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FSU : Gérard Aschieri définit la « vraie politique des ZEP »

24 février 2007

Extraits de « Libération » du 22.02.07 : Tous les moyens à l’éducation

L’urgence absolue : faire porter l’effort là où sont les difficultés qui tirent le système éducatif vers le bas.

Pour qui voteront les enseignants ? Cette question semble avoir passionné les médias ces derniers jours. Elle en a occulté une autre bien plus fondamentale : quels projets pour l’école et les jeunes ?

Quel système éducatif pour quelle société ? La question : se contente-t-on d’une société où, à côté d’emplois hautement qualifiés, subsisteraient une masse d’emplois sans qualification et généralement précaires ? Ou pense-t-on que l’on a un impérieux besoin d’élever la qualification de tous parce que c’est indispensable pour chacun et pour notre société et que l’avenir se dessine avec tous les enfants et les jeunes d’aujourd’hui ? Dans le premier cas, l’école de la réussite de tous ne relève que d’un affichage politiquement correct et en réalité point n’est besoin de combattre les déterminismes sociaux : il suffit de corriger à la marge les inégalités pour éviter des élites trop homogènes ; dans le second cas il y a un postulat à poser, celui que tous les jeunes peuvent réussir, que le service public peut déjouer les inégalités, et il faut lui donner les moyens de tenir son pari.

Seul le second terme de l’alternative est de nature à nous engager dans la voie de l’avenir. L’accès de tous à des diplômes reconnus et des qualifications de plus en plus élevées, la constitution d’une culture commune et le développement d’une recherche indépendante des intérêts du marché sont un impératif pour notre société, qu’il s’agisse de son développement économique, du respect de son environnement, de son fonctionnement démocratique, de la capacité de chacun de s’y insérer dans la plénitude effective de ses droits. On ne préparera pas la France du XXIe siècle en regardant en arrière vers un âge d’or qui n’a jamais existé.

C’est un pari qui s’impose, et le problème est de savoir comment s’y prendre pour le réussir. Pas facile à un moment où la crise sociale submerge la crise scolaire, où les personnels, croulant sous des injonctions passéistes et laissés seuls face aux difficultés, perdent confiance. Comment penser répondre aux 15 % d’élèves en grande difficulté sans projet collectif, en les renvoyant eux et leurs familles à une responsabilité individuelle injuste et inopérante ? L’urgence et la priorité absolue : faire porter l’effort là où sont les difficultés qui tirent le système éducatif vers le bas.

Cela signifie une vraie politique de l’éducation prioritaire qui se pense moins en termes d’égalité des chances que d’égalité d’accès aux droits.

S’il peut sembler généreux de permettre à certains jeunes issus de quartiers dits défavorisés d’accéder à une classe préparatoire ou à une grande école, si ce type de démarche a le mérite de mettre le doigt sur un problème, il ignore trop souvent que la question centrale est de permettre à tous les jeunes de ces quartiers d’accéder à une qualification, alors que la plupart décrochent bien avant le bac ; il oublie aussi que l’université est le lieu où se retrouve la masse des jeunes bacheliers et où il y a urgence à combattre l’échec.

Une vraie politique de l’éducation prioritaire doit se fonder sur une répartition fortement inégalitaire des moyens guidée par des critères sociaux.

Elle implique la recherche impérative de la mixité sociale.

Elle ne doit en aucune façon en rabattre sur les objectifs de formation ni miser sur la déréglementation et la concurrence mais permettre l’expérimentation, l’initiative des équipes éducatives dotées des moyens en temps et en formation pour travailler plus collectivement et suivre les élèves en grande difficulté.

Faire le pari de la réussite de tous implique aussi de penser autrement la lutte contre l’échec : il faut sortir d’une logique où l’on se contente de se demander qui va faire les heures de soutien sans se préoccuper de créer les conditions pour prévenir l’échec en intervenant dès les premières années de l’école et en permettant aux enseignants de travailler avec d’autres, de croiser les regards et les pratiques. Cela implique de trouver par le travail en équipes des solutions pour les élèves en très grande difficulté scolaire, dès l’école maternelle et élémentaire. De créer les conditions d’un vrai collège de la réussite de tous ouvrant sur des lycées qui donnent leur place à toutes les voies, générale, technologique, professionnelle, et de combiner une offre d’éducation diversifiée avec des passerelles qui évitent les culs-de-sac. Cela implique de faire travailler ensemble les diverses formes de l’enseignement supérieur et de penser les rapports entre l’école, les services publics et les associations laïques qui contribuent à l’accompagnement à la scolarité. Et cela implique un vrai travail sur ce que l’on enseigne à l’école, sur les relations à établir entre les savoirs, sur leurs liens avec la recherche.

Enfin, il n’y aura pas d’école de la réussite pour tous si l’on ne se préoccupe pas de ses personnels. D’abord en arrêtant de « charger la barque » et en se mettant dans la tête que l’école ne se réduit pas aux enseignants : on a besoin sur le terrain de personnels qualifiés qui puissent travailler ensemble dans tous les métiers du système éducatif. Et les enseignants n’ont pas tant besoin d’une liberté pédagogique formelle que des instruments qui leur permettent de penser individuellement et collectivement leurs pratiques et de les faire évoluer : cela signifie notamment une vraie formation en liaison avec une recherche en éducation qui se nourrit des pratiques de terrain et les alimente en retour. Cela signifie une politique de recrutement qui pense le long terme et l’attractivité de ces métiers.

Cela implique d’investir dans l’éducation. Encore les moyens ? Oui, car c’est une supercherie de laisser croire que l’on peut mieux enseigner avec des classes plus lourdes, que l’on peut répondre aux difficultés scolaires ou sociales sans varier les conditions d’apprentissage, que l’on peut faire l’économie d’une véritable école maternelle ou laisser l’université dans sa misère actuelle. C’est tromper l’opinion que de laisser penser que l’on peut assurer la réussite de tous sans bourses et aides conséquentes à la scolarité. Et les « moyens » sont aussi un signe à donner que notre société a fait un choix et est déterminée à l’assumer ; une façon de donner confiance à tous.

Gérard Aschieri

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