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Autonomie des établissements et inégalités scolaires, par Gilles Combaz (Fabert, 2007)

4 juillet 2007

Extrait de « L’Observatoire des inégalités », le 04.07.07 : Autonomie des établissements et inégalités scolaires

Dans son ouvrage Autonomie des établissements et inégalités scolaires (Editions Fabert, 2007), Gilles Combaz dresse un bilan nuancé des effets de l’autonomisation des collèges sur l’évolution des inégalités scolaires. Le mouvement de localisation des politiques éducatives engagé depuis plusieurs années n’a pas, selon lui, induit globalement, un fonctionnement moins ségrétatif de l’école.

Dans le cadre des nouvelles formes de régulation des systèmes éducatifs, les établissements scolaires sont dotés, en France, comme dans la plupart des pays occidentaux, d’une autonomie croissante.

A priori, on peut légitimement supposer que ce processus a permis une réduction des inégalités scolaires. Une autonomie accrue devrait effectivement permettre une adaptation beaucoup plus fine de l’organisation de l’établissement vis-à-vis des difficultés scolaires spécifiques pouvant apparaître ici ou là dans tel ou tel contexte. Cette forme d’adaptation semble même vitale lorsque l’objectif affiché est de scolariser dans le même type d’établissement la quasi-totalité d’une classe d’âge le plus longtemps possible. Lorsqu’elle est mise en œuvre sans être articulée de manière forte avec les principales orientations nationales en termes de politique scolaire, cette adaptation aux spécificités des contextes locaux peut néanmoins contribuer à alimenter les processus de ségrégation sociale par l’école en renforçant exagérément les particularismes.

Le bilan est plutôt nuancé pour le premier cycle de l’enseignement secondaire en France (collège). L’analyse des effets sociaux de trois mesures ayant marqué chronologiquement le processus d’autonomisation des établissements (projets d’action éducative, parcours pédagogiques diversifiés et projets d’établissement) montre que les actions entreprises dans ce cadre-là donnent lieu, pour une part, à une transmission culturelle socialement très discriminante.

Une autonomie plus importante permet sans aucun doute aux établissements de se singulariser les uns vis-à-vis des autres par l’originalité de leur offre scolaire. Il ne s’agit cependant pas de simples différences mais d’un processus qui contribue à hiérarchiser les établissements par des apports très inégaux en termes de culture légitime. Dans les collèges scolarisant les publics les plus défavorisés socialement, le surcroît d’autonomie est souvent utilisé pour mettre en œuvre des actions permettant de canaliser les conduites déviantes ou de reprendre les apprentissages scolaires par des voies « détournées » visant à établir un lien très étroit avec le concret. Dans les établissements favorisés, les marges de manœuvre dégagées offrent fréquemment l’occasion d’entreprendre des activités originales qui, sans être totalement déconnectées des travaux de classe, permettent l’accès à une culture très élaborée.

Il faut souligner que pour une partie des collèges étudiés, on ne note aucun effet significatif : il n’y a pas de lien particulier entre la nature des contenus transmis et les caractéristiques socioculturelles des élèves accueillis. Enfin, pour une minorité d’établissements scolarisant une majorité d’élèves issus de milieux défavorisés, le surcroît d’autonomie permet de mettre en œuvre des actions conduisant à une réduction des inégalités d’accès aux contenus culturels. Sans doute faut-il préciser qu’il s’agit ici de collèges mobilisés dont le projet d’établissement est explicitement orienté vers la lutte contre les inégalités scolaires.

Ces résultats invitent à la plus grande prudence quant aux effets « démocratisants » pouvant être liés au processus d’autonomisation des établissements. Mais ceci ne doit pas automatiquement nous conduire à penser qu’un simple retour en arrière, redonnant la priorité à des solutions centralisées visant une relative standardisation du fonctionnement des établissements scolaires, constitue une réponse satisfaisante.

Faisant partie intégrante des réformes éducatives entreprises en France entre 1945 et le début des années soixante-dix, les dispositifs centralisés ont largement montré leurs limites en termes de lutte contre les inégalités sociales de réussite scolaire. Cela étant dit, le mouvement de localisation des politiques éducatives engagé depuis plusieurs années ne constitue pas non plus la garantie absolue d’un fonctionnement moins ségrégatif de l’école, loin s’en faut.

Les risques liés à la montée d’un certain libéralisme éducatif pointés par plusieurs sociologues de l’éducation ne peuvent être minimisés. Faut-il pour autant admettre que la tendance à favoriser la gestion locale de l’éducation et le processus d’autonomisation des établissements qui l’accompagne sont nécessairement condamnés à produire des inégalités scolaires ?

Ceci dépend sans doute en grande partie de la manière dont les principaux acteurs concernés - les enseignants, les chefs d’établissement mais aussi les différents responsables des administrations scolaires - se saisissent des marges de manœuvre récemment offertes.

En réalité, l’autonomie, aussi importante soit-elle, ne peut en elle-même avoir des conséquences automatiques et directes sur les inégalités scolaires. Ce sont essentiellement les transformations pédagogiques rendues possibles par des marges de manœuvre plus importantes qui peuvent éventuellement contribuer à les réduire.

L’Observatoire des inégalités

Un rappel : Le revenu dans les cités

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