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Conférence de consensus du Cnesco : l’évaluation en classe, les notes, le socle commun... et la demande sociale de tri et de classement (Le Café/ToutEduc)

17 mars 2023

Evaluation : Les recommandations du Cnesco

« On sait depuis des dizaines d’années que l’évaluation scolaire peut être la meilleure comme la pire des choses. La meilleure quand elle est au service des apprentissages des élèves, la pire quand elle les décourage ». En novembre 2022, juste avant l’ouverture de la conférence de consensus sur l’évaluation réunie par le Cnesco, Marie-Christine Toczek fixait comme objectif de « changer de regard sur l’évaluation en classe ». Le 15 mars, le jury, composé d’acteurs de terrain réunis par le Cnesco, rend ses recommandations. Constatant les évolutions en cours, notamment dans le premier degré, il invite à développer une autre culture de l’évaluation. Le Cnesco recommande aussi d’éviter « le recours aux moyennes ». Pour cela, il souhaite réviser le LSU (livret scolaire unique) et instituer un LSU lycée. Compte tenu de la popularité très relative du LSU, même amélioré, la proposition ne va pas de soi. Mais peut-on réduire l’évaluation à une question pédagogique et occulter la demande sociale d’une École conçue pour trier et classer ?

Une conférence ouverte en novembre 2022

« L’évaluation n’est pas un accessoire des apprentissages scolaires, elle est au cœur de ceux-ci« , affirment à juste titre Agnès Florin et André Tricot, qui tiennent aujourd’hui les rênes du Cnesco. La conférence de consensus sur « l’évaluation en classe au service de l’apprentissage des élèves« , qui s’est tenue en novembre 2022, a notamment posé la question de la notation, jugée démotivante et injuste. Les intervenants ont montré qu’on peut la maintenir sans en faire un élément décourageant pour les élèves.

Quelques mois après la conférence, il revient au jury, présidé par Isabelle Négro, professeure de psychologie du développement à l’Inspe Côte d’Azur, d’en tirer des recommandations. Ses 19 membres sont des enseignants, des parents d’élèves, des personnels de direction et d’inspection. C’est la grande différence avec la conférence organisée par le ministère en 2014 sur le même sujet. La conférence de consensus du Cnesco cherche des recommandations basées sur la recherche mais tient aussi compte des attentes du terrain.

Enrichir les pratiques d’évaluation

Le jury appelle d’abord à enrichir les pratiques pédagogiques d’évaluation. Il recommande « d’intégrer l’évaluation dès le début de la conception d’une séquence » : « Intégrer l’évaluation en tant que support de l’apprentissage dans la conception de la séquence, en dépassant la simple programmation d’une évaluation (sommative) à la fin de la séquence« . Pour cela il invite à rendre vraiment explicites les critères d’évaluation, c’est à dire à les écrire et à les faire comprendre. Il demande aussi de « ne porter aucun jugement de valeur sur un élève » mais sur les tâches. Il faut « axer les feedbacks sur les critères préalablement communiqués aux élèves« . Il recommande aussi « d’impliquer les élèves dans l’acte d’évaluer » en développant l’évaluation entre pairs et des moments de co-évaluation.

L’autre grand axe des recommandations concerne la formation à la culture de l’évaluation. Selon le Cnesco, il faut « développer une culture commune autour de l’évaluation« . Cela veut dire former les enseignants, les accompagner sur une durée longue en s’appuyant sur des communautés apprenantes.

Vers un LSU lycée ?

Le Cnesco fait aussi des recommandations institutionnelles : inscrire l’évaluation des les projets d’établissement et « éviter au maximum le recours à des moyennes« . Il faut « faire disparaître, à court terme, tout élément de comparaison entre élèves, dans les comptes rendus d’évaluations en classe et dans les bulletins scolaires (moyenne la plus basse et moyenne la plus haute de la classe dans chaque discipline, moyenne de la classe, etc.) » et « engager une réflexion, à moyen terme, sur les indicateurs qui pourraient remplacer la moyenne« .

On en arrive à la recommandation la moins consensuelle. Le Cnesco recommande de « produire une version révisée du LSU (livret scolaire unique) qui permettrait d’éviter les confusions actuelles entre les attendus des programmes disciplinaires et ceux du socle commun. Ce document unique de référence pour l’évaluation du CP à la 3e assurerait une meilleure correspondance entre objectifs disciplinaires et attendus transversaux du socle« . C’est reposer la question du socle alors que le brevet, par exemple, se garde bien de trancher entre compétences et notes. Le Cnesco va plus loin en demandant de « généraliser pour le lycée, la disponibilité de documents d’évaluation et de suivi des compétences et savoirs attendus, à l’image du livret scolaire unique (LSU), permettant une mise en place plus aisée d’évaluations critériées. La place des notes et des moyennes dans ce document ferait l’objet d’une réflexion particulière« . La perspective d’un LSU lycée, alors que le Cnesco laisse entendre que le LSU collège a bien du mal à trouver sa place, est pour le moins osée.

Quelles conditions pour une révolution de l’évaluation ?

Est-ce à dire que le système éducatif français est incapable de faire évoluer son évaluation ? En fait une véritable révolution a eu lieu dans le premier degré où de nouvelles formes d’évaluation se sont généralisées. Cela s’est fait à bas bruit. Cette révolution pédagogique souterraine a été orchestrée par les enseignants et acceptée par les parents, l’institution et la société dans son ensemble.

Car la question de l’évaluation ne dépend pas que des pratiques pédagogiques. Il y a une grande hypocrisie à faire porter le poids de l’évaluation normative sur les seuls enseignants. Traiter de l’évaluation c’est aussi rappeler que l’institution ne cesse de construire l’élitisme, de séparer socialement les élèves et d’encourager les filières d’excellence. La publication des IPS n’a fait qu’ouvrir au grand public une réalité bien connue sans qu’on sache d’ailleurs si ses effets seront positifs ou négatifs. Et, ces dernières années, on a vu l’institution développer par exemple les internats d’excellence ou les lycées internationaux, autant de signaux en faveur de la sélection. Ils répondent à une demande sociale qui encourage l’évaluation normative et le tri social.

On entre dans l’angle mort de la conférence. Si la question pédagogique est bien posée, la demande sociale reste obscure. Ce qui est toléré dans le premier degré, une évaluation plus positive et moins destructrice, le sera t-il dans le second degré ? Comment les enseignants peuvent-ils y changer les choses sans soutien de la société ? La pression constatée en lycée depuis la réforme du bac peut inquiéter.

François Jarraud

Les documents du Cnesco
Pourquoi une conférence sur l’évaluation ?
Première journée de la conférence : Sus aux notes !
Seconde journée : composer avec la note
La conférence de 2014 2015 (dossier)
Fabrizio Butera : notes et reproduction sociale
Les notes sont-elles justes ? Entretien avec Pierre Merle

Extrait de cafepedagogique.net du 16.03.23

 

Evaluations : les recommandations du CNESCO sont plus sévères pour notre système scolaire qu’elles n’en ont l’air

"Le constat est un peu triste, les élèves sont à la recherche de bonnes notes et oublient que la finalité, c’est l’apprentissage." Cette formule du jury qui conclut la conférence de consensus du CNESCO sur l’évaluation résume la difficulté de faire évoluer les représentations, du fait de la confusion entre les deux grandes fonctions des évaluations, accompagner les élèves dans leurs apprentissages et les classer, les comparer les uns aux autres. On observe toutefois, depuis une quinzaine d’années, un mouvement dans le 1er degré, soulignent Agnès Florin et André Tricot, qui se partagent la direction du Centre national d’étude des systèmes scolaires, on commence à le voir au collège, mais pas au lycée. Dans le 2nd degré, les "évaluations surprises" sont encore très fréquentes, et les parents ont un rapport ambigu aux notes, ils en demandent en même temps qu’ils savent qu’elles sont source de stress pour les élèves, pour les enseignants, et pour eux-mêmes.

"Les notes et les classements produisent des effets délétères (...) : découragement, détérioration de la performance, baisse de l’estime de soi et de la motivation", effets qui ne sont pas légitimes "quand l’enjeu n’est pas de sélectionner". Et pourtant l’évaluation est "au coeur" des apprentissages scolaires : "les élèves qui sont évalués pendant l’apprentissage sont plus performants et progressent plus que les élèves qui ne sont évalués qu’en fin d’apprentissage." Il s’agit de "demander aux élèves de mettre en œuvre la connaissance de ce qu’ils sont en train d’apprendre, puis de leur faire un retour sur leurs éventuelles erreurs, sur les causes de ces erreurs et sur la façon de ne pas les reproduire", de leur donner un "feed back" tout au long de la séquence... L’évaluation est alors "la meilleure des choses", tandis qu’elle est "la pire" quand la confusion règne.

Se pose dès lors la question de la validité du contrôle continu pour le baccalauréat, qui augmente la pression mise sur les élèves tout au long de l’année. Le jury de la conférence invite les enseignants à bien différencier les notes qui sont destinées à faire progresser l’élève et celles qui entrent dans le processus de certification. Ils sont "maîtres à bord" et ne sont pas obligés d’inscrire toutes les notes sur le dossier de l’élève. La conférence s’interroge aussi sur le LSU, le livret scolaire unique qui accompagne l’élève du CP à la 3ème et qui n’est pas organisé selon la logique du "socle commun de connaissances, de compétences et de culture". De même en ce qui concerne les évaluations nationales de CP, CE1, 6ème..., les "évaluations nationale", intéressantes au niveau "macro" ne peuvent pas être en même temps des outils d’aide pour chacun des élèves. Si, lors de la conférence de presse de présentation du rapport, hier 15 mars, le jury a été prudent dans ses formulations, il n’en a pas moins mis en cause certains aspects de l’organisation de notre système scolaire : "le changement long et profond" que "nous observons en France depuis quelques années (...) implique de nombreuses modifications à tous les niveaux, des pratiques quotidiennes dans la salle de classe au pilotage national."

A noter parmi les recommandations aux enseignants
- Définir des critères clairs et limités en nombre à atteindre par tous les élèves, quel que soit leur niveau initial, et s’y référer pour définir si les objectifs fixés ont été atteints ou non.
- Être attentif à ne porter aucun jugement de valeur sur un élève (même positif, même avec ironie), produire un retour sur les réponses et surtout sur les stratégies mises en œuvre.
- Impliquer les élèves dans le processus évaluatif, selon différentes modalités : évaluations entre pairs (...), auto-évaluations (...), moments de co-évaluation (lorsqu’élève(s) et enseignant comparent leurs évaluations respectives).

Parmi les recommandations à l’institution
- Encourager la construction de communautés apprenantes, pour enclencher des dynamiques de changement de pratiques évaluatives collectives (par exemple : partages de pratiques, renforcement des pratiques collaboratives en s’appuyant sur les structures existantes, actions locales de formation, extension de la réflexion à la comparaison internationale, etc.).
- Faire disparaître, à court terme, tout élément de comparaison entre élèves, dans les comptes rendus d’évaluations en classe et dans les bulletins scolaires (moyenne la plus basse et moyenne la plus haute de la classe dans chaque discipline, moyenne de la classe, etc.).
- Produire une version révisée du livret scolaire unique (LSU) qui permettrait d’éviter les confusions actuelles entre les attendus des programmes disciplinaires et ceux du socle commun.

Extrait de touteduc.fr du 16.03.23

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