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Le rapport de l’Inspection générale sur "les recours à l’expérimentation article 34". Les extraits concernant le programme ECLAIR
Les analyses de Céline Walkowiak, Emmanuel Davidenkoff

4 novembre 2013

Le recours à l’expérimentation par les établissements autorisé par l’article L. 401-1 du code de l’éducation

Rapport - n° 2013-057 - Juillet 2013
Sous la direction de Catherine BECCHETTI-BIZOT, Jean-Louis DURPAIRE, Alain TAUPIN

Le Rapport (71 pages)

Extraits concernant l’Education prioritaire

SOMMAIRE

Introduction

1. Les contextes institutionnels : une évolution progressive des concepts

1.1. Les évolutions successives des organisations au sein du MEN témoignent de l’émergence progressive de la notion d’expérimentation dans les politiques éducatives
1.1.1. Innovations et expérimentations : des cadres institutionnels qui traduisent des tensions entre niveau national et local, régulation et accompagnement
1.1.2. Innovations et expérimentations : une approche globale visant à favoriser le changement de l’école et la réussite éducative

1.2. La question des définitions : innovation / expérimentation / expérimentation de l’article 34, de quoi parle-t-on ?
1.2.1. Ce qu’énoncent les textes : l’émergence d’un droit à l’expérimentation dans la sphère publique
1.2.2. La distinction entre « innovation » et « expérimentation » : la question de la norme
1.2.3. Dans toutes les académies, expérimentation et innovation sont étroitement liées
[p. 20 du PDF]
Dans une autre académie, on peut constater au sein du projet d’un établissement ECLAIR trois niveaux d’innovation / expérimentation plus ou moins emboîtés : celui relevant du contrat d’objectifs, celui relevant du volet expérimentation en ECLAIR et celui portant les expérimentations au titre de l’article 34.
1.2.4. La cartographie des innovations confirme les difficultés d’interprétation des données issues de la base Expérithèque

1.3. La géographie de l’expérimentation : des niveaux différents de mise en œuvre des
projets
[p. 21-22 du PDF]
L’article 34 indique de manière précise que l’échelle de l’expérimentation est l’école et l’établissement et qu’elle se situe dans le cadre du « projet d’école ou d’établissement. Si l’on comprend que c’est bien à ce niveau que les actions se réalisent, il est surprenant qu’il ne soit fait aucune allusion à la notion de réseau alors que la mission a observé, dans ce cadre, des initiatives intéressantes. Dans les textes en effet, ni le bassin ni la circonscription pour les écoles primaires n’apparaissent comme des espaces où peuvent naître et se développer les expérimentations, alors que l’on sait qu’elles requièrent des échanges et des confrontations pédagogiques peu compatibles avec la taille modeste de nombreux EPLE et écoles. De la même manière, l’éducation prioritaire n’est guère évoquée, l’école rurale non plus.

Sur le terrain, on peut constater toutefois quelques belles réussites de projets concertés : dans une circonscription de Toulon, l’expérimentation « pilotage concerté premier / second degré d’un réseau du socle » , initiée conjointement par un IEN et une IA-IPR de lettres, a remporté en mars 2013 le Prix du Public des journées de l’innovation. Cette expérimentation, qui concerne le réseau ambition réussite afférent et les collèges de secteur, s’est traduite par la création d’un « conseil du socle » rassemblant les huit directeurs d’écoles et les cinq principaux de collèges, l’IEN ainsi que l’IA-IPR de lettres. Ce conseil a pour objet d’analyser les freins que rencontre l’élève en difficulté tout au long de sa scolarité obligatoire. À cet effet, des groupes de réflexion inter-degrés vont être installés, auxquels s’adjoindront des universitaires, des IA-IPR, des conseillers pédagogiques et des formateurs qui interviendront en fonction des besoins identifiés.
[…]

Sur le terrain, on constate de fait que les expérimentations entreprises par les académies elles-mêmes sont rares, coincées en quelque sorte entre les actions du ministère (qu’elles déclinent en se posant en académies pilotes) et celles des établissements. Le plus souvent, les initiatives académiques recherchent un cadre ou une validation de la DGESCO, ce qui permet une meilleure assise, en termes de moyens et de communication. C’est par exemple le cas du programme PARLER qui a connu des extensions variées dans des académies ; dans l’une d’elles au moins, c’est l’engagement personnel du recteur qui en a permis le développement.
Dans une autre, un projet de « classes passerelle » assez particulier, à mi-chemin entre une « école des parents » et une classe d’enfants de deux ans (ou à peine) , porté par le recteur a pu se développer après un accord de principe obtenu à l’occasion du dialogue de gestion entre l’administration centrale et les académies. À noter d’ailleurs que la question de l’expérimentation a été peu abordée lors des dialogues de gestion, ce qui pourrait laisser penser qu’il s’agissait jusqu’ici d’une question secondaire. Une rubrique dédiée dans le dossier préparatoire a cependant été ajoutée depuis cette année.

2. Les modes d’organisation mis en place

2.1. L’organisation au niveau national : le DRDIE
2.1.1. Les objectifs du département : conjuguer créativité et approche « positiviste » dans un cadre national et local
2.1.2. Au sein de la DGESCO, le département est directement rattaché au directeur
2.1.3. La volonté est de favoriser la mise en place d’un « écosystème » favorable à l’innovation
2.1.4. Le DRDIE et les actions à pilotage national : une volonté de transposer la démarche scientifique dans l’action publique
[p. 27 du PDF]
Dans le cadre qui lui était imparti et compte tenu du caractère spécifique et de la variété des expérimentations nationales conduites par la DGESCO, la mission a choisi de centrer son analyse sur celles qui, par leur positionnement explicite dans le cadre de l’article 34, par leur ambition et leur durée, apparaissent pouvoir apporter un éclairage spécifique sur ces expérimentations « descendantes ». Trois expérimentations ont été ainsi retenues : le programme ECLAIR, l’expérimentation « Cours le matin, sport l’après-midi », l’expérimentation de l’enseignement intégré de sciences et de technologie (EIST).

[p. 28 du PDF]
Le programme ECLAIR
Le programme ECLAIR apparaît comme celui dont les ambitions et les caractéristiques le placent dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 34, notamment en ce qui concerne l’utilisation de la DHG et des organisations pédagogiques propres à l’établissement incluant la fonction de « préfet des études ».

Concernant la dimension innovation / expérimentation, la mission ne peut que rappeler les conclusions et préconisations du rapport conjoint des inspections générales de juillet 2012.
Ce rapport, assez critique44, qui se situe dans le prolongement de celui de juillet 2011 consacré
à la « mise en œuvre du programme Clair », pointe le fait que « l’innovation pédagogique apparaît comme un point faible du programme ». Concernant plus particulièrement le champ de notre mission, la dimension « innovation » fait l’objet de réserves portant moins sur « une adhésion au principe d’innovation » que sur des « interrogations et des incompréhensions sur la conception de l’innovation portée par le ministère ». En effet, « beaucoup d’équipes motivées expriment même leur satisfaction de voir leurs efforts de rénovation pédagogique reconnus et confortés officiellement ». Qu’est-ce qu’une innovation ? Qu’est-ce qu’une expérimentation ? Beaucoup de responsables et d’équipes butent sur ces questions.
Dans une académie, selon le CARDIE, « la subtilité entre innovation (dans le respect des règles) et expérimentation (il faut déroger aux règles) n’est pas toujours bien claire aux yeux des équipes, voire des cadres eux-mêmes ». Il faut dire que la circulaire de juillet 2010 ne lève pas l’ambiguïté : en ne faisant référence qu’à l’article 34 de la loi du 23 avril 2005, elle semble assimiler l’innovation pédagogique à l’expérimentation, ce qui en restreint évidemment très fortement le champ. De là, ces préconisations fortes : « clarifier le "I" d’ECLAIR en précisant les attentes de l’institution en matière d’innovation, tant dans sa définition que dans ses objectifs ; centrer l’innovation sur les enseignements et les apprentissages fondamentaux ; activer le "A" d’ECLAIR dans le cadre d’une véritable "Ambition" en termes d’expérimentations (relevant de l’article 34 ou pas) ». Ces observations trouveront confirmation dans les constats de la mission.
2.1.5. La nécessité d’une clarification des expérimentations nationales relevant de l’article 34 : un objectif pour le CNIRE
[p. 32 du PDF]
Du point de vue des définitions, l’usage de l’article 34 n’est pas compris comme distinguant les expérimentations « hors normes » et les expérimentations ou innovations relevant de l’autonomie des acteurs, ce qui est source de confusion lorsque se superposent des actions de nature différente au sein d’un même établissement, comme ce fut le cas notamment dans le programme ECLAIR. L’origine de ces expérimentations n’apparaît pas clairement comme relevant d’une planification stratégique répondant à une problématique suffisamment en amont avec les acteurs chargés de les mettre en œuvre. Ceci se traduit par le sentiment de devoir exécuter rapidement des actions « venues d’en haut » pour lesquelles l’article 34 apparaît comme une formule commode en direction des équipes, mais au fond incomprise par elles.

2.2. Des modes d’organisations académiques très divers
2.2.1. L’intérêt porté par les recteurs à l’expérimentation est inégal d’une académie à l’autre
2.2.2. Les modes de repérage et d’accompagnement sont différents d’une académie à l’autre
[p. 36 du PDF]
Tout au plus peut-on découvrir dans ces académies quelques « actions phares », qui sont ensuite distinguées dans une perspective de valorisation des bonnes pratiques et de communication du recteur. C’est un cas de figure fréquemment rencontré qui conduit à ce que d’autres missions académiques, comme la mission TICE, ou la DAAC, le CASNAV ou « la mission éducation prioritaire », développent elles-mêmes des expérimentations académiques tout à fait intéressantes, mais qui sont parfois totalement indépendantes, pour ne pas dire concurrentes de celles suivies par le CARDIE – ce qui ne peut que complexifier les procédures de pilotage académique et surtout être source de confusion.
2.2.3. Les évaluations sont inégalement réalisées
2.2.4. Les acteurs n’ont pas tous une notion claire de leur place et de leur rôle

2.3. Les modes de pilotage au niveau des établissements
2.3.1. La démarche d’expérimentation/innovation donne un sens nouveau au projet d’établissement, et s’inscrit même de plus en plus souvent dans le contrat d’objectifs
2.3.2. Les initiatives observées renforcent la cohésion des équipes et témoignent d’un réel engagement des
chefs d’établissement
2.3.3. Les expérimentations donnent lieu à plusieurs catégorisations
[p. 44-45 du PDF]
Une typologie à partir des principales thématiques rencontrées
Les constats nationaux du DRDIE, réalisés à partir des remontées d’Expérithèque, et les observations de la mission dans toutes les académies visitées montrent que l’ensemble des actions s’inscrivent dans le cadre général d’une meilleure réussite des élèves.
[…]

La volonté de prendre en charge les élèves en difficulté, voire en décrochage scolaire, conduit à privilégier la personnalisation ou l’individualisation des parcours. L’accompagnement personnalisé, qui implique une réflexion collective fondée sur le diagnostic de la situation des élèves et plus globalement sur l’analyse du contexte de l’établissement, engage souvent une mise en question des modes d’évaluation des élèves (évaluation par compétences, classes sans notes…) et également, mais avec plus de difficulté, sur les modes de travail des équipes. La transdisciplinarité, le décloisonnement entre les disciplines sont assez fréquents, s’exprimant dans des contextes variés. Les dispositifs concernant l’organisation du temps scolaire, qu’il s’agisse de mettre en place des plages d’enseignement plus longs (comme au collège [ECLAIR] des Escholiers de la Mosson à Montpellier ou au collège [ECLAIR] La Marquisanne à Toulon) ou des séquences plus courtes ; l’enseignement en petits groupes, la co-intervention (collège [ECLAIR] Joliot-Curie de Reims) sont aussi à relever. La volonté d’impliquer les parents dans la scolarité de leur enfant (mallette des parents dans l’académie de Versailles, et notamment mallette des parents « post-bac » dans les lycées d’Enghien, de Cergy, de Massy), l’orientation avec une ouverture sur le milieu professionnel, les représentations des liens entre disciplines générales et enseignements rofessionnels (lycée professionnel Martin Nadaud de Bellac), les débouchés d’une filière (lycée professionnel [Quartier espoir banlieue] Jean Mermoz à Béziers développe une formation en plongée sous-marine pour les élèves de maintenance nautique) ont en commun la volonté de lutter contre l’abandon en cours de formation et le décrochage. Les approches sont généralement influencées par les « pédagogies actives » (voir dans l’académie de Nice le collège L’Eganaude de Biot, dans l’académie de Limoges le collège Timbal à Chateauponsac). Les liaisons inter-cycles font partie des domaines d’expérimentation fréquemment observés (par exemple, collège Les Petits Ponts de Clamart dans le cadre du réseau ECLAIR) . Elles relèvent souvent d’une impulsion autour de « l’École du socle » donnée en amont par les académies, à la suite d’une incitation nationale du DRDIE. Ainsi, dans l’académie de Versailles, c’est de fait à la demande du recteur et des DASEN que des conseils pédagogiques inter-degrés ont été créés dans sept secteurs de collèges en impliquant les acteurs et responsables locaux et les inspecteurs correspondants de bassin.

Les effets attendus de ces actions touchent aux apprentissages mais tous les acteurs rencontrés s’accordent pour dire que les résultats sont parfois difficiles à mesurer sur un court terme. En revanche, l’un des effets les plus fréquemment mis en avant dans les établissements visités semble être l’émergence d’un climat scolaire plus serein et le développement d’approches pédagogiques nouvelles et concertées.

Un certain nombre de ces actions s’appuient sur des partenariats. Il faut noter à cet égard un lien de plus en plus étroit avec les collectivités territoriales, notamment dans le domaine des technologies numériques (lycée pilote innovant international de Jaunay-Clan, académie de
Poitiers), et dans celui de la lutte contre le décrochage (micro-lycée de Cergy-Pontoise, lycée Kastler de Cergy, région Île-de-France et communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise), parfois en lien avec le tissu associatif.

2.4. La spécificité du premier degré
2.4.1. Peu de repérage institutionnel au-delà du niveau local
[p. 47-48 du PDF]
Ces expériences innovantes cependant restent souvent isolées, elles ne franchissent que rarement le seuil de la circonscription, encore moins celui du département. Elles font rarement l’objet d’une expérimentation élargie à d’autres écoles, au niveau d’un secteur ou d’une zone d’éducation prioritaire. Elles ne sont par conséquent pas repérées par les CARDIE, qui ne peuvent en faire état ni sur les bases académiques ni sur Expérithèque. Par « pudeur professionnelle » ou par crainte de se voir entraîner dans « une spirale bureaucratique ou institutionnelle » certains projets restent méconnus. Comme l’indique un directeur d’école, il ne faut « pas trop sortir la tête de la tranchée… ». Plusieurs maîtres rencontrés indiquent également qu’ils ne peuvent pas tout mener de front : faire classe et communiquer sur ce qu’ils font. Il est certain que le premier degré ne dispose pas du même encadrement que le second degré, où existent une équipe de direction et divers personnels comme les professeurs-documentalistes qui ont une mission d’information et de communication. Donc, il est difficile pour une école de faire savoir ce qu’elle fait, de même qu’il ne lui est pas aisé de savoir ce que fait l’école voisine.

La mission a cependant rencontré des exceptions remarquables :
dans le réseau [ECLAIR] de la Marquisanne à Toulon, l’expérimentation « apprendre à comprendre : le concept au cœur du savoir (lutte contre l’échec scolaire) » touche 300 professeurs et est accompagnée par un chercheur, par l’IEN et suivie par la cellule innovation du rectorat ;
– dans le même réseau, l’action intitulée : « paroles d’écoles » ; une émission radiophonique pour développer une parole consciente, une écoute active et devenir un citoyen impliqué dans la vie sociale concerne 200 élèves ;
à Grenoble, une expérience qui est partie d’une initiative conduite dans deux écoles du premier degré diffuse désormais dans deux collèges relevant de l’éducation prioritaire. Cette expérimentation dynamise la liaison école - collège et en renforce l’intérêt en mobilisant les enseignants autour d’une problématique commune : celle de la démarche d’investigation en sciences.
2.4.2. Néanmoins, certaines actions dépassent le niveau de la classe, sous des impulsions diverses
2.4.3. Les nouveaux dispositifs doivent s’appuyer sur les projets expérimentaux, mais aussi sur la formation des personnels concernés

3. Les freins et les conditions de réussite

3.1. Le positionnement du CARDIE conditionne en grande partie la réussite des dispositifs
3.1.1. Un discours engagé de la part du recteur, porté à tous les niveaux de la gouvernance académique, est apparu comme la garantie d’une action efficace et légitime du CARDIE
3.1.2. L’engagement des corps d’inspection dans le processus d’innovation et la bonne articulation du
CARDIE avec le pôle pédagogique sont déterminants pour la réussite des actions en académies
3.1.3. Une implication des DASEN est également gage d’efficacité. La marge de progrès est importante dans ce domaine

3.2. L’accompagnement des équipes et la présence des formateurs sur le terrain favorisent le rayonnement et l’essaimage des expériences et contribue à leur efficacité
3.2.1. La présence d’une équipe mobile de « conseillers en développement » favorise le déploiement d’une
« culture de l’innovation » au sein de l’académie
[p. 52 du PDF]
Dans l’académie de Nice, la présence autour du CARDIE d’une équipe de « conseillers en développement », eux-mêmes formés et compétents, capables d’accompagner les équipes, de les faire se rencontrer pour mutualiser leurs expériences et les reverser dans un dispositif de formation, est un facteur d’efficacité important. Le CARDIE est une IA-IPR de physique, qui n’a pas de décharge mais qui est secondée par une IA-IPR de lettres, ce qui lui permet de couvrir un champ assez large de compétences et de développer des liens avec les réseaux disciplinaires et pédagogiques. Elle bénéficie d’une aide en ETP qu’elle mobilise pour financer cinq conseillers en développement. L’activité de cette équipe est intense et suivie. Le secrétaire général la soutient et lui donne les moyens nécessaires à son action. La mission est installée au sein de la direction académique de la pédagogie, ce qui lui permet de mobiliser également l’expertise de ses pairs.

Les conseillers en développement, parce qu’ils sont formés et qu’ils ont l’expérience de ce qui
se fait ailleurs, peuvent aider les équipes à prendre de la distance, à formaliser leur travail, à le situer par rapport à d’autres projets innovants. Cette présence apporte aux équipes une reconnaissance qui les valorise et crée une dynamique. Les expérimentations intéressantes sont mises en ligne sur le site académique, médiatisées à travers un petit journal « l’Écho du
PASI » (pôle académique de soutien à l’innovation et à l’expérimentation) et des journées de regroupement académiques sont organisées autour de thématiques. Un effort est fait pour que les projets CARDIE soient bien articulés avec les priorités de la politique pédagogique (réseaux ECLAIR, École du Socle, réforme du lycée…). Il existe également un fort partenariat avec le CRDP (qui y consacre deux ETP). Un rapport est publié chaque année qui permet de distinguer les actions porteuses en termes d’essaimage.
3.2.2. L’existence d’un protocole défini pour conduire les expérimentations pourrait offrir un cadre constructif répondant au besoin des équipes d’avoir une appréciation et un appui extérieurs
3.2.3. Le lien avec la recherche universitaire peut se concevoir comme une collaboration et un apport d’outils méthodologiques et de réflexion, et non seulement comme l’exécution d’une commande venue de l’extérieur
3.2.4. En de rares endroits, l’expérimentation commence à s’envisager comme la possibilité d’un nouveau mode de gouvernance faisant se rencontrer les dynamiques de terrain avec la volonté de l’institution d’accompagner le changement de façon méthodique, selon une démarche de recherche et d’évaluation concertée

3.3. Les liens entre expérimentation et formation ne sont pas suffisamment développés alors qu’ils facilitent les transformations de pratiques professionnelles
3.3.1. La mise en œuvre d’une expérimentation engendre de nouveaux modes de travail (en équipe, sur projet) et de nouveaux liens entre les acteurs qui contribuent au développement de la compétence professionnelle de chacun et crée des dynamiques prometteuses
[p. 55-56 du PDF]
Dans l’académie précédemment évoquée [Grenoble] , les IA-IPR n’ont eu aucune connaissance de ce qui a été organisé par l’IUFM. Les conseillers en développement, pour leur part, ont été formés dans le cadre de la formation des formateurs, avec l’aide d’un chercheur de l’IFÉ. Ils ont aussi participé à la formation nationale des personnels d’encadrement stagiaires organisée à l’ESEN sur le sujet de l’innovation. Les formateurs « éducation prioritaire » ont également été invités à ces formations. Mais cela ne s’est pas fait en liaison avec l’université, peut-être parce qu’il n’existe pas dans cette université d’équipe de recherche en sciences de l’éducation. On peut espérer que la création prochaine de l’ESPE permettra de remédier à ces difficultés en instaurant plus de continuité entre expériences des équipes de terrain et formation théorique.
3.3.2. Les productions et les ressources issues des expérimentations ne nourrissent pas suffisamment les formations académiques
3.3.3. Les innovations trouvent bénéfice à s’appuyer sur un réseau d’échanges et de formation au niveau national

3.4. L’évaluation se conçoit comme un processus d’amélioration du système d’innovation - expérimentation plutôt que comme un contrôle de conformité ou de résultat

Conclusion et préconisations
Préconisations

1 - Une clarification des concepts et du cadre s’impose si l’on veut diffuser une véritable « culture de l’innovation » conçue comme levier de rénovation du système éducatif
2 - Une interprétation de l’article 34 plus souple dans sa mise en œuvre est nécessaire si l’on veut inciter les équipes à s’engager dans des initiatives.
3 - L’expérimentation et l’innovation doivent pouvoir servir au pilotage et à l’animation pédagogique à tous les niveaux (national, académique, établissement, école).
4 - Une mise en synergie et une meilleure complémentarité entre les responsables départementaux et académiques et avec les partenaires doivent être recherchées en matière de pilotage et d’accompagnement.
[p. 61-62 du PDF]
Sur le plan opérationnel, cette synergie doit s’organiser au niveau du recteur, sous la responsabilité du CARDIE. Il est important de créer des dynamiques communes au niveau des territoires, tenant compte de l’environnement et impliquant les partenaires locaux, dont les projets ne peuvent être en concurrence avec ceux de l’Éducation nationale. À l’heure actuelle, les dynamiques de territoire et la mise en réseau des actions ne sont pas encore suffisamment développées en matière d’innovation.

Il importe également de créer de fortes synergies entre les différents pôles de la politique académique : innovation / éducation prioritaire / délégation académique au numérique / CASNAV / cellule de lutte contre l’illettrisme / prévention du décrochage / pôle besoins éducatifs particuliers notamment… en fonction des priorités spécifiques à chaque académie ; et pour cela, il est nécessaire de mettre en place des démarches concertées – étant donné que tous travaillent avec des partenaires de l’école, en équipes pluridisciplinaires et pour des objectifs souvent similaires.

Le manque de coordination entre les services académiques est consommateur de moyens et
d’énergie et fait perdre de l’efficacité aux projets. Par ailleurs, il fait courir le risque que l’innovation fonctionne en vase clos, comme un sous ensemble autonome et isolé. De même, il est nécessaire que les équipes innovantes soient mises en contact les unes avec les autres, pour confronter leurs expériences, mener des expérimentations plus larges ou éviter d’avoir à réinventer des solutions déjà expérimentées ailleurs avec succès.
5 - La place et les missions des CARDIE auprès des recteurs devraient être mieux définies.
6 - Les CARDIE devraient pouvoir s’appuyer sur une équipe dotée des outils et des moyens nécessaires à l’accompagnement et à la formation des enseignants sur le terrain.
7 - La continuité et la stabilité des expérimentations doivent être assurées.
8 - Les expériences innovantes et les expérimentations doivent servir de ferment à la formation des enseignants et des cadres.
9 - Les critères d’évaluation des expérimentations doivent être définis en impliquant directement les équipes de terrain dans la conception et l’analyse des objectifs et des indicateurs.
10 - Les académies doivent, autant que possible, adosser les expériences à une coopération avec la recherche universitaire.
11 - Les actions innovantes et les expérimentations devraient être mieux valorisées pour entraîner les initiatives et assurer l’essaimage des pratiques.
12 - Le développement du numérique doit mieux s’articuler avec les processus d’expérimentation et d’innovation existants et s’appuyer sur des dynamiques et des usages mis en place par les équipes de terrain. Il est lui-même, réciproquement, un vecteur d’innovation important que la logique d’expérimentation doit permettre d’observer et de valoriser du point de vue des usages émergents.

Le Rapport (71 pages)

 

Une analyse par Céline Walkowiak, « enseignante innovante »

Personnellement engagée dans une démarche d’innovation dans son établissement, Céline Walkowiak a été très intéressée par ce rapport centré sur la question de l’évaluation des innovations et expérimentations, ainsi que sur la question de la formation des équipes aux pratiques réflexives.

L’introduction commence par une présentation du protocole d’enquête sur le terrain. Huit académies ont été sélectionnées, parce que représentatives de l’ensemble du territoire. Tous les acteurs ont été entendus, avec rencontres dans les établissements des enseignants et personnels de direction engagés dans les actions. Les personnels ont été « sensibles à l’intérêt porté à leur travail, et en attente d’orientation et de conseils ». Les IG relèvent en creux des manques en matière d’accompagnement, d’encadrement et de formation.

La loi d’orientation et de programmation du 23 Avril 2005 reconnaît le droit à expérimenter, ce qui signifie de « déroger à la norme scolaire, du moment qu’il s’agit de contribuer à la réussite des élèves ». Un cadre précis est défini pour les projets expérimentaux, ainsi que les conditions de leur mise en œuvre (définition des objectifs, limitation dans le temps, méthodologie, protocoles d’expérimentation et d’indicateurs, évaluation et bilan). Ce cadre a-t-il libéré des énergies, donné de la souplesse au système ? Ou est-ce qu’au contraire les exigences et contraintes liées à sa mise en œuvre ont-elles fonctionné comme des freins ?
Il est précisé que l’expérimentation englobe également l’innovation, les deux étant analysées ici comme des leviers de changement. Une analyse des stratégies académiques est annoncée, ainsi qu’une observation de l’impact sur les établissements et les réseaux d’établissement.

Les contextes institutionnels

Les expérimentations observées portent généralement sur l’enseignement des disciplines, sur l’interdisciplinarité, sur l’organisation pédagogique de la classe ou de l’établissement sur la coopération avec les partenaires de l’école. Théoriquement, toute expérimentation demande une analyse et une évaluation scientifique, en principe étayées par la recherche universitaire. Elle a toujours une fin, d’où l’importance du diagnostic et de l’évaluation, qui permettront de déboucher sur un choix, à son terme. Or, les expérimentations et innovations sont peu ou mal évaluées, rarement accompagnées par la recherche scientifique.

La mission constate un manque d’harmonie, de dispersion et une perte d’efficacité et se pose le problème de la généralisation des expérimentations. L’innovation semble se déployer dans une temporalité distincte : des dispositifs se juxtaposent et ne touchent qu’une partie des enseignants, au lieu d’irriguer le système. Pourtant, la question de la généralisation des expérimentations se pose. S’il semble incohérent à la mission de contraindre des enseignants non préparés à s’emparer de ce qui doit, pour fonctionner, rester un espace de liberté, elle souhaiterait cependant sortir d’une logique binaire qu’une expérimentation est ou généralisable ou destinée à l’oubli, en se référant aux notions de pérennisation, de diversification et d’extension.

Des modes d’organisations académiques très divers

Dans certaines académies, le couple expérimentation/innovation est une dynamique de pilotage. Dans d’autres, cela reste marginal. Certains recteurs sont méfiants et soupçonnent les chefs d’établissement de « détourner » le droit de dérogation pour demander des moyens supplémentaires ou valoriser leurs équipes. Dans le meilleur des cas, l’expérimentation est un instrument au service des priorités du projet académique, qui en définit les axes et sert de lignes d’orientation pour l’appel à projet. Mais elle en est rarement le moteur.

La question de l’évaluation

Les équipes s’appuient plus sur des indicatifs non quantitatifs (tests internes ou climat de classe) pour dire que c’est réussi. Mais c’est difficile à contrôler. L’IG note trois difficultés : une absence de protocole d’évaluation la plupart du temps, le manque de moyens d’accompagnement, l’absence de regard extérieur en surplomb. De l’avis des équipes rencontrées, les résultats sont parfois difficiles à mesurer sur le court terme. Mais il y a toujours une émergence d’un climat scolaire plus serein et le développement d’approches pédagogiques nouvelles et concertées.
Le rapport préconise fortement la création de liens avec la recherche universitaire sans vraiment présenter de composantes d’un partenariat équilibré pour les différentes parties. C’est un peu décevant sur ce point. Aucune mention faite du rôle des ESPE.

Concernant la formation, il est dit que des liens entre expérimentations et formation sont à construire, car ils facilitent les transformations des pratiques professionnelles. Des journées de regroupement académique, centrées sur des thématiques d’innovation sont parfois organisées. C’est l’occasion pour les équipes de se connaître, de mutualiser et d’analyser leurs pratiques.Le rapport relève le manque de formation à la « culture de l’innovation » dans la formation initiale et très peu dans la formation continue.

Préconisations

Le rapport conclut sur la difficulté parfois des équipes sur le terrain à mettre en place des innovations qui se heurtent à des organisations, des programmes, des horaires. L’école française n’est pas préparée à une évolution sur la question des frontières disciplinaires, des limites de la classe, des grilles horaires et des habitudes de travail. Or, ce sont sur ces structures que porte la majorité des innovations.
L’innovation bouscule le système. Elle deviendra un levier de changement quand la communauté éducative dans son ensemble aura accepté l’idée d’une rénovation en profondeur des dispositifs traditionnels d’enseignement. C’est le rôle du Conseil de l’innovation.
Le rapport donne douze préconisations, qui concernent surtout les cadres et l’organisation des responsabilités hiérarchiques. Pour les enseignants de terrain, seules deux préconisations semblent intéressantes : la demande d’un lien plus fort à la formation des enseignants et à la recherche universitaire.

J’ai donc été ravie de voir que le rapport préconisait des liens entre innovation et formation, reconnaissait un impact évident des innovations sur les changements de pratiques et le développement des compétences professionnelles des enseignants. Je me suis reconnue personnellement dans le tableau dressé du terrain, de ses dynamiques et de ses difficultés. Le rapport est encourageant et ouvre des pistes de réflexion, notamment en termes de formation aux pratiques réflexives.

Extrait des Cahiers pédagogiques : L’Inspection générale s’intéresse à l’innovation

 

Chronique d’Emmanuel Davidenkoff sur France Info

[...] D’où la conclusion sur laquelle nous avons ouvert cette chronique : " L’innovation ne pourra pas devenir un véritable levier de ce changement tant que la communauté éducative dans son ensemble n’aura pas accepté l’idée d’une rénovation en profondeur des dispositifs traditionnels d’enseignement. "

Réécouter l’émission

Extrait de franceinfo.fr du 08.11.2013 : Education : pas d’innovation sans rénovation générale

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