima créer du flou là où les choses paraissaient à peu-près claires, et a maxima inciter à changer dans un sens douteux la conception de l’enseignement.

Et pourtant, force est de constater que ce mot de curriculum, et l’approche des politiques éducatives qu’y est associée, ont du succès au niveau international. Il circule entre les États. Le terme est anglais – en effet ! – et fait partie depuis longtemps du vocabulaire commun de l’éducation Outre-Manche. Aussi, il a été vite adopté par les pays du nord de l’Europe (dans leurs traductions, en anglais, des prescriptions relatives aux enseignements) ainsi que par les organisations internationales dont les textes sont le plus souvent écrits…en anglais. Fait plus étonnant, à la fin des années 1990, le mot apparaît également dans les pays latins – en Italie, en Espagne, au Portugal – qui le traduisent dans leurs langues (curricolo). Même les pays francophones en dehors de la Métropole, qu’ils soient sur le continent africain ou américain, l’utilisent sans retenue.

Pourquoi ce succès, pourquoi ces pays aux traditions éducatives différentes ont adopté, sans trop hésiter, une approche curriculaire ? Et, tout d’abord, qu’est-ce qu’on entend au fond par cette notion de curriculum ?

[...] Adopter une approche curriculaire pour concevoir autrement le système d’enseignement et s’autoriser à le faire évoluer
Le curriculum serait donc un outil qui permet de concevoir autrement le système d’enseignement, à savoir sous le prisme de la recherche du sens et de la cohérence afin, en le rendant plus pertinent, d’en améliorer sensiblement l’efficience et la justesse par rapport aux valeurs mobilisées.

Interrogeons plus avant les raisons pour lesquelles les différents pays ont voulu répondre à ces exigences de clarification en élaborant leurs curriculums. La réponse est complexe, mais on peut lancer des pistes de réflexion en évoquant trois principes : la qualité de l’enseignement, l’inclusion et la lutte contre l’abandon scolaire.

Au moment historique actuel, lorsque les politiques favorisant l’accès à l’éducation mises en place en Europe durant le siècle passé ont tout autant apporté leurs fruits (le taux de scolarisation est à 100% jusqu’au niveau secondaire) que montré leurs limites (le nombre d’abandons scolaires demeure significatif, surtout parmi les classes sociales défavorisées), l’attention des gouvernants est tournée vers la mise en place de mesures qui garantissent la réussite de tous les élèves. Cela renvoie à des enjeux d’égalité entre les élèves mais aussi à des enjeux liés à l’élévation du niveau de qualification des populations. Dans ce contexte, le curriculum, par sa dimension globalisante, est perçu comme un concept novateur, qui rompt avec les conceptions (européennes) des systèmes éducatifs des XIXe et XXe siècles fondés sur la fragmentation des niveaux et des programmes d’enseignement, chacun ayant été créé à des périodes différentes ou pour des publics considérés comme différents.

Adopter une approche curriculaire signifierait avant tout s’autoriser à considérer, sereinement en se donnant le temps de la réflexion, les systèmes d’enseignement pour ce qu’ils sont : des accidents historiques qui ont leur raison d’être, mais que rien n’empêche de faire évoluer fondamentalement, en questionnant entre autres les croyances qu’y ont été associées au cours de l’histoire, qui composent ce que le CICUR appelle « l’imaginaire éducatif ».

Extrait de curriculum.hypotheses.org du

 

Voir :
la sous-rubrique Socle commun, Curriculum et Programmes
le mot-clé Socle commun, Curriculum et Programmes (gr 5)

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