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"L’évitement scolaire, un effet boomerang de la labellisation de la politique de la ville ?" : une étude de l’IPP qui s’applique aux QPV et non à l’EP

17 octobre 2024

L’ évitement scolaire : un effet« boomerang » de la labélisation en politique de la ville ?
Le pôle éducation de l’Institut des politiques publiques publie ce mercredi 16 octobre une nouvelle étude sur les mécanismes d’évitement scolaire.

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Présentation de l’étude
Dans cette étude, les autrices, Manon Garrouste (professeur à l’Université Paris-Saclay et chercheuse affiliée à l’IPP) et Miren Lafourcade (professeur à l’Université Paris-Saclay et chercheuse affiliée à PSE et à l’IPP), se sont intéressées aux effets de la politique de la ville sur les choix d’établissement scolaires.

Cette politique permet d’attribuer des moyens supplémentaires à des zones défavorisées, appelées “quartiers prioritaires” depuis 2014, dont le revenu est situé sous le seuil de pauvreté. Mais elle peut aussi en contrepartie créer des effets de labellisation de nature à stigmatiser les établissements situés dans les zones ciblées.

Cette stigmatisation territoriale est analysée sous le prisme de l’évitement scolaire des collèges publics situés dans les quartiers périmétrés par la politique de la ville.

Résultats clés
Les collèges publics des quartiers entrés dans le périmètre la politique de la ville ont connu une hausse de l’évitement scolaire par rapport aux collèges des quartiers contrefactuels situés au-dessus du seuil de pauvreté.
À l’entrée en 6e, la proportion d’élèves scolarisés dans ces collèges a ainsi diminué de 3,5 points de pourcentage en moyenne, soit environ 6 élèves en moins relativement aux collèges contrefactuels
Cet évitement scolaire a concerné toutes les familles, mais les catégories socio-professionnelles plus modestes se sont davantage tournées vers les collèges publics et les catégories plus favorisées davantage vers les collèges privés.
À l’inverse, la sortie d’un quartier du périmètre de la politique de la ville n’implique pas de hausse de la scolarisation dans le collège de secteur. La stigmatisation territoriale créée par ces effets de labellisation apparaît donc peu réversible.

Notabene
La politique publique évaluée ici est celle de la géographie prioritaire et non de l’éducation prioritaire. Ces deux types de dispositifs se superposent sur le territoire. L’éducation prioritaire, qui dépend du ministère de l’Education nationale, fournit des moyens supplémentaires à des établissements scolaires identifiés comme socialement et scolairement défavorisés, dans l’objectif de réduire les écarts de performance scolaire. La politique de la ville, qui est inter-ministérielle, fournit des moyens supplémentaires à des quartiers identifiés comme économiquement défavorisés. La géographie prioritaire cible des quartiers, tandis que l’éducation prioritaire cible des établissements scolaires, dont certains sont aussi potentiellement situés dans le périmètre de la politique de la ville. Dans les deux cas, il s’agit de dispositifs qui visent, in fine, à aider les résidents et les élèves scolarisés défavorisés.

[...] Conclusion
Dans un contexte où les familles n’observent qu’imparfaitement les caractéristiques des établissements scolaires, la géographie prioritaire engendre un phénomène d’évitement scolaire difficilement réversible. Alors qu’une nouvelle révision de la cartographie de la politique de la ville est entrée en vigueur au 1er janvier 2024, il paraît essentiel de poser la question de la pertinence des politiques
« zonées », compte tenu de l’effet de renforcement de la ségrégation sociale scolaire mis en lumière dans cette note. Étant donné les conséquences potentiellement négatives de cette ségrégation sur la réussite scolaire des élèves, ces résultats incitent à privilégier un ciblage direct des élèves en difficulté, plutôt que des quartiers et de leurs établissements scolaires.

Cette note s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche financé par l’ANR (ANR-21-CE28-0004 ILSESD) et a bénéficié du soutien de la Chaire Politiques éducatives et mobilité sociale.

Extrait de www.ipp.eu du 16.10.24

 

Politique de la ville : une étude met en lumière l’évitement scolaire dans les collèges après un classement en « quartier prioritaire »

Les chercheuses Manon Garrouste et Miren Lafourcade, de l’université Paris-Saclay, soulignent « un effet de stigmatisation très significatif » et remettent en cause la pertinence d’aides « zonées ».

C’est un résultat qui questionne l’efficacité de la politique de la ville menée depuis 2014 dans les quartiers dits « prioritaires », où vivent quelque cinq millions d’habitants. Les chercheuses Manon Garrouste et Miren Lafourcade, professeures à l’université Paris-Saclay, ont étudié, pour l’Institut des politiques publiques (IPP), les conséquences de la création des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sur les collèges situés dans ces zones, où les pouvoirs publics déploient des moyens afin de réduire les inégalités économiques et sociales avec le reste du territoire. Leur étude, publiée mercredi 16 octobre, montre que cette politique, lorsqu’elle est mise en œuvre, entraîne « un effet de stigmatisation très significatif » des collèges publics situés en QPV, à l’origine d’une hausse importante de l’évitement scolaire.

Après la réforme de 2014, dans les quartiers prioritaires de la ville – dont la carte a été revue pour la première fois en décembre 2023 –, la proportion de parents inscrivant leurs enfants en 6ᵉ dans un autre établissement que celui du secteur a ainsi augmenté de 3,5 points. En revanche, les deux chercheuses n’ont pas observé d’effet de la réforme de 2014 sur les choix des parents dont les enfants étaient déjà scolarisés dans le secondaire, une donnée qui « atteste du mécanisme informationnel à l’origine de la stigmatisation des collèges ».

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Cet évitement scolaire à l’entrée au collège, qui n’est pas ponctuel mais persiste jusqu’à cinq ans après l’entrée dans le zonage de la politique de la ville, est « différencié selon le statut socio-économique ou la profession du parent référent », notent les autrices. La désignation d’un quartier comme « prioritaire » aboutit ainsi à une hausse de 3,6 points de l’évitement des familles favorisés vers l’enseignement privé. Aucune fuite vers le privé n’est observée parmi les familles défavorisées, mais l’étude constate un évitement scolaire croissant vers d’autres collèges publics établis en dehors du quartier prioritaire, de l’ordre de 4,8 points de pourcentage.

Effet non « réversible »
« Ces effets d’évitement différenciés selon le statut socio-économique tendent donc à accentuer la ségrégation sociale entre les établissements publics et privés avoisinants », notent Manon Garrouste et Miren Lafourcade. Elles observent par ailleurs une légère baisse des résultats au brevet de la première cohorte d’élèves de 6ᵉ entrée au collège dans un QPV après la réforme de 2014. « Cela signifie (…) que, pour les élèves restés dans le collège de secteur, cet effet de [la recomposition sociale liée à la politique de la ville] a supplanté à court terme l’effet positif des politiques de soutien à la réussite scolaire ayant pu être mises en place dans les nouveaux quartiers prioritaires », conclut la note de l’IPP.

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L’effet est d’autant plus dommageable qu’il n’est pas « réversible », puisque les collèges sortis de la politique de la ville ne bénéficient d’aucun regain d’attractivité. A la lumière de ces résultats, les autrices invitent, « compte tenu de l’effet de renforcement de la ségrégation sociale scolaire », à questionner « la pertinence des politiques “zonées” ».

Extrait de lemonde.fr du 16.10.24

 

Notes du QZ :
 Les conclusions de cette étude peuvent interroger la tentation gouvernementale d’aller vers une convergence de la carte de l’EP et de celle des QPV.
 Orthographe : le dictionnaire Larousse reconnaît les orthographes "labelisation" et "labellisation" [utilisée aussi par l’IPP] tandis que le Robert ne cite que "labellisation".

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