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Le Café analyse le nouveau mode de calcul des "moyens d’enseignement" et l’évolution des nouvelles priorités de la carte scolaire 2022. Les réactions syndicales

16 décembre 2021

Carte scolaire : Les comptes fantastiques de la rue de Grenelle
A quelle discipline appartient la constitution des cartes scolaires ? A la froide comptabilité budgétaire ? Ou à la littérature d’imagination ? Pour la rue de Grenelle c’est tout choisi. Après un premier essai littéraire l’année dernière, le ministère préfère parler "moyens d’enseignement" plutôt que "postes". En année électorale, la gestion a rendez vous avec la lune. La réalité c’est que c’est le premier budget sans création de postes au primaire, ce qui oblitère la "priorité au primaire" tant répétée par le ministre. Et que les académies comptant le plus d’élèves défavorisés sont désavantagées dans le partage des "moyens", ce qui oblitère la "priorité au social"...

Postes budgétaires et "moyens d’enseignement"

On croyait tout savoir sur les cartes scolaires 2022. Ou du moins sur le nombre de postes disponibles et à peu près sur les charges résultant de la politique ministérielle, comme les dédoublements. On avait tort. Présentées le 15 décembre en CTM ministériel, les cartes scolaires du 1er et du 2d degré s’affranchissent cette année des normes comptables et des frontières, notamment de celle entre titulaires et contractuels.

Faisons une lecture budgétaire. C’est simple : en 2022 il n’y a aucune création de postes budgetée. Dans le premier degré le nombre d’emplois enseignants inscrits au budget est stable. Dans le second degré 410 postes d’enseignants sont supprimés au bénéfice de la création de 300 postes de CPE, 50 d’infirmier et assistant social et 60 postes d’inspecteurs qui seront chargés de vérifier les écoles hors contrat et l’instruction en famille. Ce sont les enseignants qui payent le coût de la loi séparatisme.

La vision du ministère est toute autre. Dans le premier et le second degré, les "moyens d’enseignement" sont stables ou augmentent dans toutes les académies. L’expression "moyen d’enseignement" remplace partout celle de "postes" dans les documents ministériels. C’est que ces "moyens d’enseignement" incluent en plus des postes, les heures supplémentaires et les contractuels. Le ministère additionne des postes, qui sont bien réels, avec des heures supplémentaires qui seront éventuellement faites et des contractuels que l’administration réussira à trouver ou pas.

Cette novlangue administrative était apparue pour le second degré l’année dernière. Elle est maintenant généralisée. Elle correspond à une vision d’un Etat où, de par la loi de transformation de la Fonction publique, les différences entre fonctionnaire et contractuel sont appelées à disparaitre. Elle a surtout l’avantage de mettre dans le flou la politique ministérielle en années électorale, d’empêcher de faire des comparaisons objectives sur la réalité des moyens dans les académies d’année en année et de faire oublier la réalité qui est la baisse du nombre de postes d’enseignants en 2022.

Le ministère met aussi l’accent sur le fait que la nouvelle formation des enseignants permet d’envoyer en classe en temps complet les stagiaires issus du master MEEF. Cela représenterait 2025 moyens d’enseignement dont 1965 dans le premier degré. Mais ces "moyens" là sont bien budgetés. Ils ne s’ajoutent pas aux postes du budget.

Dans le premier degré

Dans le premier degré, le nombre d’élèves devrait continuer à baisser à la rentrée 2022, nécessitant donc moins de postes d’enseignants. Le ministère table sur 67 000 élèves en moins, ce qui représente environ 2500 postes libérés.

Le budget montre qu’il n’y a aucune création de postes. Le ministère déclare de son coté 1665 "moyens d’enseignement" supplémentaires qui , dans le premier degré ne peuvent être que des contractuels.

Cette déclaration masque une réalité : pour la première fois depuis l’arrivée de JM Blanquer au ministère, il n’y a pas de création de postes dans le premier degré. En 2021 on en comptait 2489, 440 en 2020, 2175 en 2019. La "priorité au primaire" n’existe plus dans le budget.

Regardons les besoins supplémentaires. Le ministère veut en 2022 augmenter les décharges des directeurs. L’effort sera deux fois moins important que l’année dernière mais il touchera quand même 20% des directeurs. Concrètement, les directeurs à partir de 12 classes seront totalement déchargés (aujourd’hui c’est 13 classes en maternelle et 14 en élémentaire). Les directeurs d’écoles de 6 et 7 classes passeront du quart au tiers de décharge. Tout cela représente 1300 emplois temps pleins (ETP).

Il ne restera donc en réalité qu’environ 1200 postes pour mettre en place la politique ministérielle. C’est avec ces moyens que le ministère devra généraliser le plafond à 24 élèves au maximum en GS, CP et CE1 et les dédoublements dans les grandes sections de maternelle, même si la fin de leur mise en place est étendue à 2023.

Si l’on compare les postes de 2021 avec les "moyens" de 2022, on observe deux académies qui s’en sortent bien : Grenoble (passerait de 25 postes à 87 moyens)et Mayotte (avec une trentaine de "moyens" en plus). Par contre la situation se dégrade à Aix Marseille (de 190 postes en 2021 à 111 "moyens" en 2022), Créteil (de 340 à 210), Lille (de 120 à 20), Lyon (de 200 à 90). Le ministère pénalise les académies les plus populaires. Dans ces académies la poursuite des dédoublements de GS devrait créer des tensions encore plus fortes en 2022 sur les "moyens".

Dans le second degré

Dans le second degré, 410 postes d’enseignants sont supprimés au budget. Le ministère déclare 1255 "moyens d’enseignement" supplémentaires. Ces "moyens" seront à trouver parmi les contractuels et les heures supplémentaires. On nous dit que leur nombre ne sera pas augmenté. Mais depuis 2020 le contingent n’est pas consommé. Le "tour de passe passe" que nous signalions en 2021 continuera en 2022.

Le ministère s’attend à une légère baisse du nombre d’élèves dans le second degré : 6600 de moins. Alors que les jeunes arrivant en collège et lycées sont connus depuis leur naissance, le ministère reste évasif sur l’évolution démographique car le taux de redoublant baisse avec les taux de succès record aux examens. Mais dès à présent le ministère est sous pression de la Cour des Comptes et du Sénat pour anticiper la baisse démographique qui est attendue à partir de 2023.

L’année dernière 1883 postes avaient été supprimés dans les académies. C’était davantage qu’en 2020 (820) et 2019 (465). Avec 470 postes de moins en 2022 la baisse continue. Par rapport aux nombre de "moyens" indiqué par le ministère c’est l’équivalent de 1725 postes supplémentaires que le ministère devra trouver en heures supplémentaires ou en contractuels cette année.

D’après le ministère, le nombre de "moyens d’enseignement" augmenterait partout, aucune académie n’étant en négatif. On aurait des hausses impressionnantes dans les académies rurales en perte démographique comme Dijon, Nancy-Metz, la Normandie, Reims, la Martinique et la Guadeloupe. Grenoble, Lille, Montpellier, Paris verraient aussi leurs "moyens" augmenter. Créteil est l’exception : l’académie la plus pauvre de France et une des rares où la population scolaire augmente voit le nombre de "moyens" divisé par deux. Cela confirme l’orientation donnée dans le premier degré.

Si on regarde la variation des postes c’est moins glorieux : 20 académies dans le rouge , notamment Lille avec 89 emplois en moins, Créteil avec -84, Versailles avec -24, Nantes et Orléans Tours -49, Rennes -62.

Trois faits majeurs

On retiendra des cartes scolaires de cette année trois nouveautés. La première c’est que pour la première fois le ministère ne communique plus de données réelles en nombre de postes dans les académies. Il s’affranchit du controle des emplois publics qui est du aux citoyens et ne donne plus que des informations sans base budgétaire.

La seconde information c’est que la priorité au primaire est terminée. Pour la première fois depuis l’arrivée de JM Blanquer il n’y a pas de création de postes dans le premier degré.

La troisième information c’est que dans la répartition des "moyens d’enseignement", le gouvernement privilégie les académies rurales aux dépens des académies urbaines et populaires. Ce choix reflète l’évolution de la politique d’éducation prioritaire. La "priorité au social" rejoint comme la "priorité au primaire" l’armoire à artifices.

François Jarraud

Voir en bas de l’article le tableau par académie

Extrait de cafepedagogique.net du 16.12.21

 

Carte scolaire : Premières réactions syndicales
D’"entourloupe" au "renoncement", les premières réactions syndicales aux nouvelles cartes scolaires du 1er et du 2d degré ne sont pas favorables. Les syndicats demandent des moyens supplémentaires pour faire face à la crise sanitaire.

"Surréaliste !". Secrétaire générale du Snes Fsu, Sophie Vénétitay voit dans la présentation des "moyens d’enseignement" , qui remplacent les postes dans la communication ministérielle, une "entourloupe". "Présenter une carte avec des chiffres positifs alors que le budget annonce 410 postes en moins marque la volonté de brouiller les pistes et de faire croire que cette politique est favorable au 2d degré alors que c’est faux".

" Cette année encore, la traduction en emplois des choix du gouvernement ignore la réalité des effectifs et les besoins concrets de notre système éducatif. Alors, que les effectifs continuent de croître dans le second degré de plus de 25 000 élèves, le ministère supprime 350 postes, tandis que dans le premier degré la dotation n’évolue pas", estime le Se Unsa. " Pour les élèves et les personnels, les conditions d’enseignement, d’apprentissage et d’exercice dans le second degré continueront à se dégrader... Ce budget est la traduction d’un renoncement : celui d’investir massivement dans l’éducation pour répondre aux défis qui se posent à notre pays en premier lieu celui de la réduction des inégalités. Le premier coût se mesure immédiatement. C’est celui des conditions de travail et d’enseignement dégradées".

"Nous avions demandé un collectif budgétaire pour que le système éducatif réponde mieux aux besoins des élèves sans mettre davantage en tension les personnels. Depuis la rentrée, nous vous avons alertés sur les postes non pourvus, les remplacements non assurés y compris sur une très longue durée", rappelle le Sgen Cfdt. " Il était possible de limiter l’impact de la vague épidémique sur le système éducatif par des recrutements plus tôt en 2021, par une organisation des services, une organisation et une priorisation du travail y compris dans sa dimension pédagogique, par la mise en œuvre effective d’une prévention combinée des contaminations. Faudra-t-il attendre la 12ème vague pour que le ministère comprenne que laisser le système dans une telle tension c’est le fragiliser durablement ?"

Le communiqué Unsa

 

La réforme de la formation des enseignants entraîne des moyens supplémentaires
Sans création de postes, le ministère de l’éducation nationale arrive à dégager des moyens d’enseignement supplémentaires, avec la réforme de la formation des enseignants.
Ce n’est pas un tour de passe-passe mais ça y ressemble. Alors que 400 postes d’enseignants du second degré sont supprimés, les « moyens d’enseignement », comme les appelle le ministère de l’éducation nationale, vont augmenter à la rentrée 2022. Ces moyens agrègent le nombre de postes de fonctionnaires, d’heures supplémentaires et de contractuels. Le taux d’encadrement dans le premier degré passera ainsi à 5,94 professeurs pour 100 élèves, contre 5,84 en 2021, selon la répartition des moyens par académie pour la rentrée 2022 annoncée par le ministère de l’éducation nationale mercredi 15 décembre. Avec cette manière de compter, le premier degré connaît une hausse de ses moyens à hauteur de près de 2 000 équivalents temps plein et le second degré à hauteur de 1 615.

La raison de cette augmentation est à chercher du côté de la réforme de la formation des enseignants et de ses conséquences. Jusqu’à présent, les candidats passaient le concours à la fin de leur première année de master. Une fois admis, ces enseignants stagiaires étaient à mi-temps devant les élèves. A partir de cette année, le concours est placé en fin de deuxième année de master. Les étudiants en cursus « métiers de l’éducation, de l’enseignement et de la formation » (MEEF) qui le veulent peuvent signer un contrat d’alternance et passer un tiers de leur temps en classe durant cette deuxième année. Ils seraient 38 % dans ce cas, selon le réseau des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé). S’ils réussissent le concours, ces enseignants stagiaires ne seront plus à mi-temps mais à plein temps devant les élèves, précise-t-on au ministère. Ce qui augmente mécaniquement les « moyens d’enseignement » sans toucher au nombre de postes.

Extrait de lemonde.fr du 15.12.21

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