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Comment l’école reproduit-elle les inégalités, par Sébastien Goudeau, éditions UGA, 2e édition (ToutEduc)

20 février

De la reproduction des inégalités sociales à l’école (ouvrage)

“La probabilité de rencontrer des difficultés scolaires, et la sortie progressive du système scolaire qui en résulte, augmentent au fur et à mesure que l’on se rapproche des classes sociales les plus défavorisées“, constate Sébastien Goudeau dans la deuxième édition de son ouvrage sur les inégalités sociales à l’école.

Au travers de récents travaux de recherche, le chercheur (U. Poitiers) présente la façon dont les situations dans lesquelles se déroulent les apprentissages peuvent amplifier ou réduire ces inégalités, en commençant par une lecture des approches dominantes en psychologie.

Déficits

Une première idée consiste en effet à penser que les élèves issus de milieux plus favorisés, au regard de leur plus grande réussite scolaire, “possèderaient davantage les qualités individuelles nécessaires à l’apprentissage (intelligence, motivation, contrôle de soi, confiance en soi, etc.)“. L’origine des “déficits“ des enfants des classes populaires en termes de performances intellectuelles ferait néanmoins débat entre scientifiques, qu’elle soit génétique (hypothèse d’un déterminisme de l’intelligence) ou environnementale (théorie du handicap socioculturel, en raison de la supposée “pauvreté“ du milieu familial). Autre concept, l’“essentialisation des performances scolaires“, pensée selon laquelle l’origine des comportements se situerait à l’intérieur des individus, se référant à une nature sous-jacente.

Mais ces explications “sous-estiment le pouvoir des situations scolaires sur les performances intellectuelles“ selon Sébastien Goudeau pour qui dès lors, “en ne reconnaissant pas (l)es inégalités initiales devant la culture scolaire, le système scolaire transforme les privilèges culturels en mérite individuel et en intelligence“, laissant cours au mécanisme de reproduction sociale.

Croyances

Celui-ci est d’ailleurs appuyé par un certain nombre de croyances véhiculées par l’école, celle-ci intégrant un “ensemble de valeurs historiquement et culturellement situées“ qui “ont le pouvoir de perturber les élèves de classe populaire“. Il s’agit par exemple de la “menace du stéréotype“ : “les situations d’évaluation, loin d’être neutres, ont tendance à créer des écarts de réussite entre les élèves de classe populaire et les élèves de classe favorisée“.

De même, les normes culturelles, comme celle d’indépendance (perception de soi comme acteur autonome et indépendant) auront une incidence sur les parcours des élèves. En effet, les conditions de vie des familles aisées “favorisent des pratiques de socialisation qui invitent les enfants à se mettre en avant et à exprimer leurs intérêts, préférences et opinions dans diverses activités de la vie quotidienne“. Ils sont des acteurs libres de suivre leurs intérêts et de construire leur propre futur. A l’inverse les classes populaires ont moins de ressources économiques, plus de contraintes et d’incertitude, moins de possibilités de choisir et d’influencer. Leurs normes culturelles sont dites d’ “interdépendance“, à savoir que les individus se perçoivent comme des entités reliées aux autres personnes et ils vont avoir tendance à agir d’une manière caractérisée par l’attention et l’ajustement aux autres et au contexte social. Ainsi “les grands oraux, qui ont pour objectif d’évaluer l’éloquence et l’originalité d’un projet personnel peuvent avoir des effets différenciés selon l’origine sociale des élèves“.

Rôle de l’école

Le fonctionnement du système éducatif tendrait également à la reproduction des inégalités scolaire, qu’il s’agisse de son organisation, la compétition y étant présentée comme “juste“, ou de sa fonction de sélection. Cette dernière possède un impact négatif sur la réussite des élèves de classe populaire, “particulièrement visible après le collège mais présente de façon moins explicite beaucoup plus tôt“. Elle s’opère notamment à travers les formes d’évaluation, sur les élèves (peur d’échouer, menace du stéréotype) tout comme sur les enseignants, conduits “à créer artificiellement des écarts de performance“ allant dans le sens de la hiérarchie sociale. C’est encore vrai pour le processus d’orientation, qui “opère de manière non consciente à l’insu des enseignants et est la conséquence d’un fonctionnement institutionnel orienté vers la sélection“.

Dans la classe enfin, les interactions entre pairs jouent un rôle également déterminant, les écarts étant “interprétés comme un révélateur de différences individuelles de capacités ou d’efforts“. Seulement la situation n’est “pas aussi équitable qu’elle semble l’être“, étant donné que les élèves des classes défavorisées et leurs familles se trouvent “placés à une distance plus importante des standards scolaires“, c’est pourquoi ils vont être perçus et se percevoir comme moins intelligents. Heureusement, conclut l’universitaire, “les enseignants ont le pouvoir, dans une certaine mesure, de modifier certaines croyances et pratiques à l’intérieur de la salle de classe“.

Comment l’école reproduit-elle les inégalités ?, Sébastien Goudeau, éditions UGA, 90p., 8,5€

Extrait de touteduc.fr du 18.02.24

 

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