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Les effets de la précarité sur le développement des enfants

7 décembre 2007

Extrait du site du SNUipp, le 07.12.07 : L’école et la société

Quand la précarité touche le sujet

Compte rendu d’un atelier de l’université d’automne du SNUipp 2007 à La Londe des Maures, animé par Chantal Zaouche-Gaudron

Le débat sur la précarité économique des enfants a fait émerger de nombreux questionnements. Comment a-t-elle évolué au fil des ans depuis le rapport du Cerc (1) ? L’évolution s’avère stable au vu des chiffres disponibles. Cependant, elle est à mettre en parallèle avec l’accroissement de la richesse globale et son inégale redistribution.

Interrogée sur la honte d’être pauvre, Chantal Zaouche-Gaudron explique que son étude a montré que cette honte est surtout présente chez les pères qui ont un rôle de pourvoyeur du foyer, tandis qu’elle est beaucoup moins présente chez les mères.

Au sein des écoles, les représentations prégnantes de la population en difficulté économique sont un modèle à questionner, notamment par les enseignants. En quoi l’image véhiculée par les parents reflète-t-elle la réelle vie familiale ? Sur les moyens à apporter pour soutenir les compétences familiales et parentales, Chantal Zaouche-Gaudron rappelle les nombreuses actions des associations développant des actions dans ce sens.

Un premier rapport du Cerc confirmé

Le rapport sur les enfants pauvres du Cerc (Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale), successeur du défunt Centre d’études des revenus et des coûts, a semé un émoi profond lors de sa publication en 2004. Pour la première fois, le nombre d’enfants de moins de 18 ans touchés par la pauvreté monétaire a été estimé à un million, voire deux millions avec un taux de pauvreté à 60 % du revenu médian.

Ce nombre a été confirmé en août 2007, lorsque l’enquête de l’Insee sur les revenus fiscaux de 2004 a établi à 1,6 million le nombre d’enfants pauvres en France, soit 14,5 % de cette population. Autre confirmation, la taille de la famille influe sur le taux de pauvreté. Les familles ayant trois enfants et plus sont surreprésentées au sein de la population pauvre, ainsi que les familles monoparentales.

Un dossier du Cerc de 2005 propose d’affiner la définition de la pauvreté des enfants, calculée actuellement d’après les revenus des parents. Il souligne que l’hypothèse d’équirépartition des ressources au sein de la famille, sur laquelle se base ce calcul, est mise en question par des travaux théoriques et empiriques dans les pays anglo-saxons. Ces travaux montrent l’existence de ménages altruistes où les enfants souffriraient moins de la pauvreté que leurs parents. De même, il existe des familles ayant un comportement inverse.

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La pauvreté touche l’ensemble des membres de la famille

« Cela peut compromettre la scolarité future de l’enfant »

Entretien avec Chantal Zaouche-Gaudron, professeur de psychologie du développement à l’université Toulouse II. Elle a publié « Les conditions de vie défavorisées influent-elles sur le développement des jeunes enfants ? » Editions Erès 2005.

Quelle est la situation de la pauvreté en France ?

Les données du CERC (Conseil de l’emploi des revenus et de la cohésion sociale) de 2004 estimaient qu’un million d’enfants de moins de 18 ans vivaient, en 1999, en dessous du seuil de pauvreté monétaire fixé à 50 % du revenu médian, soit 560 euros par mois (645 euros en 2006). Si la part de ce revenu médian était portée à 60 %, comme préconisée par l’Union européenne, ce nombre d’enfants atteindrait le chiffre effarant de deux millions.

Quelles en sont les conséquences sur la vie familiale ?

La précarité et la pauvreté touchent l’ensemble des membres de la famille à différents niveaux, les parents en termes conjugaux et parentaux et bien sûr l’enfant et son développement. Les conséquences et les déterminants de la précarité sont pluriels et se situent dans plusieurs domaines interdépendants : la famille, le logement, la santé, l’école, l’accès aux loisirs, aux vacances...

Il existe très peu de recherches sur ce domaine en France, mais les études américaines, anglaises, canadiennes et australiennes font état de résultats préoccupants.

Premier impact, la conjugalité. Les parents, affectés par des conditions socio-économiques défavorisées, sont dans une tension et un stress permanents dans la mesure où leur préoccupation majeure est de trouver un emploi et de subvenir décemment aux besoins de leur famille. En prise avec cette recherche quotidienne, les conflits entre les parents peuvent être plus importants que dans un foyer plus favorisé.

Second impact, la parentalité. D’après plusieurs travaux anglo-saxons, dans leurs pratiques parentales et leur style éducatif, les parents seraient plus punitifs et contrôlants, attitudes sans doute à relier aux épreuves personnelles qu’ils endurent au quotidien.

Les études ont également montré un engagement parental moins important, moins de sensibilité dans l’interaction avec l’enfant... que dans la population générale (rappelons que ces résultats sont issus de la littérature anglo-saxonne). Ces parents, en recherche d’emploi, et ne pouvant pas, la plupart du temps, faire garder leur enfant, développent donc un stress cumulatif qui pourrait expliquer, au moins en partie, des modes de relation moins satisfaisants que dans la population plus favorisée.

Quels liens entretient cette situation de précarité économique avec le développement du jeune enfant ?

Les enfants affectés par cette situation de précarité économique apparaissent moins sécurisés et développent davantage de problèmes de comportements (intériorisés tels l’isolement ou la dépression ou extériorisés telle l’agressivité). Des retentissements sur le développement cognitif sont également relevés, par exemple sur les habilités verbales, les compétences en écriture ou en calcul. Le développement de l’enfant est donc touché tout autant au plan affectif qu’au niveau cognitif ; la pauvreté persistante serait un facteur aggravant par rapport à une pauvreté transitoire.

Quels en sont les impacts sur la scolarité ?

Lorsqu’un enfant éprouve des difficultés en lecture et en écriture au cours des premières années de sa vie, cela peut, en effet, compromettre sa scolarité future. La « désinsertion » après la classe de troisième est beaucoup plus importante chez les enfants de familles défavorisées. Ainsi, les disparités, qui débutent dès le CP, s’aggravent au collège : d’après le rapport n° 4 du CERC en 2004, 25 % des enfants sont en retard en sixième dans la population « non pauvre », 45 % pour les pauvres et 12 % pour les plus favorisés. Ces disparités s’expriment de façon éloquente par la sortie précoce du système scolaire : 20 % arrêtent leurs études, et les écarts entre les populations reflètent les différences d’orientation.

Comment tenter d’atténuer ces impacts en classe ?

Il n’y a pas de réponse univoque et on ne peut pas avoir une vision unilatérale en se focalisant uniquement sur l’impact de la pauvreté en classe. Plusieurs propositions, interdépendantes les unes des autres, sont essentielles au regard des conclusions relatées dans les recherches. Autrement dit, il faut augmenter les revenus du foyer, accompagner et soutenir les parents dans leur parentalité ainsi que dans leur recherche d’emploi, proposer des modes d’accueil adéquats pour les jeunes enfants, renforcer les liens entre les différentes actions et interventions menées par les institutions (Protection maternelle et infantile, médecine scolaire, institutions scolaires...)... Cet ensemble forme un tout et tous les domaines d’existence sont forcément interdépendants.

Ainsi agir sur cet ensemble est absolument nécessaire pour atténuer l’impact de la précarité et de la pauvreté pour les enfants scolarisés.

Propos recueillis par Arnaud Malaisé

(1) L’étude du CERC : La pauvreté se transmet de génération en génération

Voir aussi : "Un ensemble de données sur la pauvreté présenté par le CERC"

Le site du CERC

NOTE DE L’OZP : Une Rencontre de l’OZP sera organisée le mercredi 23 janvier à Paris avec Chantal Zaouche-Gaudron sur ce thème.

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