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École : exclure les élèves harceleurs, est-ce vraiment la solution ?
auteur
Amira Karray
Maître de conférences en psychologie clinique, Laboratoire LPCPP EA3278, Aix-Marseille Université (AMU)
Le « zéro tolérance » face au harcèlement scolaire, brandi par le nouveau ministre de l’Éducation, suite au décret du 16 août 2023 sur l’exclusion de l’élève harceleur, montre tant la gravité de ce phénomène qui traverse l’école que la nécessité d’actes forts pour traiter cette menace qui pèse sur beaucoup d’enfants, d’adolescents et de familles.
Cependant, cette mesure révèle aussi l’impuissance dans laquelle se trouvent les institutions pour faire face à ces violences et fournir des espaces scolaires sereins et favorables au vivre ensemble.
Avec l’enchaînement des évènements violents, des tensions politiques et sociétales, l’école traverse aujourd’hui une crise de sens dont elle a du mal à sortir. La chronicité des souffrances au sein de l’institution scolaire dans sa globalité, renforce aussi les phénomènes d’exclusion et les violences symboliques.
Le harcèlement scolaire, un phénomène complexe [...]
Extrait de theconversation.fr du 19.09.23
Elsa Maudet : “Dis, c’est quoi… le harcèlement ?”
Dans le cadre de la collection, « Dis c’est quoi » de Lacour des Loulous, Elsa Maudet, co-fondatrice du P’tit Libé, signe un livre sur le harcèlement scolaire, « Dis c’est quoi… le harcèlement scolaire ? ». Une question, un dessin, une réponse simple et claire : cet ouvrage fait le tour du sujet en s’adressant aux élèves harcelés, témoins et harceleurs, des rôles qui peuvent s’inverser au cours de la scolarité. Surtout, il prône le vivre ensemble, meilleure arme face au harcèlement. Elsa Maudet répond aux questions du Café pédagogique.
Votre livre s’adresse aux enfants à partir de 6 ans, pourquoi ?
M’adresser aux élèves d’élémentaire était primordial pour moi. Souvent lorsque l’on parle de harcèlement, on le renvoie beaucoup à l’adolescence, au collège. Pourtant, il est crucial de travailler cette question dès l’école primaire.
Les élèves entendent parler de harcèlement, ils connaissent le mot, mais ils ne cernent pas ce que cela signifie réellement. Pour écrire ce livre, je suis allée dans des classes. Très vite, lorsque j’interrogeais les élèves, une moitié me disait être harcelée. Mais quand on creuse, on voit bien qu’ils parlent de disputes. Ils pensent savoir, mais ils ne savent pas réellement ce qu’est le harcèlement.
Vous commencez votre livre par une partie sur le vivre ensemble. Pourquoi ce choix ?
Si on fait un vrai travail de prévention, on aura beaucoup moins de cas de harcèlement. La prévention passe par le vivre ensemble. Travailler sur l’empathie, et ce dès le plus jeune âge, permet aux enfants de comprendre que lorsque l’on se moque cela fait du mal. Il s’agit finalement de leur apprendre à vivre ensemble, à prendre soin les uns des autres. On a le droit de ne pas s’entendre avec quelqu’un, on a le droit de se disputer avec un copain ou une copine. Là où cela ne va pas, c’est quand on est à plusieurs à se moquer de la même copine ou du même copain et ce souvent.
Peut-on appréhender votre livre comme un support pédagogique pour lancer des discussions autour du vivre ensemble et du harcèlement ?
Ce livre peut se lire comme un album, mais il est préférable que sa lecture soit accompagnée par les parents, les animateurs ou les enseignants. Et si c’est en classe, en effet, on peut s’en saisir pour déclencher des discussions sur le harcèlement, mais aussi sur le vivre ensemble, l’empathie. Pour faire le point sur ce que l’on ressent lorsque l’on est en colère ou lorsque l’on est victime. Il permet de travailler aussi l’estime de soi, d’affirmer sa différence. Et si un enseignant fait le parallèle entre certaines situations évoquées dans le livre et dans sa classe, c’est un super support pour en parler.
Mais il me semble important d’insister aussi sur le fait que travailler sur le harcèlement ne peut se faire seulement sur le temps de l’école. Le périscolaire joue un rôle fondamental. Si les animateurs s’en saisissent aussi, dans une forme de continuité, alors banco. Si le périscolaire et le scolaire avancent avec le même support, avec le même discours, cela peut désamorcer les choses. Il y aura nécessairement des effets positifs sur le climat scolaire. Je sais que ce n’est pas évident, mais il y a un vrai enjeu.
L’illustratrice et vous évoquez votre enfance et le fait que peut-être vous avez été victimes ou complices de harcèlement. Le harcèlement, cela touche tout le monde ?
Le harcèlement touche filles et garçons de tous les milieux sociaux. On voulait aussi montrer que ce n’est pas un phénomène nouveau. Les enfants d’aujourd’hui ont de la chance, on en parle. A notre époque, on parlait beaucoup de racket, mais jamais de harcèlement. Alors que lorsqu’on y repense, cela existait.
Il y a beaucoup de choses à régler, beaucoup de choses à faire – ce n’est pas normal qu’un jeune adolescent se suicide, malgré tout il y a beaucoup plus d’outils et de prévention qu’avant. C’est mieux, mais beaucoup reste à faire.
Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda
« Dis, c’est quoi le… Harcèlement scolaire ? », édition Lacour des Loulous
Extrait de cafepedagogique.net du 20.09.23
Arrestation en plein cours : feu vert du Ministre
Mardi 19 septembre, un collégien de 14 ans a été interpellé et menotté par la police en plein cours dans son collège d’Alfortville. L’adolescent est accusé d’avoir harcelé et menacé de mort un élève d’un autre collège. Une arrestation qui n’a pas semblé du goût du rectorat qui a indiqué dans un communiqué échanger « avec les autorités concernées pour comprendre dans quelles conditions des policiers ont pu être amenés à intervenir dans un établissement scolaire pour procéder à l’interpellation d’un élève en classe ». Du côté du ministère, on valide la méthode, on la justifie. En déplacement au Centre sportif Jules Ladoumègue à Paris, Gabriel ATTAL, a réagi à l’arrestation d’un collégien pour des faits de harcèlement à Alfortville. « J’ai souhaité que tout le ministère et au-delà de lui l’ensemble de la société prenne à bras le corps le problème du harcèlement. Personne ne doit sous-estimer un phénomène qui a conduit à la mort tragique de plusieurs jeunes dans notre pays et qui pourrit celle de milliers d’autres » a-t-il déclaré. « Maintenant, c’est le temps de l’action… Il faut évidemment qu’il puisse y avoir une réaction rapide dans ces circonstances, et ça a été le cas… C’est une mobilisation qui est évidemment complexe. Elle conjugue la communauté éducative, les forces de l’ordre, les magistrats, les associations ». « Alors, oui, nous devons intervenir le plus tôt possible. Je comprends, bien sûr, que cela puisse interroger. Je le dis : on a besoin tout à la fois d’autorité et de sérénité. Mais il ne peut pas y avoir de sérénité sans autorité » a-t-il conclu.
Dorénavant, que les enseignants et enseignantes se le tiennent pour dit. Leurs cours peuvent être interrompus par la police afin qu’elle procède à une arrestation…