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Politique de la Ville et Education nationale : l’avis de la commission des finances du Sénat, avec les auditions de la Cour des comptes, de Luc Chatel et de responsables de la Ville

novembre 2009

Extrait du site du Sénat le 07.11.09 : Contrôle budgétaire - Enquête de la Cour des comptes - Politique de la ville et de l’éducation nationale dans les quartiers sensibles - Audition pour suite à donner

La commission a tout d’abord procédé à l’audition pour suite à donner à l’enquête de la Cour des comptes sur l’articulation entre les dispositifs de la politique de la ville et de l’éducation nationale dans les quartiers sensibles.

M. Jean Arthuis, président, a souligné, en préalable, l’originalité de l’enquête, dont la demande a été effectuée à l’initiative de deux rapporteurs spéciaux, MM. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la mission « Ville et logement », et Gérard Longuet, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire », et qui s’est adressée de la même manière à deux chambres de la Cour des comptes.

L’opportunité a ainsi été offerte de faire travailler la Cour des comptes sur la combinaison des politiques publiques et, plus particulièrement, sur l’articulation des interventions d’une administration de type « classique » et d’une administration de mission.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a salué le travail de la Cour des comptes et l’exhaustivité de l’enquête dont le périmètre balaie l’ensemble des dispositifs mis en oeuvre par le ministère de l’éducation nationale et la politique de la ville. Ce travail offre l’occasion de revisiter le débat classique sur la distinction entre les moyens de droit commun et les crédits spécifiques. Toutefois, la vraie mesure de l’égalité républicaine devant l’éducation et la lutte contre l’échec scolaire doit prendre en compte les interventions des collectivités territoriales dont certaines peuvent consacrer des moyens substantiels à ces actions.

M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, a tout d’abord souligné « l’exceptionnelle implication des acteurs de terrains » qui font quotidiennement face à des situations difficiles. Il a rappelé que si l’échec scolaire n’est pas une préoccupation nouvelle du ministère de l’éducation nationale, la mise en place d’une politique personnalisée est quant à elle récente et lente à se généraliser : ainsi en 2007-2008, seulement 10 % des collégiens relevant de l’éducation prioritaire bénéficiaient d’un programme personnalisé réussite éducative (PPRE). De même, s’agissant de l’accompagnent éducatif, seulement 27 % des écoliers relevant des « réseaux ambition réussite » y participent, le soutien scolaire n’étant au demeurant choisi que par deux tiers des participants. Cette nouvelle approche personnalisée des missions de l’éducation nationale impacte le métier d’enseignant sans toutefois le bouleverser puisqu’elle n’a pas conduit à une modification des obligations de service, les nouveaux dispositifs proposés reposant sur le volontariat aussi bien des enseignants que des élèves.

Avant de présenter les principales conclusions de l’enquête, M. Jean Picq a rappelé les enjeux de la politique de l’éducation prioritaire : à l’entrée du collège, un élève sur deux relevant de l’éducation prioritaire ne maîtrise pas les compétences de base en français contre un sur cinq hors éducation prioritaire, ces chiffres étant respectivement de un sur trois et un sur dix pour les compétences en mathématiques.

Il a indiqué que les recommandations de la Cour des comptes s’articulent autour de trois idées :

 la simplification des dispositifs mis en oeuvre de part et d’autre pour lutter contre l’échec scolaire dans les quartiers sensibles. Cette simplification passe par une meilleure définition des moyens et des outils mis à la disposition des personnels concernés, ainsi que par une clarification des usages. Il a noté que l’éducation nationale doit systématiquement participer aux instances de pilotage de la politique de la ville en matière éducative car trois élèves sur quatre relevant de la géographie prioritaire de la ville sont également en éducation prioritaire. De même, il a insisté sur la nécessité de revoir la construction des dotations globales horaires des établissements afin d’intégrer dans les moyens de droit commun ceux liés à l’accompagnement éducatif. Il a également souhaité que le recours à l’expérimentation soit développé tout comme l’évaluation des dispositifs avant leur reconduction, notamment lorsque les contrats résultant de la politique de la ville sont renégociés ;

 la concentration des interventions sur les territoires les plus en difficulté, qui devrait être facilitée par la refonte envisagée de la géographie prioritaire de la ville. M. Jean Picq a abordé la question de l’assouplissement récent de la carte scolaire dans l’éducation prioritaire en soulignant qu’elle entraîne dans les établissements les plus en difficulté une déperdition d’élèves et une concentration de l’échec scolaire. Il a ensuite appelé l’attention sur le traitement de la question déterminante de la sécurité des élèves ;

 l’amélioration de l’efficacité de la politique éducative dans les quartiers sensibles. Celle-ci peut être notamment renforcée si l’accès aux dispositifs ne se conjugue pas avec les inégalités préexistantes. Citant l’exemple de Chanteloup-les-Vignes, il a souligné que le principe de volontariat sur lequel est basé l’accompagnement éducatif porte préjudice à l’égalité républicaine car elle conduit à une inégalité de l’offre de soutien scolaire en la matière, inégalité qui n’est pas nécessairement compensée par l’action des collectivités. Il a, à cet égard, incité le ministère à préciser sa doctrine d’emploi afin que ces situations puissent être évitées.

M. Jean Arthuis, président, a souligné l’implication décisive des acteurs locaux pour la réussite des dispositifs.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, a indiqué que, depuis 2007, l’éducation nationale développe de nouveaux services gratuits individualisés auprès des familles afin d’aider tous les élèves qui en ont besoin. La réforme de l’école primaire, avec les deux heures d’aide personnalisée ou les stages de remise à niveau, la mise en place de l’accompagnement éducatif, ainsi que la réforme du lycée, témoignent de cette individualisation de l’accompagnement.

Il a estimé que le ministère met en oeuvre une politique d’égalité des chances ambitieuse grâce à des moyens conséquents affectés à l’éducation prioritaire, soit près de 1,2 milliard d’euros en 2010.

L’articulation est étroite avec la politique de la ville dans le cadre de la relance de l’éducation prioritaire et la participation du ministère à la dynamique « Espoir banlieues ». Plusieurs chantiers sont communs aux deux ministères comme par exemple les « cordées de la réussite » ou les internats d’excellence.

Il a ensuite énoncé les différents points pouvant faire l’objet d’améliorations :

 l’élaboration d’une politique de ressources humaines innovante pour les réseaux ambition réussite doit être étudiée ;

 l’articulation des deux politiques doit respecter le principe selon lequel la ville concentre son action sur ce qui favorise la réussite éducative, contrairement au ministère de l’éducation nationale qui doit se centrer sur le champ scolaire. A cet égard, la circulation de l’information doit être optimisée, via notamment la création d’instances locales plus opérationnelles.

Thierry Tesson, directeur de cabinet de Mme Fadela Amara, secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville, a souligné l’importance du volet éducation dans le plan « dynamique espoir banlieues ». Il s’est déclaré en accord avec les préconisations de la Cour des comptes, notamment sur la meilleure coordination des actions. Il a souligné l’amélioration notable des relations entre le monde scolaire et périscolaire, grâce notamment à la mobilisation des équipes. Il a estimé nécessaire d’éviter une simplification excessive des dispositifs, la contractualisation devant conserver aux acteurs une marge de liberté importante.

S’agissant de l’évaluation, il a indiqué que l’observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) et l’Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé) ont mis en place un « suivi de cohorte », permettant une mesure de l’efficacité à long terme sur des groupes d’enfants.

Il a observé que le dispositif le plus efficace est celui de la réussite éducative qui repose sur la mutualisation et la globalisation de tous les aspects de l’environnement de l’élève.

Il s’est déclaré favorable à l’intégration des actions de l’éducation prioritaire dans les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) et au fait que les recteurs d’académie consignent ces documents.

M. Hervé Masurel, secrétaire général du comité interministériel des villes, a souligné le caractère novateur des études d’évaluation par cohortes. Il a évoqué les différents dispositifs mis en oeuvre dans le cadre de la politique de la ville et, notamment, les écoles de la deuxième chance et les internats d’excellence.

M. Serge Dassault a considéré que l’échec scolaire, facteur de développement de la délinquance, est dû aux insuffisances de la formation professionnelle des enfants dont 140.000 sortent chaque année du système scolaire sans formation utile. Il s’est déclaré très opposé au principe du collège unique et a dénoncé l’échec de l’éducation nationale et sa responsabilité.

M. Gérard Longuet,
rapporteur spécial, a demandé des précisions sur la budgétisation de la mesure annoncée par le ministre de l’éducation nationale en faveur de l’augmentation de la prime annuelle versée aux enseignants de l’éducation prioritaire. Il a interrogé le ministre sur sa conception de la participation des élus locaux au soutien de l’éducation prioritaire.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, s’est inquiété des conditions dans lesquelles est mené le chantier de la révision de la géographie prioritaire et de l’existence d’une coordination, sur ce point, entre l’éducation nationale et la politique de la ville. Il s’est interrogé sur la possibilité de conjuguer le principe du volontariat, appliqué aux familles, aux enseignants et aux interventions des collectivités territoriales, avec celui de l’égalité de traitement. Il a demandé enfin s’il est possible d’estimer les moyens mis en oeuvre par les collectivités locales en faveur du soutien scolaire et des activités périscolaires dans les quartiers relevant de la politique de la ville ?

M. Jean-Pierre Fourcade s’est préoccupé de l’aggravation de l’absentéisme scolaire et des moyens de le mesurer et d’y remédier.

M. François Rebsamen a estimé indispensable, notamment dans le premier degré, d’augmenter le taux d’encadrement des élèves dans les quartiers les plus difficiles. Toutefois, à moyens constants, cet effort oblige à accepter de diminuer ce taux dans d’autres établissements.

M. Jean Arthuis, président, a évoqué le rôle de la gestion paritaire des ressources humaines dans les difficultés d’affectation optimale des compétences. Il a souhaité que les conseils d’administration des collèges soient mis en mesure de délibérer sur de vrais budgets intégrant l’ensemble des rémunérations et comportant une comptabilité analytique.

M. Luc Chatel a indiqué que la mission de son ministère comporte trois volets : instruire, éduquer, insérer professionnellement. Après avoir rappelé que la gestion des ressources humaines, notamment des personnels enseignants, est un enjeu majeur, il a indiqué qu’un « nouveau pacte de carrière » sera prochainement mis en place et comprendra deux volets : l’un financier et l’autre concernant l’accompagnement individualisé des enseignants (réorientation, deuxième carrière, droit individuel à la formation).

S’agissant de la participation des élus à la vie scolaire, il a rappelé que ces derniers sont membres des conseils d’administration et sont souvent sollicités dans le cadre de la mise en place des missions nouvelles ou complémentaires de l’école. L’accompagnement éducatif, qui ne se résume pas à l’accompagnement scolaire, s’appuie ainsi souvent sur les collectivités en matière d’activités culturelles.

Il s’est déclaré favorable à ce que les élus, et par conséquent les personnels concernés, soient davantage informés des coûts complets des établissements scolaires et a demandé à ses services de regarder la possibilité de concrétiser la demande de M. Jean Arthuis sur ce point.

S’agissant de l’articulation entre l’éducation nationale et la politique de la ville, il a jugé qu’elle pouvait être renforcée par la présence d’un coordonateur local et/ou par la participation des recteurs aux contrats urbains de cohésion sociale.

Il a répété que l’égalité républicaine n’est pas l’égalitarisme. A ce titre la politique d’éducation prioritaire se doit d’affecter plus de moyens aux élèves les plus en difficulté. S’agissant de l’absentéisme qui dans la plupart des cas témoigne de situations de décrochage scolaire, il a souligné que l’accompagnement individualisé, tout comme les nouvelles mesures décidées en matière d’orientation, doivent permettre de lutter contre l’échec scolaire.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité connaître l’appréciation des acteurs de terrain.

Mme Anne Boquet, préfète des Yvelines, a indiqué que 20 % de la population du département vit en zone urbaine sensible. Elle a souligné que sur la commune de Mantes-la-Jolie, dont les caractéristiques sociales et les résultats scolaires la placent dans une zone « de très grande difficulté », une batterie d’indicateurs a été mise en place de manière à évaluer précisément et à long terme les dispositifs. Elle s’est félicitée de la dynamique partenariale mise en oeuvre dans le département, notamment avec l’inspection d’académie.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a jugé souhaitable que les indicateurs permettent de quantifier les efforts des collectivités territoriales et de l’Etat pour une population d’élèves bien déterminée et d’effectuer des comparaisons au sein du département.

Mme Sylvie Durand-Trombetta, responsable du département cohésion sociale et territoriale de l’Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé), a évoqué les résultats d’une étude récente sur les programmes de réussite éducative (PRE). Comparant la modestie des moyens mis en oeuvre avec ceux de l’éducation nationale, elle a observé que la part consacrée au soutien scolaire dans les PRE est en diminution.

Mme Yvette Mathieu, préfète déléguée pour l’égalité des chances pour le département du Nord, a souligné l’intérêt du modèle du PRE qui tend à repérer les individus dans leur globalité et qui fait intervenir des équipes pluridisciplinaires. Elle a indiqué toutefois que ce dispositif manque encore de référentiels et de critères d’évaluation de son efficacité. Elle a insisté sur le rôle déterminant des élus tout en regrettant qu’après une phase d’adhésion initiale au projet, les logiques administratives sectorielles ont tendance à resurgir.

M. Jean-Paul de Gaudemar, recteur de l’académie d’Aix Marseille, s’est félicité du travail coopératif entrepris entre la préfecture, les communes et le département, chaque partenaire s’intégrant au dispositif à partir de la considération des besoins des élèves. Le pilotage se passe d’autant mieux qu’il est assuré par ceux qui ont en charge la réussite scolaire des élèves. Il a regretté une certaine logique de « pré-carré » dans les milieux associatifs. Enfin, se référant aux contrats de réussite scolaire dans les réseaux ambition réussite, il a souligné l’importance de l’évaluation sur la base d’un nombre d’objectifs clairs et restreints.

M. Gilles Pétreault, inspecteur d’académie directeur des services départementaux de l’éducation nationale (IA-DESDEN) du Pas-de-Calais, a jugé que la réussite éducative se fonde sur trois piliers : la politique de droit commun de l’éducation nationale, la politique de la ville, les politiques des collectivités locales. Il a insisté sur deux éléments :

 d’une part, la nécessité de suivre les élèves par des études de cohorte afin d’anticiper au mieux les comportements d’échec scolaire. Ce suivi devrait comprendre celui des dispositifs utilisés pour lutter contre l’échec scolaire mais leur diversité rend la tâche difficile ;

 d’autre part, la nécessité de reconnaître le principe de subsidiarité et de complémentarité entre les équipes de l’éducation nationale et les équipes de la politique de la ville. En effet, les personnels de l’éducation nationale ne disposent pas nécessairement de tous les moyens pour identifier les besoins des élèves.

M. Pierre Sallenave, directeur général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), a considéré que l’intervention de l’agence a une influence sur les écoles et collèges de l’éducation prioritaire, dans la mesure où elle apporte un changement d’image des quartiers qui reprennent une place normale dans la ville. Il a rappelé que les compétences de l’ANRU portent sur le bâti et que son rôle se limite à vérifier la cohérence du programme éducatif avec l’ensemble de la convention de rénovation urbaine.

Il est convenu avec M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, que les deux agences, ANRU et Acsé, exercent, de ce point de vue, deux métiers différents.

M. Thierry Tesson a indiqué que l’éducation prioritaire serait un sujet majeur des nouveaux CUCS et qu’il pourrait être envisagé de prévoir une instance de pilotage locale unique pour les actions de ce domaine. Il a précisé que des annonces concernant la géographie prioritaire seront faites lors du prochain comité interministériel des villes. Elles concerneront notamment la bonification indiciaire et l’estimation des moyens que consacre l’éducation nationale aux territoires de la politique de la ville.

M. Jean Picq s’est réjoui de la prise en compte par le ministre de l’éducation nationale des observations formulées dans l’enquête de la Cour des comptes. Il a considéré que si quelques cas de redondance entre les dispositifs de l’éducation prioritaire et de la politique de la ville sont observés, la concurrence est stimulante. Il a enfin insisté sur les conséquences à tirer sur les obligations de service des enseignants d’un système qui repose, pour l’instant, sur le principe du volontariat généralisé.

M. Jean Arthuis, président, a souligné la force de l’émulation et la part prédominante de l’engagement personnel dans la réussite des dispositifs de l’éducation prioritaire et de la politique de la ville.

A l’issue de ce débat, la commission a autorisé, à l’unanimité, la publication de l’enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte rendu de la présente audition sous la forme d’un rapport d’information.

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