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Présidentielle. Les écoles publiques sous contrat prônés par Valérie Pécresse "risquent d’ajouter au phénomène de ségrégation" (tribune de Philippe Bongrand et d’un universitaire américain dans Le Monde)

30 novembre 2021

« Les écoles publiques sous contrat risquent d’ajouter au phénomène de ségrégation »
TRIBUNE
Philippe Bongrand
Maître de conférences en sciences de l’éducation et de la formation à Cergy-Paris Université

Samuel Abrams
Directeur du centre national d’étude de la privatisation de l’éducation, à l’université Columbia à New York

Deux universitaires spécialistes des politiques scolaires, Philippe Bongrand et l’Américain Samuel Abrams, soulignent, dans une tribune au « Monde« , le bilan médiocre des « charters schools », ces établissements américains qui inspirent le programme éducatif de Valérie Pécresse, candidate à l’investiture LR pour l’élection présidentielle.

Tribune. Dans son programme éducatif pour l’élection présidentielle, présenté le 12 octobre à Venoy (Yonne), Valérie Pécresse propose de transformer 10 % des écoles publiques en « un nouveau type d’écoles publiques sous contrat, inspirées des “charter schools” britanniques ou suédoises ». Ces écoles, prioritairement implantées dans les territoires en difficulté, bénéficieraient des « libertés » de gestion des personnels, des publics et des projets pédagogiques dont jouissent actuellement, en France, les écoles privées, qui représentent 15 % des 60 000 établissements scolaires. Dans ces écoles, « les élèves et leurs parents [devront] respecter une charte d’engagement (…) sous peine de devoir quitter l’établissement ».

Attribuées à tort à la Suède et au Royaume-Uni par Mme Pécresse, les charter schools ont en réalité été inventées aux Etats-Unis en 1992. Elles bénéficient de dérogations aux règles communes de financement et de fonctionnement en contrepartie de l’engagement à garantir un certain niveau de performance – par exemple, un taux de réussite à des tests standardisés. Elles représentent aujourd’hui 7 % des écoles publiques américaines. Concernant les free schools (« écoles libres ») suédoises, lancées à partir de 1992, et les academies britanniques, des écoles publiques indépendantes, créées une décennie plus tard, prime l’idée de libéralisation du marché scolaire plutôt qu’une charte d’engagement.

Lire aussi Election présidentielle 2022 : Valérie Pécresse dévoile ses propositions sur l’éducation et souhaite « un sursaut national »

Le discours de Mme Pécresse reproduit les arguments types des promoteurs des charter schools. Promettant d’y « conjuguer le meilleur des méthodes pédagogiques du public et du privé », il vante leur efficacité pour accroître la qualité pédagogique et la motivation des enseignants ainsi que pour réduire les inégalités territoriales. Pourtant, les recherches accumulées depuis trente ans incitent, pour le moins, à la vigilance.

Effets pervers
Premièrement, la rigidité de cette « charte d’engagement » est source d’effets pervers. Toutes les familles n’ont pas des ressources égales pour s’y engager ou, le cas échéant, pour démontrer que des résultats insuffisants de leurs enfants ne s’expliqueraient pas par un manquement à la charte. Dans ces écoles, les modalités de candidature, de sélection ou d’exclusion opèrent un tri. Les établissements publics « ordinaires » se retrouvent alors avec des concentrations plus fortes encore d’élèves en difficulté, la situation renforçant le désir de les éviter. Ainsi, ces écoles risquent d’ajouter au phénomène de ségrégation, que l’enseignement public français connaît déjà en raison de ses propres options et filières sélectives.

Extrait de lemonde.fr du 29.11.21

 

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Rappelons que Philippe Bongrand est l’auteur de plusieurs études sur l’éducation prioritaire et même d’une étude sur l’OZP.

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