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L’école exerce-t-elle une autorité abusive sur les familles les plus fragiles ? (Vers le Haut)

27 janvier 2023

L’école exerce-t-elle une autorité abusive sur les familles les plus fragiles ?
Réflexions autour de l’ouvrage L’égale dignité des invisibles. Quand les sans-voix parlent de l’école.

« Pour rentrer dans les apprentissages, un enfant a besoin d’être en sécurité, de sentir que son environnement personnel et l’école avancent dans la même direction. La relation parents-enseignants est à cet égard absolument essentielle. Si l’enfant entend un langage très différent à l’école de celui qu’il entend à la maison, s’il vit des réalités tellement différentes qu’il ne voit aucun lien entre l’école et sa famille, il est pris dans un conflit de loyauté. Face à un choix impossible, il ne veut pas trahir sa famille et son milieu et, de façon inconsciente, il bloque la possibilité de rentrer dans les apprentissages. »

Marie-Aleth Grard

 

La relation entre famille et école est loin d’être uniforme. Elle peut prendre le visage de la connivence lorsque l’enfant s’y épanouit et que culture scolaire et culture familiale se répondent en écho. Elle peut cependant se vivre dans le conflit et l’hostilité quand elle vire à l’incompréhension et aux reproches mutuels.

Si école et famille constituent sans conteste deux autorités pour l’enfant, elles n’endossent pas le même rôle symbolique pour sa réussite sociale et professionnelle. L’école représente pour beaucoup de parents un espoir. De ce fait, lorsque le conflit surgit, il se teinte de douleur. Car de l’issue de ce conflit dépendra souvent la trajectoire future de l’enfant.

Autorité sur l’enfant, autorité sur la famille
Le rapport à l’institution scolaire des familles qui vivent dans la grande pauvreté vient souligner d’une façon particulièrement cuisante cet enjeu majeur des relations entre autorités éducatives. Et c’est une des grandes forces de l’ouvrage dirigé par Marie-Aleth Grard de mettre en lumière la dynamique douloureuse de leur relation à l’école.

L’autorité que l’école exerce sur les enfants s’exerce également sur les familles. Certes, pas toutes. Car l’école n’a que peu de choses à reprocher aux parents dont les enfants obtiennent de bonnes notes, arrivent le matin avec les devoirs faits, écoutent en classe, n’adoptent pas de comportements violents ou déplacés, etc. Mais quand ce n’est pas le cas ?

Alors, elle convoque les parents, leur laisse entendre qu’ils n’ont pas su imposer un cadre, qu’ils ne sont pas en mesure d’aider leur enfant à réussir, qu’elle sait mieux qu’eux ce qu’il lui convient, etc. En tout cas, c’est ainsi que les parents qui témoignent dans ce livre, la plupart militants Quart Monde, le ressentent bien souvent.

Or cette perception s’inscrit dans une dynamique complexe des relations qu’ils ont eux-mêmes tissées avec l’institution scolaire en tant qu’enfants. Ces parents qui se sentent victimes d’abus d’autorité de la part de l’école relatent souvent en premier lieu de tels abus vécus dans l’enfance.

Souvenirs aigus de violences pédagogiques ordinaires
Nombre d’entre eux gardent des souvenirs douloureux du comportement de certains professeurs. Moqueries, manque d’attention, défaut d’assistance, les abus dont ils estiment avoir été victimes ont contribué à faire naître une défiance durable envers l’institution.

Franck, issu de la communauté des gens du voyage, subissait régulièrement des agressions de la part de ses camarades et n’a pas trouvé auprès des adultes le soutien qu’il aurait pu espérer : « Quand mes camarades m’injuriaient, les profs ne réagissaient pas. »

Céline, en difficultés scolaires au moment de l’hospitalisation de sa mère, entend sa maîtresse lui dire : « Tu redoubles parce que ta mère est folle. »

Murielle, victime de violences familiales ayant affecté son développement, se souvient également avec douleur de son entrée à l’école élémentaire.

« Au CP, la maîtresse était méchante. Elle voyait bien que je n’arrivais pas à parler correctement, elle me mettait toujours au fond de la classe. Et elle remettait tout le temps sur le tapis ma vie depuis ma naissance, elle disait que je ne ferais jamais rien de bien. Pendant les deux ans que j’ai passés au CP, elle m’a massacrée. »

Leurs témoignages mentionnent aussi souvent des rencontres positives avec certains professeurs plus encourageants ou à l’écoute. Mais le sentiment qui domine est celui d’avoir été rabaissés plus que portés par ces figures d’autorité.

L’intention des enseignants n’est pas toujours perçue comme mauvaise. Souvent présentés comme impuissants face aux difficultés rencontrées par ces enfants – comme le souligne la chercheure Dominique Reuter interviewée dans l’ouvrage – leurs réponses semblent surtout guidées par la maladresse, l’incompréhension et la méprise.

Des parents empreints de méfiance [...]

Extrait de verslehaut.org du 20.01.23

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