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Les adolescents et leurs pratiques de l’écriture au xxie siècle : nouveaux pouvoirs de l’écriture ?,
Injep, nov. 2023, 122 p.
Ce rapport rend compte des résultats saillants d’une enquête mise en place dans le cadre de l’Observatoire de la lecture et de l’écriture des adolescents piloté par l’association Lecture Jeunesse. Les résultats d’une enquête quantitative conduite en 2022 avec l’aide du CREDOC auprès d’un panel de 1 500 adolescents sont croisés avec les données issues de 50 entretiens individuels analysés par l’universitaire Anne Cordier, ce qui permet de les affiner et de les nuancer. Ce rapport met ainsi l’accent sur les difficultés des jeunes à se définir comme scripteurs, sur les écarts de pratiques entre adolescents (que ce soit en raison de leur genre ou de leur appartenance sociale), sur leur rapport complexe aux apprentissages scolaires de l’écriture. Est aussi mis en évidence le caractère non exclusif – quoique dominant – des pratiques d’écriture numériques, l’écriture manuscrite restant porteuse d’authenticité et de singularité. Pour les adolescents du xxie siècle, écrire est encore faire oeuvre mémorielle et la trace écrite participe de la construction de soi en permettant en particulier les relectures et la prise de distance.
L’enquête éloigne l’image convenue d’adolescents soumis à leurs impulsions et au diktat de l’instant : en utilisant les applications technologiques nouvelles, ils se révèlent capables de construire certains contenus dans la durée, de penser des stratégies de publication. S’ils assignent prioritairement à l’écriture une fonction utilitaire et mémorielle, ils déclarent aussi un goût net pour les pratiques créatives à caractère fictionnel ; l’écriture leur permet aussi d’exprimer leurs opinions en réagissant au discours d’autrui, en particulier sur les réseaux sociaux. Ce faisant, ils expérimentent les interactions constantes entre lecture et écriture.
L’enquête révèle ainsi des pratiques diversifiées et des potentialités d’engagement importantes chez les adolescents, leviers qui restent à saisir par les différents médiateurs. Le rapport débouche précisément, en conclusion, sur quelques sollicitations et pistes de réflexion à leur intention.
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[...] 3.Les déterminants socioculturels de l’écriture
3.1 L’influence de l’environnement familial
Un facteur jouant fortement sur la fréquence d’écriture
Comme la lecture, l’écriture n’échappe pas aux mécanismes de différenciation sociale. L’enquête quantitative a permis de révéler les surreprésentations de certaines catégories socio-économiques dans les différents groupes déclarés de scripteurs (scripteur fréquent, occasionnel et non-scripteur). Le niveau d’études et la situation socioprofessionnelle des parents sont des facteurs fortement discriminants : les enfants de parents diplômés, cadres ou intellectuels (+10 points) et dans des situations financières confortables (+8 points) ont des pratiques d’écriture nettement supérieures à la moyenne. Les nonscripteurs ou ceux qui doutent de l’utilité de l’écriture, à l’inverse, sont plus nombreux à avoir des parents peu ou non diplômés (+7 points par rapport à la moyenne).
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3.2 L’influence du lieu de résidence
Il existe aussi une corrélation entre pratique scripturale et le lieu de résidence, quoique celle-ci soit moins significative que celle entre fréquence d’écriture et environnement familial. L’enquête quantitative permet d’observer que les adolescents vivant dans des villes moyennes (20 000 à 99 999 habitants) sont légèrement plus nombreux que la moyenne à écrire parfois (+6 points). De même, les adolescents vivant dans des agglomérations de 100 000 habitants et plus (+5 points) ou dans l’agglomération parisienne (+7 points) pratiquent plus souvent l’écriture artistique (scrapbooking, lettering, bullet journal) que la moyenne. À l’inverse, parmi les adolescents qui déclarent ne jamais pratiquer aucune forme de copie, ceux vivant dans une petite ville (2 000 à 19 999 habitants) ou dans une commune rurale sont davantage représentés (respectivement +5 points et +4 points par rapport à la moyenne).
Enfin, l’enquête quantitative montre que les adolescents vivant dans une grande agglomération ont légèrement plus tendance à déclarer que l’écriture manuscrite ne sert plus à rien désormais. Ainsi 23 % des jeunes vivant dans l’agglomération parisienne le déclarent contre 20 % dans les villes de 20 000 habitants et plus et 16 % dans les villes de moins de 20 000 habitants et les communes rurales.
Cet écart, relativement léger, doit cependant être considéré avec précaution. Une lecture possible, parmi d’autres, de ces chiffres pourrait les interpréter comme un effet miroir d’une pratique numérique davantage sollicitée en milieu urbain : la facilité, la variété et la fréquence de ses usages conduiraient donc en retour à minorer, voire à dévaloriser, la pratique manuscrite.
Extrait de injep.fr de novembre 2023
Voir aussi Le Café du 27.11.23 : Ciel, les ados écrivent !