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Le doublement de l’indemnité REP+ n’a pas affecté les REP et a développé les voeux d’affectation dans l’ensemble de l’éducation prioritaire (Insee, août 2023)

1er septembre 2023

L’impact du doublement de l’indemnité REP+ sur les vœux de mobilité des enseignants
Insee Analyses, n° 87, 31.08.23

Entre 2017 et 2019, l’indemnité annuelle associée à l’affectation dans un établissement classé en Réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) a été doublée. Cette hausse permet de mesurer l’effet des incitations financières sur les souhaits de mobilité des enseignants du second degré. Les listes de vœux exprimés dans le cadre du mouvement intra-académique des enseignants de Montpellier sont mobilisées ici à cette fin.

Une hausse de 1 000 euros de cette indemnité annuelle augmente de 1,4 point la part des enseignants qui souhaitent rejoindre un établissement REP+. Les enseignants les plus influencés par la hausse de l’indemnité REP+ sont ceux qui ont moins d’expérience ou qui travaillent déjà dans un établissement de l’éducation prioritaire renforcée. Des simulations suggèrent que ce changement de politique indemnitaire ne se serait pas effectué au détriment des établissements seulement classés REP sans être REP+ ; il aurait plutôt incité davantage d’enseignants à émettre des vœux de mobilité et à choisir moins fréquemment des établissements non classés en éducation prioritaire.

Sommaire
Les indemnités associées à l’affectation en éducation prioritaire
L’indemnité REP+ a progressivement doublé entre 2017 et 2019
L’augmentation de l’indemnité REP+ a incité les enseignants à émettre davantage de vœux en vue de rejoindre ces établissements
Les vœux de mobilité plus fréquents pour les établissements REP+ n’auraient pas été émis au détriment des REP

Les indemnités associées à l’affectation en éducation prioritaire
En 2014, environ 730 collèges ont été labellisés « Réseau d’éducation prioritaire (REP) » et 360 « Réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) ». L’éducation prioritaire a été mise en place au début des années 1980 pour tenter de réduire les inégalités scolaires. Elle consiste à cibler les établissements accueillant un public socialement défavorisé, sur lesquels sont concentrés des moyens supplémentaires. Pour améliorer l’attractivité de ces établissements, une partie de ces moyens finance une indemnité accordée aux enseignants qui y sont affectés. Une évaluation antérieure [Ouvrir dans un nouvel ongletProst, 2013] avait montré que ces tentatives n’étaient pas nécessairement concluantes, y compris pour inciter les enseignants à rester dans ces établissements, vraisemblablement en raison d’un montant indemnitaire insuffisant à l’époque (moins de 8 % du salaire annuel d’un enseignant). Dans un contexte différent, en Caroline du Nord (États-Unis), Ouvrir dans un nouvel ongletClotfelter et al. (2008) avaient toutefois suggéré qu’une indemnité, même modeste, de l’ordre de 7 % du salaire annuel d’un enseignant sans expérience, pouvait conduire à retenir davantage les enseignants et à diminuer ainsi la mobilité sortante de ces établissements.

Cette étude examine le cas d’incitations financières plus substantielles, pouvant représenter jusqu’à 20 % du salaire d’un enseignant certifié en début de carrière. Elle s’appuie sur des données originales : les listes de vœux d’affectation émises par les enseignants de l’enseignement secondaire public de l’académie de Montpellier lors des campagnes de mutation intra-académique entre 2015 et 2019 (sources). Chaque année, un enseignant qui souhaite changer d’établissement peut établir une liste d’au plus 20 vœux en classant les établissements ou les zones géographiques dans lesquels il souhaite être affecté. En fonction de son ancienneté, de sa situation familiale et du type de vœu demandé, un barème attribue à l’enseignant un certain nombre de points pour chacun des vœux émis. Les affectations sont ensuite établies de manière centralisée au moyen d’un algorithme d’appariement fondé uniquement sur ce nombre de points. Les propriétés de cet algorithme, étudiées notamment par Ouvrir dans un nouvel ongletFack et al. (2019), éliminent en principe les comportements stratégiques consistant, pour un enseignant, à ne pas classer les établissements selon ses préférences (par exemple, en préférant classer dans ses premiers choix un établissement considéré comme plus facilement atteignable que l’établissement préféré). Comme l’intérêt de chaque enseignant est bien de classer ses vœux dans l’ordre de ses préférences, en théorie, les feuilles de vœux révèlent les préférences. Ces données permettent de documenter de manière inédite l’impact des incitations financières sur la mobilité désirée des enseignants vers les établissements, mesurée par la part correspondante des vœux exprimés en tête de liste par les enseignants.

L’indemnité REP+ a progressivement doublé entre 2017 et 2019
Les enseignants affectés dans un établissement d’enseignement prioritaire (REP) du second degré bénéficiaient en 2015 d’une indemnité de 1 734 euros par an ; ce montant est resté inchangé jusqu’en 2019. En REP+, cette indemnité s’élevait à 2 312 euros par an entre 2015 et 2017, puis elle a été augmentée à 3 479 euros en 2018 et à 4 646 euros en 2019 (figure 1). Ce doublement sur deux ans de l’indemnité correspond à une évolution de la rémunération qui n’est a priori pas liée à une modification des conditions d’exercice dans ces établissements sur la période. En ce sens, elle constitue une expérience naturelle qui permet d’évaluer l’impact causal des incitations financières sur la mobilité désirée des enseignants vers ces établissements (méthodes).

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Pour en savoir plus
Silhol J., Wilner L., « Quel effet des primes spécifiques à l’éducation prioritaire sur les voeux de mobilité des enseignants ? », Documents de travail n° 2023-09, Insee, avril 2023.

Fack G., Grenet J., He Y., “Ouvrir dans un nouvel ongletBeyond Truth Telling : Preference Estimation with Centralized School Choice and College Admissions”, The American Economic Review, Vol. 109 : 1486-1529, 2019.

Prost C., “Ouvrir dans un nouvel ongletTeacher Mobility : Can Financial Incentives Help Disadvantaged Schools to Retain Their Teachers ?”, Annals of Economics and Statistics, No. 11-112, pp. 171-191, 2013.

Clotfelter C., Glennie E., Ladd H., Vigdor J., “Ouvrir dans un nouvel ongletWould higher salaries keep teachers in high-poverty schools ? Evidence from a policy intervention in North Carolina”, Journal of Public Economics, Volume 92, Pages 1352-1370, 2008.

Extrait de insee.fr du 31.08.23

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