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Un rapport de la Cour des Comptes sur la santé des enfants pointe des inégalités sociales et territoriales en PMI et en Santé scolaire, malgré la priorisation du rural et des Rep et Rep+

14 février 2022

La santé des enfants
Une politique à refonder pour réduire les inégalités sociales et territoriales de santé

Rapport de la Cour des comptes, 9 février 2022

Au 1er janvier 2021, les enfants de moins de 12 ans représentaient 9,4 millions de personnes en France, soit 14 % de la population. Leur état de santé aujourd’hui, et leur prise en charge par le système de santé, seront l’un des principaux déterminants de l’état de santé des prochaines générations d’adultes - et par conséquent, des dépenses de santé. Si l’état de santé des enfants est difficile à caractériser avec précision, la France se situe dans la moyenne des pays comparables. Toutefois, l’amélioration globale constatée cache des inégalités sociales marquées, et ce, dès le plus jeune âge. Par ailleurs, les dépenses publiques de prévention et de prise en charge des soins pour les enfants apparaissent limitées : en 2019, elles représentaient près de 4,5 % des dépenses nationales d’assurance maladie, soit 8,9 milliards d’euros. Dans le rapport publié ce jour, la Cour des comptes souligne que des marges de manœuvre existent en faveur de la prévention et de la promotion de la santé à destination des enfants.

Une politique de réduction des inégalités aux effets modestes
Si la lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé est une priorité régulièrement affichée par les pouvoirs publics, elle se heurte cependant à la pluralité des acteurs institutionnels (État, collectivités territoriales, organismes de sécurité sociale), dont les objectifs propres ne permettent pas de définir dans la durée une véritable politique visant à les réduire. Par ailleurs, malgré de nombreux dispositifs prévus pour assurer le suivi de la santé des enfants depuis leur plus jeune âge (dont vingt examens médicaux et cinq examens bucco-dentaires obligatoires), les résultats de ces derniers restent très difficiles à suivre. En 2019, par exemple, seuls 60 000 examens du 9ème et du 24ème mois ont été enregistrés par mois en moyenne, contre 125 000 attendus au regard des effectifs des enfants de ces âges. En 2018, moins d’un enfant sur cinq a bénéficié d’un examen par un médecin scolaire au cours de sa sixième année.

Réorganiser la politique de santé des enfants
Les deux réseaux d’acteurs historiques de la santé des enfants (PMI et santé scolaire) connaissent des difficultés importantes, régulièrement relevées. Ces difficultés s’inscrivent plus largement dans un mouvement de disparition progressive et d’éparpillement des compétences médicales et paramédicales spécialisées de l’enfant - en particulier en ville. En effet, la prise en charge des soins pour les enfants repose désormais majoritairement sur les médecins généralistes : en 2019, les pédiatres n’assuraient que 33 % des consultations des enfants de moins de 12 ans, concentrant leur activité sur les enfants de moins de deux ans habitant dans de grands pôles urbains et issus de milieux sociaux favorisés. Alors que la coexistence de plusieurs professions de santé dédiées à la santé des enfants (qu’il s’agisse de prévention ou de soins) aurait pu pallier les difficultés d’accès au système de santé, elles ont tendance à se cumuler dans certains territoires. La Cour estime en effet que des marges de manœuvre existent pour développer une politique ambitieuse de prévention et de promotion de la santé à destination des enfants.
Dans cette perspective, elle formule trois grands axes de recommandations : l’amélioration de la gouvernance et du pilotage, le renforcement de l’offre de soins à destination des enfants et la construction d’un parcours de soins territorialisé. Réaffirmer l’importance du médecin traitant de l’enfant, qui ne concerne aujourd’hui qu’un enfant sur deux, constitue par exemple un levier pour mieux structurer le parcours de prévention et de soin de l’enfant, en lui confiant par exemple la réalisation des examens obligatoires et en inscrivant son action dans une démarche pluriprofessionnelle s’appuyant sur des délégations d’actes ou la reconnaissance en libéral des infirmiers de puériculture. Il pourrait s’agir du point de départ d’un investissement social, dont l’efficience se mesurerait, à terme, par l’amélioration de l’état de santé des adultes.

Extrait de ccomptes.fr du 09.02.22

Lire le rapport (175 p.)

EXTRAIT (pp. 83-85)

[...] B - La santé scolaire, une institution aux multiples missions difficiles à satisfaire
La place particulière de l’école dans la stratégie de réduction des inégalités sociales et territoriales et dans la promotion de la santé a été réaffirmée à plusieurs reprises, en particulier par la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l’école de la République, et celle du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Comme la Cour l’a souligné en avril 2020, les missions de l’éducation nationale en matière de santé des élèves, qui ont considérablement été élargies, s’articulent autour de deux approches : l’une individuelle de prévention et de repérage des troubles susceptibles d’entraver les apprentissages mais aussi de suivi des enfants à besoins particuliers (notamment pour l’aménagement de leurs conditions de scolarité), l’autre collective d’éducation à la santé et de promotion de la santé, ainsi que de réponse sanitaire en cas de maladie transmissible survenant dans le cadre scolaire.

Pour remplir ces nombreuses missions, l’éducation nationale s’appuie principalement sur
des médecins et des infirmiers scolaires, auxquels s’ajoutent des psychologues et des assistants sociaux, soit plus de 20 300 ETP en 2018 pour 12 millions d’élèves.
1 - Une incapacité à répondre à sa mission de suivi individuel des enfants
Malgré les priorités réaffirmées dans la stratégie nationale de santé et par le comité interministériel sur la santé du 26 mars 2018, le taux de réalisation des examens en milieu scolaire, très variable selon les départements, en limite fortement la portée universaliste et le rôle dans une politique de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé.
La non-réalisation de ces examens auprès d’une partie des enfants tient autant à un manque de moyens humains (cf. infra) et des défauts dans l’organisation (coordination
insuffisante des professionnels de santé impliqués, système d’information défaillant) qu’à une volonté de cibler les enfants en ayant le plus besoin.
Selon la direction générale de l’enseignement scolaire, les médecins scolaires priorisent
leurs visites d’une part en fonction des éléments portés à leur connaissance par la PMI ou les médecins traitants, par les familles, les enseignants ou encore les psychologues, et d’autre part en fonction de leurs autres missions, très nombreuses. Une attention particulière est portée aux enfants relevant d’établissements classés en réseau d’enseignement prioritaire (REP) ou REP+ pour les visites médicales comme les bilans infirmiers. Les infirmiers, plus nombreux, ont quant à eux une demande de priorisation sur les élèves en zone rurale.
Néanmoins, ces critères de priorisation ne sont pas formalisés et sont laissés à la libre appréciation au mieux des académies, voire de chaque professionnel de santé scolaire. Ainsi, l’académie de Lille travaille actuellement sur une révision des critères de répartition des infirmiers afin de mieux prendre en compte les besoins dans les zones rurales caractérisées par des difficultés plus importantes dans l’accès aux soins. Cette absence de définition partagée des critères n’est pas à même de garantir que tous les enfants puissent bénéficier d’un examen de santé aux âgés clés de leur développement. Certains sont sans doute vus plusieurs fois malgré la possibilité laissée aux parents d’attester par un certificat médical de la réalisation d’un examen correspondant par un professionnel de santé libéral de leur choix ; d’autres jamais. Or, comme le rappelait déjà le HCSP dans son avis de 2013127 sur la santé scolaire, « l’existence de passages obligés à des moments clé du développement reste nécessaire du fait de la diversité
des situations sociales des élèves et de leur inégal suivi médical. Pour être efficaces, ces
consultations doivent réellement couvrir l’ensemble de la population du fait des enjeux en matière d’inégalités de santé, ce qui n’est pas le cas dans le contexte actuel. »
Par ailleurs, les médecins et les infirmiers scolaires sont de plus en plus sollicités par les
équipes éducatives, les familles voire les élèves eux-mêmes pour réaliser des visites à la
demande, et par l’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers et les élèves en situation de handicap dans le cadre de l’école inclusive. Les médecins assurent aussi la visite médicale préalable à l’affectation de l’élève mineur aux travaux réglementés.

2 - Des difficultés démographiques et organisationnelles
Comme la Cour l’a souligné en avril 2020, les performances de la santé scolaire sont très en-deçà des ambitions et des objectifs fixés en raison de difficultés persistantes dans l’organisation. En particulier, la répartition des missions entre les médecins et les infirmiers repose sur une intervention séparée et cloisonnée, sans système d’information partagé ni principe de subsidiarité ou de gradation dans le suivi. C’est « l’aboutissement insatisfaisant d’une histoire administrative compliquée, à contrecourant de l’évolution retenue pour tout le reste des dispositifs et professions de santé », « une réponse excessive à des pressions catégorielles faisant prévaloir des approches par métier au détriment d’une vision globale des besoins de la santé scolaire ».
Cette situation est d’autant plus dommageable que les effectifs de médecins et d’infirmiers scolaires connaissent des évolutions démographiques très différentes.
En effet, la croissance des effectifs infirmiers est plus rapide que celle de la population
scolarisée ce qui s’est traduit par une diminution du nombre moyen d’élèves suivis par ETP infirmier (1 300 en 2018 contre 1 348 en 2013), avec le maintien d’importantes disparités territoriales à l’avantage des départements les plus ruraux. Ils étaient en 2018 près de 8 000 ETP, particulièrement présents dans les établissements publics du second degré. La densité moyenne était de 63,6 infirmières scolaires pour 100 000 élèves.
En revanche, les effectifs de médecins scolaires sont en nette diminution, avec 966 ETP
en 2018 (contre 1143 en 2013, soit une baisse de 15,5 %) ce qui s’est traduit par une
augmentation du nombre moyen d’élèves suivis pour dépasser les 12 500 élèves. A ces
médecins titulaires s’ajoutent les médecins contractuels qui représentaient en 2018 17,4 % des effectifs de médecins (soit 6,3 points de plus qu’en 2013), avec des différences marquées entre académie, et des médecins vacataires. La densité moyenne s’établit alors à 8,4 médecins scolaires pour 100 000 élèves. Enfin, malgré les mesures de revalorisation salariale consenties, la médecine scolaire souffre toujours d’un défaut d’attractivité, avec 31 % de postes budgétaires vacants en 2018. [...]

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